Une ligne de chemin de fer

Le chemin de fer de Bordeaux à La Teste

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Le guide du voyageur

A La Teste et aux alentours du Bassin d'Arcachon, Bordeaux 1845 Gallica

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Bordeaux et la folie du chemin de fer, 1838-1938 Archives de Bordeaux Métropole

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Bordeaux et la folie du chemin de fer, 1838-1938 Archives de Bordeaux Métropole

Livret d'exposition

Bordeaux et la folie du chemin de fer, 1838-1938 Archives de Bordeaux Métropole

Voies ferrées de Gironde

Les chemins de fer de la Gironde : de Bordeaux à La Teste (Arcachon)
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Dans nos collections:

Les eaux à Bordeaux - La Teste

Suivez-moi maintenant, Lecteurs, jetez-vous à l’improviste, dans un wagon, et vous vous trouverez à la Teste, sans le savoir, et presque sans l’avoir voulu.

Il faut avouer, qu’après le fauteuil, cette berline du songeur, qui va d’un bout du monde à l’autre sans bouger de place, le chemin de fer est bien la façon la plus simple, la plus commode et la plus merveilleuse de voyager. C’est une chose étrange ! Cette force invisible qui vous pousse, ce tourbillon qui vous emporte, ce cratère qui vous mène ; on ne court pas, on ne marche pas, on vole. Il semble que vous nagiez dans l’air, qu’une aile invisible vous supporte, et qu’un vent, soufflant je ne sais d’où, vous pousse vers quelque terre mystérieuse. La vapeur est bien, en effet, le vent de l’homme ; c’est l’industrie moderne, cet Éole nouveau, qui l’a enfermée dans ses outres de fer. Encore un peu de temps, et le vent du bon Dieu nous deviendra complètement inutile ; n’avons-nous pas déjà le gaz — pour remplacer le Soleil et faire de la nuit un autre jour ?

Toujours est-il que vous vous abandonnez avec une certaine volupté, à cette puissance aveugle qui vous subjugue et vous entraine. Les maisons de la route, les clochers, les villages, les nuages, les arbres filent à droite et à gauche comme un panorama fantastique : il semble que toute la Nature tourbillonne autour de vous dans une walse échevelée. Vous êtes arrivé en même temps que parti ; c’est le vertige de la vitesse!

Qui peut dire maintenant le rôle important de la vapeur, cette force impalpable, dans l’avenir du monde, quand les rails-ways, ces artères de fer, porteront d’une extrémité du Globe à l’autre le progrès, voyageur éternel qui ne rencontrera plus alors d’obstacles à sa marche ? La vapeur tend à rendre de plus en plus l’homme à sa forte origine et à lui assurer des droits nouveaux sur la Nature inerte : un grand poète l’a dit :

« En se faisant esclave, elle nous a fait Roi. »

 En effet, la vapeur, en resserrant l’espace et supprimant les distances, n’a-t-elle pas agrandi et dilaté l’homme ? Ce monde, qui était l’infini pour notre faiblesse, ne sera bientôt plus qu’un atome de sable, que nous traverserons avec plus de rapidité que la pensées les nations se toucheront, les peuples s’embrasseront ; il n’y aura plus désormais de guerres possibles les barrières seront brisées, et l’humanité ne parlera plus qu’une seule langue, qui sera l’idiome universel. Alors nos idées, nos arts, notre industrie pénètreront partout ; la civilisation de l’Europe ira éveiller le sauvage dans sa hutte ; et le genre humain, libre enfin, verra se lever à l’horizon cette fraternité et cette unité, rêve des penseurs et des poètes. Malheureusement ces jours ne sont pas près de luire sur le monde ! Revenons un peu à notre sujet.

Il est impossible, je crois, de voyager plus vite et plus commodément, je pourrais même dire, avec plus de sécurité, que sur notre chemin de fer de La Teste ; il n’existe peut-être pas en France, une Administration plus intelligente, plus remplie de sollicitude, de zèle, de bon vouloir, et qui se préoccupe davantage de la sûreté des voyageurs aussi, depuis dix ans qu’il est en pleine activité, le chemin de fer de Bordeaux à La Teste n’a pas éprouvé un seul évènement grave.

Le premier village qui s’offre à nous en quittant la gare, c’est Pessac, viennent ensuite, les stations de Gazinet, Facture, Marcheprime, le Teich, qui montre à droite, le beau château de Ruat, à M. Adrien Festugières, au milieu des arbres de son parc ; Mestras et Gujan, patrie de M. Daney, l’inventeur de la fameuse Passerelle ; enfin voici La Teste.

De nombreuses voitures, des chevaux, des omnibus, vous prennent à la descente du chemin de fer, et en moins de vingt minutes vous emportent par la plus belle route du monde, bordée d’un côté par la forêt, de l’autre par le bassin, sur la plage d’Arcachon.

C’est le chemin de fer qui a révélé La Teste aux Bordelais. Qui donc se doutait auparavant, qu’il y avait à quinze lieues seulement d’une grande ville, un pays aussi pittoresque, aussi neuf et aussi original, avec des mœurs à lui, la mer à deux pas ; une forêt grandiose, solitaire, sauvage, pleine d’harmonies étranges et mystérieuses, comme une forêt du Nouveau-Monde, et un Bassin de seize lieues de tour, qui sert de porte à la grande mer ? Le chemin de fer a été le Christophe Colomb de ces terres nouvelles et inconnues ; il y a porté l’aisance, le mouvement et la vie. Avec le chemin de fer, Arcachon est devenu une banlieue de Bordeaux, et l’on s’y rend aujourd’hui, plus facilement qu’à Bruges, à Caudéran, à Talence ou à Lormont. Un négociant de Bordeaux peut quitter Arcachon, chaque matin, à sept heures ; être à neuf heures à la ville ; et, ses affaires terminées, se trouver le soir, à quatre heures, au sein de sa famille. Laissez donc Paris se relier à Bordeaux par un rail-way, et vous verrez bientôt la plage d’Arcachon visitée par nos plus charmantes Parisiennes. 

L’été à Bordeaux, par Jean Saint-Rieul-Dupouy, Bordeaux 1850. 

pour aller plus loin...

Album thématique Redécouvrons le chemin de fer et les gares sur le site l’Histoire par l’image. 

Documentaire Les Maîtres du rail diffusé en 2018 sur France 5 dans l’émission Science Grand-Format

Jean Lebrun et Georges Ribeill  abordent, dans l’émission La Marche de l’Histoire, Le triomphe du rail au XIXe siècle.