Les gros voiliers de charge, au second plan, sont toujours amarrés proue vers l’aval, tandis qu’au premier plan, les gabares, le long de la berge en pente, ont pour la plupart simplement replié leur voile le long du mât, signe d’un nouveau départ envisagé dans la journée. Elles ont déchargé les habituels futs de vin, et, plus inattendu, des bottes d’osier (pour le « marché aux vîmes » qui se tenait une fois par semaine quai des Salinières) ou le foin pour les chevaux de trait ; quant aux charrettes, toutes attelées, elles attendent sagement leur chargement.
Intéressons-nous maintenant à l’activité des quais, en parcourant ceux-ci de l’amont vers l’aval. Au détour des collections, nous rencontrons quelques documents de tout premier plan, illustrant des scènes plus inattendues, témoignages rares ou uniques d’une période révolue. C’est le cas de l’image suivante, une des plus anciennes de la Stéréothèque (autour de 1860).
Elle semble prise du parapet qui descend du Pont de Pierre vers le quai Richelieu (d’abord appelé quai de Bourgogne). Son intérêt repose sur les embarcations du premier plan ; nous y trouvons de gauche à droite :
- en premier, troisième, quatrième et sixième position, des allèges de différentes tailles, une petite, chargée de sacs ou de pierres, la troisième très imposante et vide ;
- en seconde et cinquième position, de grandes sapines (de 25 m environ) dites « de type tarnais » : leur proue est fortement relevée, et leur pont recouvert d’un « pontil » qui supporte une grue en bois à double volée ; en arrière une cabine construite comme une cabane sert d’habitation pour le marin ainsi que de bureau pour qu’il enregistre les marchandises qu’il prend en charge ou qu’il décharge. Ces embarcations ne sont pas équipées de mât : il s’agit de bateaux hâlés, en général par des chevaux, mais parfois pris en remorque par des navires de charge à voile, qui sont alors manœuvrés dans les ports par de grandes perches. Leurs dimensions étaient calibrées à la taille des écluses du canal latéral à la Garonne.