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L'image du mois

L’image du mois #43 | Septembre

Pour la rentrée 2021, nous avons fait appel à une cartomancienne qui nous a confirmé que cette nouvelle année scolaire sera riche en projets, rencontres et en valorisation de nos fonds !

Pour commencer, nous serons présents à Blanquefort auprès du Stéréo Club français le 26 septembre puis à Angoulême mi-octobre pour le festival Courant 3D. Pour être au courant de nos événements, les infos sont dans les newsletters ou sur nos réseaux !

Cette vue a sans doute été éditée par Alexis ou Charles Gaudin.
Ce tirage est très proche des vues n°307 et variantes déposées par Alexis Gaudin en 1858 (Sujets de fantaisie et enregistrées sous le numéro 8053 au dépôt légal du département de la Seine). Il s’agit du même modèle féminin prenant une pose très proche, du même thème et du même mobilier. Cependant la robe n’est pas identique.

Bibliographie :

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b55012956v/f510.item
https://photostereo.org/recherche.php?chaine=carte&libre=OK&chlibre=%C2%A7coll_2_71&index=0

 

 

 

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The picture of the month #42 | August

The heritage event in July was undoubtedly the inscription of the Cordouan lighthouse on the Unesco World Heritage List!

The decision was announced at the end of July after several years of an application that brought together the State, the Mixed Union for the Sustainable Development of the Gironde Estuary (Smiddest), local authorities and especially several thousand individuals wishing to support the project.

To welcome this very good news, here is a view taken at the beginning of the twentieth century showing visitors at the top of the lighthouse, which is not yet electrified:

Alexis Croly-Labourdette, Cordouan, family portrait taken from the top of the Lighthouse, between 1911 and 1928, Besson Collection, BL146

The view comes from the Besson fonds,whose images were taken by his grandfather Alexis Croly-Labourdette, former notary and amateur photographer born in 1879 in Bourg-sur-Gironde.

 

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The picture of the month #42 | August

The heritage event in July was undoubtedly the inscription of the Cordouan lighthouse on unesco's List of world heritage!

The decision was announced at the end of July after several years of an application that brought together the State, the Mixed Union for the Sustainable Development of the Gironde Estuary (Smiddest), local authorities and especially several thousand individuals wishing to support the project.

To welcome this very good news, here is a view taken at the beginning of the twentieth century showing visitors at the top of the lighthouse, which is not yet electrified:

Alexis Croly-Labourdette, Cordouan, family portrait taken from the top of the Lighthouse, between 1911 and 1928, Besson Collection, BL146

The view comes from the Besson fonds,whose images were taken by his grandfather Alexis Croly-Labourdette, former notary and amateur photographer born in 1879 in Bourg-sur-Gironde.

 

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L’image du mois #42 | Août

L’événement patrimonial du mois de juillet a sans doute été l’inscription du phare du Cordouan sur la Liste du patrimoine mondial de l’Unesco !

La décision a été annoncée fin juillet après plusieurs années d’une candidature ayant réuni l’Etat, le Syndicat Mixte pour le Développement Durable de l’Estuaire de la Gironde (Smiddest), les collectivités territoriales et surtout plusieurs milliers de particuliers désireux de soutenir le projet.

Pour saluer cette très bonne nouvelle, voici une vue prise au début du XXe siècle montrant des visiteurs au sommet du phare, qui n’est pas encore électrifié :

Alexis Croly-Labourdette, Cordouan, portrait de famille pris depuis le sommet du Phare, entre 1911 et 1928, Collection Besson, BL146

La vue provient du fonds Besson, dont les images ont été prises par son grand-père Alexis Croly-Labourdette, ancien notaire et photographe amateur né en 1879 à Bourg-sur-Gironde.

 

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Le port de Marseille entre 1850 et 1914, témoignages d’un temps révolu

Vue générale sur le Vieux-Port en direction de Notre-Dame de la Garde, 1870-1890, Collection Magendie, MAG4759

Les collections de la Stéréothèque permettent de nombreux coups de projecteur. En cet été, occasion pour beaucoup d’entre nous d’aller apprécier le soleil des bords de Méditerranée, intéressons-nous à l’un des lieux les plus emblématiques des rives de la « Grande Bleue », héritier, qui plus est, de plus de 2 000 ans d’histoire : le port de Marseille.

Le « Port-Vieux » de la cité phocéenne est en effet le centre historique de la cité depuis sa fondation au cours de l’Antiquité : les Phocéens débarquèrent ici aux environs de 600 avant J. C. dans une calanque dont ils firent leur havre protecteur, en lui donnant d’emblée un rôle de plaque tournante pour le commerce. Cela permet à Marseille de revendiquer le titre de « plus ancien port de France ». L’occupation romaine lui léga le nom de Massilia. La cité va ainsi prospérer grâce à ses relations privilégiées avec l’Asie mineure, le Grèce et Rome.

Vue 1 – Intérieur du port de Marseille en 1754 par Joseph Vernet (Musée de la Marine)

Le lieu conserve quelques édifices que les souverains de France ont fait édifier, témoignant de l’importance qu’ils accordaient au lieu : la tour Saint-Jean, voulue par François 1er, ou le fort Saint-Nicolas par Louis XIV, qui développa ici une imposante flotte de galères.

Cette vocation ne s’est jamais démentie ; jusqu’au milieu du XIXe siècle (date à laquelle on creuse et aménage le Bassin de la Joliette – entre 1847 et 1853), le Vieux-Port est le centre économique de la cité, qui rayonne, grâce à lui, sur toute la Méditerranée, profitant à plein des courants commerciaux que permet l’empire colonial français, alors à son apogée.

Vue 2 - Puvis de Chavannes, Marseille, porte de l’Orient, 1869 – Musée de Longchamp (Hebdomadaire Les Annales, 16 mai 1926)

Les collections de la Stéréothèque sont une fois de plus l’occasion d’évoquer cette période-charnière de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, où se concentre l’essentiel du trafic maritime, mêlant la pêche traditionnelle, le transport à voile, le début du yachting de plaisance, et la modernité du transport à vapeur. Quelques photos de cette période, en particulier, sont dignes d’un grand intérêt, car particulièrement rares, les plus anciennes  témoignant de vues désormais révolues.

C’est le cas de la vue stéréoscopique ci-dessous. Lorsque l’on vient en approche du Vieux-Port de Marseille, en venant de l’est (Italie ou Moyen-Orient), on longe le quartier du Pharo, avec une anse qui abrite encore un petit chantier de réparation navale, dominé sur la falaise par le palais du même nom. Alors qu’un arsenal fabricant des galères en série existait à Marseille jusqu’en 1784, à partir de 1790, un chantier naval s’installe ici, s’étendant jusqu’à la passe d’entrée du port.

Le chantier de construction du Pharo, 1860-1890, Collection Magendie, MAG4413

Ici seront construits pendant près d’un siècle surtout des navires de petit tonnage, bricks, corvettes, frégates, très rapides, bien adaptés à la navigation en Méditerranée. Ainsi, dans les années 1820-1830, on y fabrique plusieurs unités pour le vice-roi d’Egypte, le sultan Méhémet Ali. La vue ci-dessus nous montre cependant en chantier un navire d’un tonnage relativement important, à coque entièrement en bois, certainement un trois-mâts de charge destiné au transport de marchandises à travers toute la Méditerranée. Dans les années 1920, une centaine d’ouvriers travaillaient encore ici au sein de plusieurs entreprises. Aujourd’hui, un chantier de plus modeste dimension exerce dans la réparation de marine traditionnelle.

Vue 3 - Le palais et l’anse du Pharo vus de la mer, avec, en bas à droite, le petit chantier de réparation encore en activité. – (https://images.laprovence.com/media/hermes/2016-10/2016-10)

Contournons maintenant la falaise du Pharo : nous entrons dans le chenal qui conduit au Vieux-Port, au pied du fort Saint-Jean, construit sous Louis XIV, l’entrée du port elle-même étant dominée par la tour ronde du Fanal qui date de 1664. Sur la vue ci-dessous, en arrière-plan à gauche, dominant le nouveau bassin de la Joliette construit à partir de 1847, on aperçoit la cathédrale Sainte-Marie-Majeure, dont l’édification s’est prolongée sur quarante ans (1852 à 1893). Sur cette photo, d’immenses échafaudages de ce chantier sont visibles, l’édification n’étant pas très avancée.

L’entrée du Vieux-Port au pied de la tour du Fanal et du fort Saint-Jean, sans doute photographié depuis le fort Saint-Nicolas en face, vers 1860, Collection Calvelo, CAL0014

Revenons au niveau des flots. Une tartane est engagée dans le chenal du Vieux-Port.

Tartane engagée dans le chenal d’entrée du Vieux-Port, au pied du fort Saint-Jean, 1890-1914, Collection Magendie, MAG1245

Les tartanes comme celle-ci étaient utilisées pour le commerce de cabotage alors caractéristique des côtes françaises et italiennes de la Méditerranée. Leur grande voile latine triangulaire était portée par une traverse rigide à 45° appelée « corne » ou « antenne ». Ces bateaux et leur usage disparaissent progressivement après la guerre de 1914-1918. Il ne subsiste aujourd’hui que quelques exemplaires à titre de conservation patrimoniale.

Pour avoir une vue complète du fort Saint-Jean, il faut l’observer depuis le fort Saint-Nicolas, sur l’autre rive du goulet d’entrée. C’est le cas des illustrations ci-après, qui nous montrent, sur le côté droit du fort, la grosse tour carrée, la tour Saint-Jean, bâtie par le roi René (sous le règne de François 1er) pour garder l’entrée du port et porter un fanal.

Vue 4 – Entrée du Vieux-Port de Marseille, d’après un daguerréotype de 1843. Un brick à deux-mâts s’apprête à pénétrer dans le port à voilure réduite, tandis qu’au premier plan à gauche une tartane quitte le port avec un chargement. Au second plan à gauche, une allège d’Arles est en approche, avec une voile de hunier au-dessus de sa voile latine. (Jean Bellis, Ports de France, Marines Editions, 2010)
Le fort Saint-Jean vu dans son intégralité depuis la rive opposée, avec la tour Saint-Jean à droite, construite sous le roi René, 1863, Collection Duclot, P005

Nous pénétrons maintenant dans le Vieux-Port (que les anciens marseillais appelaient le Port-Vieux). Ci-dessous, la plus ancienne des photos stéréoscopiques de nos collections relative à cet endroit nous montre ici le fond de ce bassin (aujourd’hui quai des Berges) à une date vraisemblablement plus proche de 1850 que de la fin de ce siècle.

Le fond du Vieux-Port de Marseille, 1850-1900, Collection Duclot, P019

On y trouve la flotte encore caractéristique de ce milieu du XIXe siècle : au premier plan, un chaland de transport fluvial, ponté et équipé d’un mât, certainement utilisé pour effectuer la liaison entre le Grand-Rhône et Marseille, via le canal du Rhône. En haut à gauche, l’enchevêtrement de mâts correspond majoritairement à des tartanes méditerranéennes comme celle de la vue MAG1245. Outre la grande voile latine triangulaire, le gréement complet de ces embarcations comportait aussi un petit foc et une petite voile arrière dite « tape-cul ». Enfin, en partie gauche, une allège servant à apporter au plus près les marchandises (ici des tonneaux) est amarrée à couple d’un deux-mâts dont le pont est abrité de bâches (des « tauds »).

La vue suivante montre le même endroit, avec davantage de recul, prise 10 ou 15 années plus tard. Le gros chaland à voile du premier plan de la vue précédente est remplacé par un petit vapeur. Sur la gauche, au centre du bassin, une grosse drague à vapeur est amarrée en pleine eau, peut-être en train de draguer le fond du bassin. En arrière, les tartanes ont, pour la plupart, cédé leur place aux navires de charge à deux ou trois-mâts, preuve d’un glissement du trafic vers le commerce intra-méditerranéen à plus long cours.

Le fond du Vieux-Port, 1866-1900, Collection Magendie, MAG1232

Sur la vue ci-après, nous avons, au premier plan, un remorqueur à vapeur, équipé de roues à aubes : en effet, dès le début de la vapeur, on a pris conscience de l’intérêt de la motorisation à vapeur pour remorquer les navires à voile, en leur évitant la difficulté d’une entrée à la voile dans les passes et les entrées de port.

Vue générale du Vieux-Port avec en fond, Notre Dame de la Garde, 1870-1890, Collection Magendie, MAG4759
Vue 5 – Forêt de mâts à l’apogée de la marine de transport à voile dans le Vieux-Port de Marseille en 1894 (Photo Guende, Histoire de la Marine, par l’Illustration, 1934)

Mais, dès la fin du XIXe siècle, avec le développement de la marine de plaisance pour une frange de privilégiés, le Vieux-Port commence à abriter aussi quelques yachts de plaisance, comme ce petit yacht à vapeur ; ici, les passagers sont en tenue de ville, ce qui était alors inhabituel, les propriétaires plaisanciers mettant en général un point d’honneur à revêtir plutôt une tenue de « sport » entièrement blanche avec une caquette pour « faire marin ».

Yacht de plaisance dans le Vieux-Port, 1890-1914, Collection Magendie, MAG1248

Aujourd’hui, le Vieux-Port sert essentiellement de port de plaisance, mais abrite aussi les petits chalutiers de pêche côtière du port (en bas sur l’image).

Vue 6 – Le Vieux-Port de Marseille aujourd’hui (Sunwhere)

Pendant une quarantaine d’années, l’entrée du Vieux-Port fut aussi marquée par la présence d’un pont transbordeur. Inauguré le 15 décembre 1905, il avait pour but de permettre la traversée du chenal d’entrée du port sans avoir à en faire le tour, essentiellement pour les piétons. Cette réalisation, une des deux seules en France avec Rochefort, a été construite par Ferdinand Arnaudin, l’inventeur du procédé. Sa nacelle de 120 m² et de 20 tonnes effectuait la navette entre les deux rives en 1 minute 30, une performance assez remarquable. Sur le côté nord du tablier se trouvait un buffet-restaurant de poissons où bouillabaisse et langoustes étaient au menu. Mais, dans les années 1930, il ne servait plus que de décor, faute de moyens pour assurer son entretien qui aurait nécessité de grosses dépenses. Le 22 août 1944, l’armée allemande le fait sauter pour obstruer le port lors de la bataille de Marseille, mais seul le pylône nord s’abat dans les eaux. Le reste fut démoli le 1er septembre 1945 à l’explosif.

Le pont transbordeur de Marseille, 1905-1914, Collection Wiedemann, WIE834. Il est possible que cette photo ait été prise à l’occasion de l’inauguration de l’ouvrage. Au fond du port, on aperçoit un mélange de trois-mâts et de vapeurs, assortiment de navires bien caractéristique de la marine de commerce du premier quart du XXe siècle

Même si cela constitua certainement un énorme gâchis financier (puisqu’il suffit d’une ligne de « ferry-boats » pour effectuer la traversée à bien moindre coût), cet ouvrage marqua la mémoire collective des marseillais qui le considéraient un peu comme la « Tour Effel » de Marseille.

Devant l’essor du commerce maritime, entre 1847 et 1853, on creuse et aménage le Bassin de la Joliette, juste à l’ouest du Vieux-Port, pour faire face à l’incroyable expansion du transport maritime desservant les colonies françaises d’Afrique du Nord, mais aussi du commerce avec tout le bassin méditerranéen, amplifié par le développement du transit maritime via le canal de Suez inauguré en août 1869.

Le bassin de la Joliette, 1860-1870, Collection Magendie, MAG2398

Sur la photo ci-dessus, le bassin est encombré de gros trois-mâts de commerce et de quelques vapeurs à roues : nous sommes bien dans le troisième quart du XIXe siècle.

Sur la photo suivante, les navires sont majoritairement à vapeur, sans roues à aubes. Le quai au premier plan, encombré de marchandises, est équipé d’une grue à vapeur ou électrique ; l’évolution des navires est incontestable : nous sommes dans le premier quart du XXe siècle.

Port de la Joliette, 1900-1915, Collection Wiedemann, WIE837

Le détail ci-dessous illustre l’activité du port : au premier plan, une barque fait traverser des passagers d’un côté à l’autre du port. En arrière-plan, les deux navires visibles illustrent bien la période d’avant la Première Guerre mondiale : on y voit côte à côte un trois-mâts et un gros cargo à vapeur, navire qui va progressivement évincer les cargos de charge à voile.

Détail du port de la Joliette, 1890-1915, Collection Magendie, MAG1237

Aujourd’hui, le Grand port maritime de Marseille s’étend, au-delà du bassin de la Joliette, jusqu’au golfe de Fos. Le bassin de la Joliette accueille une partie des cargos de marchandises, ainsi que les ferries pour l’Afrique du Nord et les nombreux navires de croisière qui sillonnent la Méditerranée, conférant à Marseille le premier rang comme port de croisière en France.

Christian Bernadat

 

Bibliographie :

Vieux Port de Marseille sur Wikipédia

Jean Bellis, Ports de France, 1860-1920, Marines Editions, 2010

Dominique Buisson, Encyclopédie des Voiliers, Edita 1995

Le Pont transbordeur de Marseille sur Wikipédia

 

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The picture of the month #41 | July

Summer and its holiday air is here!

What if you came to enjoy a hike with us? We went to Zermatt, Switzerland, in 1901! On this stereoscopic view, it is more precisely a group of carriers, according to a method of transport then common.

Many villagers, even elderly ones, were then employed to carry the luggage of visitors to the hotels of the altitudes.

Mountaineering near Zermatt, 1901, Magendie
Collection

We had already told you about hiking in February. Now that you're ready to go for a walk along the mountain roads, consider traveling light! We wish you a beautiful month of July!

 

L'image du mois

L’image du mois #41 | Juillet

L’été et son air de vacances est là !

Et si vous veniez profiter d’une randonnée avec nous ? Nous partons à Zermatt, en Suisse, en 1901 ! Sur cette vue stéréoscopique, il s’agit plus précisément d’un groupe de porteurs, selon une méthode de transport alors commune.

De nombreux villageois et villageoises, même âgés, étaient alors employés pour porter les bagages des visiteurs jusqu’aux hôtels des altitudes.

Alpinisme près de Zermatt, 1901, Collection Magendie

On vous avait déjà parlé de randonnée en février. Maintenant que vous êtes prêts à aller arpenter les routes de montagne, pensez à voyager léger ! On vous souhaite un beau mois de juillet à vous !

 

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Le Voyage aux Pyrénées selon Hippolyte Taine en 1855/1860

Quatrième épisode : la vie de curiste aux Eaux-Bonnes

Les Eaux-Bonnes, vue générale (1856-1858), Collection Magendie, MAG6311

Rappel des trois premiers épisodes 

Hippolyte Taine est un des plus tardifs à réaliser son Voyage aux Pyrénées, en 1855, dans le but de suivre une cure médicale, soin alors très prisé dans la bonne société parisienne. Pour cela, à seulement 27 ans, il prend une sorte de « congé sabbatique ». Après Bordeaux et Royan, Bayonne, Biarritz et Saint-Jean-de Luz, Orthez et Pau, notre écrivain voyageur arrive enfin aux Eaux-Bonnes dans la vallée d’Ossau, objectif de son voyage thermal. Là, il va nous faire une description minutieuse de la vie de curiste au sein de la station thermale.

On s’appuiera, pour illustrer cet épisode, sur les nombreuses vues des Eaux-Bonnes disponibles dans la Stéréothèque au sein de la collection Magendie et de celle de la Médiathèque de Pau, la plupart du temps issues des séries des vues sur le thème du Voyage aux Pyrénées.

Sur cette vue des Eaux-Bonnes entre 1866 et 1900 (soit postérieurement à la venue de Taine), on distingue bien à gauche, sous ce qui semble être un jardin des thermes, des arcades qui abritent des boutiques d’objets destinés aux touristes, dont une ouverte. Collection Médiathèque de Pau, MIDR_PHA_152_0618

Même si beaucoup de choses ont changé avec les années, constatons que, dès ces débuts, « l’économie thermale » est déjà bien en place, avec ses hôtels et pensions, sa kyrielle de boutiques de souvenirs pour curistes, l’organisation de distractions pour les ceux-ci et la mise en valeur du « folklore » local.

Premiers contacts avec les Eaux-Bonnes 

Les Eaux-Bonnes, l’avenue de Castellane et le jardin Darralde (1856-1858), Collection Magendie, MAG6310
Vue 1 – Arrivée de la malle-poste (ou courrier). Carte postale, coll. J. Saintz in « La vie d’autrefois en Béarn »

Taine commence directement son chapitre sur les Eaux-Bonnes au moment de son arrivée, sans rien nous dire de son voyage depuis Pau. En général, on y arrivait par la malle-poste depuis Pau et Laruns.

 

 

« Je comptais trouver ici la campagne : un village comme il y en a tant, de longs toits de chaume ou de tuiles, des murs fendillés, des portes branlantes, et dans les cours un pêle-mêle de charrettes, de fagots, d’outils, d’animaux domestiques, bref, tout le laisser-aller pittoresque et charmant de la vie rustique. Je rencontre une rue de Paris et les promenades du bois de Boulogne. Jamais campagne ne fut moins champêtre ; on longe une file de maisons alignées comme des soldats au port d’armes, toutes percées régulièrement de fenêtres régulières, parées d’enseignes et d’affiches, bordées d’un trottoir, ayant l’aspect désagréable et décent des hôtels garnis… »

La naïveté de notre auteur est-elle bien sincère ? Il n’est pas venu ici par hasard, ni parmi les premiers. Nous l’avons indiqué dès le début de cette aventure à épisode : avant lui, de nombreux auteurs sont venus ici, et n’ont pas manqué d’en faire des comptes-rendus. Cette destination fait déjà partie des destinations en vogue dans les milieux parisiens en particulier… Les guides et les conseils de voyages existent déjà. Il y a donc tout lieu de penser qu’il savait bien à quoi s’attendre en se rendant dans cette ville thermale très à la mode.

Par contre, sa narration permet d’interpeler le lecteur sur le contraste avec les villages traditionnels des Pyrénées et permet d’être explicite sur la transplantation « de Paris à la montagne ». Il s’agit d’une expression exagérée, même si elle a son fond de réalité, comme on peut en juger sur la vue MAG6310 ci-dessus et sur la vue n°2 ci-après : une rue bien alignée, composée d’hôtels et de pensions de famille, et un square propret de style urbain.

Vue 2 – La grande rue des Eaux-Bonnes, vue depuis la Promenade Horizontale, par Victor Petit, Lithographie aquarellée, in « Souvenir des Eaux-Bonnes », 1850, Coll. Pierre Lamicq (in « Le Voyage aux Pyrénées »)

Alors que le chemin de fer n’arrivera ici qu’en 1883, le développement de la station et de son urbanisation débute véritablement sous la Restauration, avec la création d’un premier établissement thermal en 1828. Dans les années 1840, le thermalisme se développe partout en Europe. Les Eaux-Bonnes sont situées sur ce que l’on désigne déjà comme la Route Thermale n°3 qui relie les villes d’eaux du Béarn à Cauterets par le col de l’Aubisque. L’âge d’or de cette ville thermale commence sous le Second Empire. Le séjour de Taine se situe au cœur de cette période : l’impératrice Eugénie y vient plusieurs fois, justement à partir de cette année 1855. Mais Taine semble ne pas l’avoir rencontrée.

« On trouve grotesque qu’un peu d’eau chaude ait transporté dans ces fondrières la cuisine et la civilisation. Ce singulier village essaye tous les ans de s’étendre, et à grand-peine, tant il est resserré et étouffé dans son ravin ; on casse le roc, on ouvre des tranchées sur le versant, on suspend des maisons au-dessus du torrent, on en colle d’autres à la montagne, on fait monter leurs cheminées jusque dans les racines des hêtres ; on fabrique ainsi derrière la rue principale une triste ruelle qui se creuse et se relève comme elle peut, boueuse, à pente précipitée, demi-peuplée d’échoppes provisoires et de cabarets en bois, où couchent des artisans et des guides ; enfin, elle descend jusqu’au Gave, dans un recoin tout pavoisé du linge qui sèche, et qu’on lave au même endroit que les cochons ( !). »

Vue 3 – Ci-dessus, les Eaux-Bonnes, lithographie en camaïeu, par Eugène de Malbos, in « Une visite au bon Henri », Toulouse 1843 (Bibliothèque municipale de Pau)

Premiers jours du curiste : pas de chance, il pleut à verse !

Taine découvre le quotidien du curiste… et les caractéristiques d’une vallée encaissée des Pyrénées : la pluie et le brouillard n’y sont pas rares ; ces jours-là, plus que d’autres, il faut tromper l’ennui entre les heures de « prise des eaux »…

« De tous les endroits du monde, les Eaux-Bonnes sont le plus déplaisant un jour de pluie, et les jours de pluie y sont fréquents ; les nuages s’engouffrent entre les deux murs de la vallée d’Ossau, et se traînent lentement à mi-côte ; les sommets disparaissent, les masses flottantes se rejoignent, s’accumulent dans la gorge sans issue, tombent en pluie fine et froide. Le village devient une prison ; le brouillard rampe jusqu’à terre, enveloppe les maisons, éteint le jour déjà offusqué par les montagnes ; les Anglais se croiraient à Londres.

Hôtels le long de l’avenue de Castellane (1868), Collection Magendie, MAG6496

On regarde à travers les carreaux les formes demi-brouillées des arbres, l’eau qui dégoutte des feuilles, le deuil des bois frissonnants et humides, on écoute le galop des promeneuses attardées qui rentrent les jupes collées et pendantes, semblables à de beaux oiseaux dont la pluie a déformé le plumage ; on essaye le whist avec découragement ; quelques-uns descendent au cabinet de lecture […]. »

Les thermes vus latéralement (1862-1868), collection Magendie, MAG6335
« On regarde l’heure, et l’on se souvient que trois fois par jour le médecin ordonne de boire ; alors, avec résignation, on boutonne son paletot et l’on monte la longue pente roide de la chaussée ruisselante ; les files de parapluies et de manteaux trempés sont un spectacle piteux ; on arrive, les pieds clapotant dans l’eau, et l’on s’installe dans la salle de la buvette. Chacun va prendre son flacon de sirop, à l’endroit numéroté, sur une sorte d’étagère, et la masse compacte des buveurs fait queue autour du robinet […]. »




Vue 4 – En remontant les thermes un jour de pluie. Gustave Doré, 3e édition, page 130



Vue 5 – Carte postale vers 1900 : une cinquantaine d’années après la visite de Taine, l’intérieur des thermes est encore tel qu’il nous le décrit ci-dessous : le double banc de bois et le présentoir à souvenirs sont toujours là. (in « Ossau 1900 »)

« Le premier verre bu, on attend une heure avant d’en prendre un autre ; cependant on marche en long et en large, coudoyé par les groupes pressés qui se traînent péniblement entre les colonnes. Il n’y a point de siège, sauf deux bancs de bois où les dames s’asseyent, les pieds posés sur la terre humide : l’économie de l’administration suppose qu’il fait toujours beau temps. »

Étonnant aussi de découvrir à travers le récit de Taine l’affluence qui pouvait se retrouver en ce lieu dès ce milieu du XIXe siècle.

« On regarde pour la vingtième fois les colifichets de marbre, la boutique des rasoirs et de ciseaux, une carte de géographie pendue au mur. De quoi n’est-on pas capable un jour de pluie, obligé de tourner entre quatre murs, parmi les bourdonnements de deux cents personnes ? On étudie les affiches, on contemple avec assiduité des images qui prétendent représenter les mœurs du pays : ce sont d’élégants bergers roses, qui conduisent à la danse des bergères souriantes encore plus roses. On allonge le cou à la porte pour voir un couloir sombre où des malades trempent leurs pieds dans un baquet d’eau chaude, rangés en file comme des écoliers un jour de propreté et de sortie. Après ces distractions, on rentre chez soi, et l’on se retrouve en tête à tête et en conversation intime avec sa commode et sa table de nuit… »

Le repas du curiste 

En cure, le repas est un moment important pour rythmer la journée du curiste. Là encore, constatons que la « coutume » des musiciens ou des orchestres de rues allant de pension en pension, ou de restaurant en restaurant, toujours pratiquée sur les lieux touristiques encore de nos jours, est déjà alors largement répandue : il est incroyable de voir à quel point ce XIXe siècle a « inventé » des pratiques que l’on croirait « modernes ».

« Les gens qui ont appétit se réfugient à table ; ils ont compté sans les musiciens. Nous vîmes d’abord venir un aveugle, à grosse tête lourde d’Espagnol, puis les violons du pays, puis un second aveugle. Ils jouent des pots-pourris de valses, de contredanses, de morceaux d’opéras, enfilés les uns au bout des autres, chevauchant au-dessus et au-dessous du ton avec une intrépidité admirable, ravageant de leurs courses musicales tous les répertoires […]. »





Vue 6 – Le flûtiste Sanson et l’aveugle Haure au violon, Carte Postale (in « Ossau 1900 »).

« Un bon appétit console de tous les maux ; c’est tant pis, si vous voulez, ou tant mieux pour l’humanité. Il faut supporter l’ennui, la pluie et la musique des Eaux-Bonnes. Le sang renouvelé porte alors de la gaieté au cerveau, et le corps persuade à l’âme que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes.[…] Quand, son dîner fini, [l’homme] replie sa serviette et commence la promenade indispensable […], il lui semble que l’univers est consolidé ; il sourit, il est affable, il vous tend la main le premier. Que sommes-nous machines ! Et pourquoi s’en plaindre ? Mon brave voisin vous dirait que vous avez la clef de vos rouages ; tournez le ressort du côté du bonheur. Philosophie de cuisine, soit. Celui-ci, qui la pratiquait, ne s’inquiétait pas du nom. »

Les sorties des belles journées

Vue 7 – Enfants en costume traditionnel, Carte postale, in « La vie d’autrefois en Béarn ». La casaque (gilet) est rouge et la culotte brune ou bleu foncé, s’arrêtant en-dessous des genoux sur des jambières de laine blanche se terminant en guêtres sur les chaussures.

« Les jours de soleil, on vit en plein air. Une sorte de préau, qu’on nomme le Jardin anglais, s’étend entre la montagne et la rue, tapissé d’un maigre gazon roué et fleuri : les dames y font salon et y travaillent ; les élégants, couchés sur plusieurs chaises, lisent leur journal et fument superbement leur cigare ; les petites filles, en pantalons brodés, babillent avec des gestes coquets et des minauderies gracieuses ; elles s’essayent d’avance au rôle de poupées aimables. Sauf les casaques rouges des petits paysans qui sautent, c’est l’aspect des Champs-Elysées. »

 

Le Jardin Anglais est la première dénomination du Jardin Darralde (ou d’Aralde), situé entre la rue Louis Barthou et l’avenue de Castellane.

Les Eaux-Bonnes, le jardin Darralde et la rue Barthou (1862-1868), Collection Magendie, MAG6343

« On sort de là par de belles promenades ombragées qui montent en zig-zag sur les flancs des deux montagnes, l’une au-dessus du torrent, l’autre au-dessus de la ville ; vers midi, on y rencontre force baigneurs couchés sur les bruyères, presque tous un roman à la main. […] Pardonnez à ces malheureux ; ils sont punis de savoir lire et de ne pas savoir regarder… »

Vue 8 – la Cascade du Valentin, en contrebas du village, Carte postale (in « Ossau 1900 »)

La description de notre auteur n’est pas très explicite : depuis le centre des Eaux-Bonnes (le jardin Darralde par exemple), le premier « zig-zag à flanc de montagne » qu’il évoque descend en contrebas et mène au torrent, au fond d’un vallon au nord de la commune, le Valentin, qui se déverse en cascade, désignée pour cela comme Cascade du Valentin.

La Cascade du Valentin (1862-1868), Collection Magendie, MAG6337

À l’époque, le chemin pour descendre à cette cascade était relativement escarpé. L’eau y chute d’environ 54 m (« 180 pieds ») dans un large bassin qui provoque une fraîcheur remarquable.

Quant à l’autre promenade « au-dessus de la ville », il s’agit de deux sentiers qui serpentent en effet en montant sur l’autre flanc de montagne, du côté est de la commune, l’un appelé Promenade Eynard et l’autre baptisée Promenade de l’Impératrice quelques années après le séjour de Taine. Celles-ci permettent de monter au-dessus de la ville, dégageant à cette occasion une très belle vue sur la ville ; elles permettent d’atteindre, quelques centaines de mètres plus haut, la Cascade du Gros-Hêtre.

Les Eaux-Bonnes vues depuis la Promenade de l’Impératrice (1866-1900), Médiathèque de Pau, MIDR_PHA_152_0635
La cascade du Gros-Hêtre (1862-1863), collection Magendie, MAG6334

« Des hêtres monstrueux soutiennent ici les pentes ; aucune description ne peut donner l’idée de ces colosses rabougris, hauts de huit pieds, et que trois hommes n’embrasseraient pas. Refoulée par le vent qui rase la côte, la sève s’est accumulée pendant des siècles en rameaux courts, énormes, entrelacés et tordus ; tout bosselés de nœuds, déformés et noircis, ils s’allongent et se replient bizarrement, comme des membres boursouflés par une maladie et distendus par un effort suprême. »

Erreur dans les notes de notre auteur, défaut de mémoire, ou simplement souci de rééquilibrage de ses paragraphes, ces hêtres, d’ordinaire baptisés tortueux, sont plutôt situés par les observateurs le long de la Promenade Horizontale, située exactement à l’opposé, à l’autre bout du village (que Taine évoque un peu plus loin). C’est bien la légende donnée par le photographe Jean Andrieu pour la vue ci-contre, de même que celle du dessin ci-après de Camille Roqueplane.

Les hêtres tortueux de la Promenade Horizontale (1862), Médiathèque de Pau, MIDR_PHA_152_0427

Les arbres « tortueux » (parfois aussi désignés comme « faux ») sont une dégénérescence végétale connue par mutation génétique, constatée en plusieurs lieux en France sur différentes espèces (saules, noisetiers, hêtres, etc) ; comme les arbres se reproduisent par multiplication successive au voisinage les uns des autres (par leurs graines ou par marcottage), ils forment de véritables concentrations qui intriguent. La « maladie » avancée par Taine comme explication de ce phénomène est donc un premier pas dans en direction de la compréhension du mécanisme réel, seulement découvert au cours du XXe siècle.

« Quelques troncs, pourris par l’eau, s’ouvrent hideusement éventrés : chaque année, les lèvres de la plaie s’écartent ; ils n’ont plus forme d’arbres ; ils vivent pourtant, invincibles à l’hiver, à la pente et au temps, et poussent hardiment dans l’air natal de leurs jeunes rameaux blanchâtres. Le soir, lorsqu’on passe dans l’ombre près des têtes tourmentées et des troncs béants de ces vieux habitants des montagnes, si le vent froisse leurs branches, on croit entendre une plainte sourde, arrachée par un labeur séculaire ; on songe aux géants de la légende scandinave, emprisonnés par le destin entre les murs qui tous les jours se resserrent, les ploient, les rapetissent, et, après mille ans de tortures, les rendent à la lumière, furieux, difformes et nains. »

Vue 9 – Les hêtres tortueux, interprétation fantasmagorique que donne Gustave Doré du descriptif de Taine. 3e édition, p 139
Vue 10 – « Promenade aux Eaux-Bonnes », dessin à la mine de plomb sur papier chamois, de Camille Roqueplane, Coll. Pierre Lamicq (in « Le Voyage aux Pyrénées »)

Distractions de fin de journée

« Vers quatre heures reviennent les cavalcades ; les petits chevaux du pays sont doux et galopent sans trop d’effort ; de loin, au soleil, brillent les voiles blancs et lumineux des dames ; rien de plus gracieux qu’une jolie femme à cheval, quand elle n’est pas emprisonnée dans l’amazone noire, ni surmontée du chapeau en tuyau de poêle. Personne ne porte ici ce costume anglais, funèbre, étriqué ; en pays gai, on prend des couleurs gaies : le soleil est un bon conseiller. »

Vue 11 – La cavalcade, illustration de Bertall, « La Vie hors de chez soi », 1876 (in « Le Voyage aux Pyrénées »

« Il est défendu de rentrer au galop…, c’est pourquoi tout le monde rentre au galop ! […] On se cambre sur la selle, la chaussée résonne, les vitres tremblent, on passe superbement devant les badauds qui s’arrêtent : c’est un triomphe ! »

À cette époque, des cavalcades se produisaient ainsi dans toutes les villes thermales des Pyrénées.

L’entrée de la Promenade Horizontale (1862-1868), Collection Magendie, MAG6350

« Le soir, tout le monde vient à la promenade horizontale ; c’est un chemin plat d’une demi-lieue, taillé dans la montagne de Gourzy. »

 

Cette Promenade Horizontale a été réalisée en 1844, à l’ouest de la commune, par souscription d’un certain nombre de bienfaiteurs parisiens qui souhaitaient offrir aux curistes l’accès à une promenade aisée et de plein pied, aménagée avec balustrades, treillages et bancs. C’était leur lieu de déambulation favori à l’issue de chaque journée de soins. Pour cette raison, très vite, des buvettes et des cabanes de marchands de souvenirs s’y implantèrent.

Vue 12 – La Promenade Horizontale, A.D. 64

« Le reste du pays n’est qu’escarpements et descentes ; quand, pendant huit jours, on a connu la fatigue de grimper courbé, de descendre en trébuchant, de réfléchir par terre aux lois de l’équilibre, on trouve agréable de marcher sur un terrain uni et de laisser ses pieds sans songer à sa tête ; c’est une situation toute nouvelle de sécurité et de bien-être. […] Nous allions tous les jours nous asseoir sur une pierre au bout de ce chemin […] De chaque côté, trois montagnes avancent leur pied vers la rivière et font onduler le contour de la plaine ; les dernières descendent comme des pans de pyramides, et leurs pentes d’un bleu pâle se détachent sur les bandes rougeâtres du ciel terni. »

« Le fond des gorges est déjà sombre ; mais en se retournant, on voit la cime du Ger resplendir d’un rose tendre et garder le dernier sourire du soleil. »

Ce sommet domine la vallée des Eaux-Bonnes du haut de ses 2 613 mètres.

Le Pic du Ger vu des Eaux-Bonnes (1868), Médiathèque de Pau, MIDR_PHA_152_0156

D’autres promenades existent, comme la promenade Grammont, sur le même flanc de montagne que la Promenade Horizontale ; cette promenade comportait un kiosque permettant d’admirer un vaste panorama sur la vallée d’Ossau. Taine ne nous en parle pas, comme s’il n’avait pas poussé son chemin jusque-là : étonnant pour qui se passionnait tant pour les vastes panoramas.

Le kiosque de la Promenade Grammont (1862-1868), Collection Magendie, MAG6339

Autre point de vue dont Taine ne nous parle pas : sur le versant est, un autre kiosque avait été construit sur une butte qui domine la commune, juste en surplomb, la « butte au Trésor » accessible sur la promenade Eynard. On y voit, au fond de la rue principale, la place de la mairie. Ce bâtiment, qui fut à l’origine la maison des communes, appelée « Maison du Gouvernement » sous le second Empire. L’Impératrice Eugénie y fut hébergée lors de son premier séjour en 1855. Il est donc possible qu’elle y résidait lors du séjour de notre auteur.

Panorama depuis le kiosque de la Butte au Trésor (1858), Collection Magendie, MAG2295

Les dimanches 

« Le dimanche, une procession de riches toilettes monte vers l’église. Cette église est une boîte ronde, en pierres et en plâtre, faite pour cinquante personnes, où l’on en met deux cents. Chaque demi-heure entre et sort un flot de fidèles. Les prêtres malades abondent et disent des messes autant qu’il en faut : tout souffre aux Eaux-Bonnes du défaut d’espace ; on fait la queue pour prier comme pour boire, et l’on s’entasse à la chapelle comme au robinet… »

Cette chapelle de style classique, couronnée d’un front triangulaire, avec un petit clocheton surmontant la nef, sera démolie à partir de 1866. Jugée trop exiguë, elle sera remplacée, sous l’impulsion de l’Impératrice Eugénie, par un nouvel édifice qui ne sera finalement consacré qu’en 1884.

Au fond de la rue, l’ancienne chapelle des Eaux-Bonnes, telle que Taine l’a connue (1863), Collection Magendie, MAG6246

Certes, les prêtres sont contraints de « satisfaire » tout le monde ; certes, le curiste « sacrifie » au rite de la messe du dimanche ; mais, point trop n’en faut : une petite demi-heure suffira… et l’on retournera ensuite aux « distractions du dimanche » ! Et quelles distractions ! On en jugera par ce que Taine nous rapporte ensuite ci-après.

« Quelquefois un entrepreneur de plaisirs publics se met en devoir d’égayer l’après-midi : une éloquente affiche annonce le jour du canard.

On attache une perche dans un arbre, une ficelle à la perche, un canard à la ficelle ; les personnages les plus graves suivent avec un intérêt marqué ces préparatifs. J’ai vu des gens qui baillent à l’Opéra faire cercle une grande heure au soleil, pour assister à la décollation du pauvre pendu. Si vous avez l’âme généreuse et si vous êtes avide d’émotions, vous donnez deux sous à un petit garçon ; moyennant quoi on lui bande les yeux, on le fait tourner sur lui-même, on lui met un mauvais sabre en main, et on le pousse en avant, au milieu des cris de l’assistance. […] Si par grand hasard il atteint la bête, si par un hasard plus grand il touche le cou, si enfin par miracle il détache la tête, il l’emporte, la fait cuire, la mange. En fait de divertissement, le public n’est pas difficile. Si on lui annonçait qu’une souris se noie dans une mare, il y courrait comme au feu. »

Vue 13 – « Le jour du canard » illustré par Gustave Doré, 3e édition, page 144

S’en suivent deux pages d’analyse sur cette coutume, que Taine compare – sous couvert d’un dialogue avec son voisin de chambre – à une tragédie classique : les instruments du supplice, des péripéties, une chute en forme de catastrophe.

Nous n’aurons pas de difficulté à admettre que notre degré d’acceptation d’un tel spectacle a fortement évolué ! Laissons donc notre auteur à sa dissertation en trois actes…

Le spectacle, est, semble-t-il, suivi par un bal en extérieur. «Et le bal, qu’en dites-vous ? […] Notre danse n’est qu’une promenade, un prétexte de conversation. Voyez celle des servantes et guides : quels entrechats ! Quelles pirouettes ! Ils vont de franc jeu et de tout cœur ; ils ont le plaisir du mouvement, ils sentent le ressort de leurs muscles ; c’est la vraie danse inventée par la joie et le besoin d’activité physique. Ces gaillards s’empoignent et se manient comme des poutres. La grande fille que voilà est servante à mon hôtel ; dites-moi si cette haute taille, cet air sérieux, cette fière attitude, ne rappellent pas les statues antiques. »

Vue 14 – Danses de la vallée d’Ossau (1876-Danse_aux_Eaux-Bonnes_(Vallée_d'Ossau)_-_Fonds_Ancely_-_B315556101_A_GORSE_16_002 Wikipedia)

Notre écrivain voyageur termine son chapitre par une curieuse résolution, semble-t-il adressée à son voisin de chambre, devenu, au fil des jours, le compagnon de ses sorties :

« Demain, […] j’achète une grosse canne, je mets mes guêtres et je vais courir la campagne. Faites comme moi ; marchons chacun d’un côté et tâchons de ne pas nous rencontrer. »

 

Ce sera donc l’objet de notre prochain épisode : Excursions en Vallée d’Ossau.

Christian Bernadat

 

Bibliographie :

Le Voyage au Pyrénées (texte sur Gallica)

Hippolyte Taine sur Wikipédia

Voyage aux Pyrénées, ed. Arteaz

Institut français d’Architecture (DRAE Midi-Pyrénées), Le Voyage aux Pyrénées ou la route thermale, Ed. Randonnées Pyrénéennes, 1987

René Arripé, Ossau 1900, Le canton de Larruns, Ed.Loubatières, Toulouse, 1987

Jacques Gimard et Eleder Bidard, Mémoire de Pyrénées, Ed. Le Pré aux Clercs, 2001

Pierre Minvielle, Les Pyrénées, Nathan, 1986,

Jean-François Ratonnat, La vie d’autrefois en Béarn, Editions Sud-Ouest, 1996,

Les Eaux Bonnes, Inventaire Nouvelle-Aquitaine

Les Eaux Bonnes sur Wikipédia

Thermalisme, tourisme et folklore dans les Pyrénées vers 1860. La famille de La Villemarqué aux Eaux-Bonnes

Bernard Cauhape, « La vallée d’Ossau : Cascades »

Jardin Darralde, Inventaire Nouvelle-Aquitaine

Promenade Eynard

Non classé

The picture of the month #40 | June

June has arrived!

In the fields, it's time for haying: at your scythes, at your rakes, you have to harvest the hay to dry it!

We are here at the end of the 19th century in an unidentified countryside, in the company of two men and a woman ready for the task.

Scene of peasant life, Magendie collection, Mag4474

A little dive into the Middle Ages: in the books of hours and then in the agricultural treatises, the work of the fields is illuminated according to the months.

For example, in the Rustican or Book of proffiz champestres and ruraleulx, translated in 1373 at the request of Charles V, the various peasant and noble activities are represented next to the text of Pierre de Crescens.

Calendar of rustican, 15th century, Chantilly, Musée Condé, Ms 340 (0603)

In June, a man in a shirt and covered with a hat is about to make hay.

To learn more about the calendars of medieval agricultural work, it is here,an article of the Clem for educational workshops around the Middle Ages!