Reconstruction de la flèche de Saint-Michel

La reconstruction de la flèche de l'église Saint-Michel de Bordeaux

Ressources en ligne

Plan de Bordeaux

Plan de la ville réalisé à la demande de l'intendant Tourny avec vignettes des églises dont la Flèche, 1755, Paris, BnF

Aquarelle

La flèche et son télégraphe de Chappe, par Auguste Bordes, architecte, 1840, Archives de Bordeaux Métropole, Fonds iconographique

Photographie

La restauration de la flèche de l'église Saint-Michel, par Alphonse Terpereau , 1865, BM de Bordeaux, fonds Delpit -

Photographie

La reconstruction de la flèche, par Charles Marville, Archives départementales de la Gironde, fonds de la Commission des Monuments historiques

Gravure

Léo Drouyn, Vue de Bordeaux prise de la passerelle du chemin de fer, eau-forte, 1867, médaille d'or au Salon de Paris en 1867.

Dans nos collections:

La seconde moitié du XIXe siècle voit la réédification de la flèche de Saint-Michel de Bordeaux. Sous l’œil des paroissiens, le plus haut clocher de la ville, symbole fort d’un quartier en pleine expansion après la guerre de Cent ans, se relève après un enchainement d’intempéries ayant gravement altéré l’édifice.

La basilique Saint-Michel de Bordeaux

            Longtemps dépendance de l’abbaye Sainte-Croix toute proche, la basilique Saint-Michel de Bordeaux a été édifiée à proximité des quais, dans un faubourg réunissant des marins, mariniers, artisans et commerçants attachés au port.

De la première chapelle du VIIIe siècle – déjà dédiée à l’archange – et de l’église romane, il ne reste que peu de traces. Cette dernière était devenue trop exiguë. Au XIVe siècle, le quartier est inséré dans le troisième rempart bordelais. À partir de la seconde moitié du siècle, le chantier de la basilique Saint-Michel de Bordeaux voit s’élever la plus grande église paroissiale de la ville, à la mesure du faubourg le plus florissant et le plus peuplé de la ville, soucieux d’affirmer sa dynamique et son autonomie.  La construction dure deux siècles, largement soutenue par les bourgeois et par le roi de France Louis XI. L’édifice revêt un aspect gothique flamboyant uniforme.

La flèche : à l’origine de la construction

Campanile, tour, flèche… le clocher de l’église Saint-Michel répond à plusieurs vocables. À l’origine, une première chapelle coiffée d’un campanile était située sur le charnier du cimetière paroissial (carney de sent Miqueu), servant à célébrer des offices religieux pour les défunts.

Les étapes de construction sont connues grâce au précieux manuscrit de Pierre du Grava conservé dans les archives de la Fabrique Saint-Michel, qui vient heureusement compléter des sources disparues (Révolution puis incendie de s Archives municipales au XIXe siècle). En 1472, le chantier démarre et vient remplacer l’ancienne chapelle ; la tour est achevée en 1486 et la flèche proprement dite en 1492. Durant 20 ans, Jean Lebas père et fils vont se succéder à l’édification de la plus haute tour de la ville. Cette dernière est située à 15 mètres de la façade occidentale de la basilique, comme c’est le cas de la cathédrale Saint-André de Bordeaux et de la Tour Pey Berland, ou de l’église Saint-Eutrope de Saintes dont sont originaires les architectes. Il s’agit peut-être là d’une manière de préserver l’édifice des vibrations apportées par les cloches, notamment sur un terrain à l’origine marécageux.

La base hexagonale est constituée de grandes arcades soutenue par six contreforts terminés par des clochetons, plus nombreux que dans le plan original : étant donné les doutes face à sa stabilité de l’édifice, des contreforts supplémentaires sont ajoutés au milieu des grandes baies prévues à l’origine, finalement bouchées. Ensuite, trois étages de claires-voies gothiques se succèdent, dont le plus ouvert correspond à celui des cloches. Enfin vient la terrasse portant le tambour sur laquelle repose la flèche décagonale, couronnée à l’origine d’une croix de fer ornée de boules, croix et fleurs de lys en cuivre doré.

La tour est bénie le 29 septembre 1492, jour de la Saint-Michel. Marqueur visuel fort d’un faubourg, elle établie une certaine concurrence avec la tour Pey Berland, clocher cathédral culminant à 65 mètres, construit entre 1440 et 1480. En outre, elle fait partie d’un ensemble de clochers érigés dans le royaume de France après la fin de la guerre de Cent Ans (1337-1453), symboles d’une reprise des constructions. On ne sait cependant rien de sa hauteur originelle en raison des sources disparues mais les recherches s’accordent sur une centaine de mètres (300 pieds).

Elle subit déjà plusieurs dommages au cours des siècles suivants : flèche détériorée puis restaurée (1495 puis 1524), sommet de l’aiguille emporté deux fois (1574, 1608), un tremblement de terre en 1660 puis la foudre achèvent de découronner la flèche. Ce qui n’empêchera pas Vauban de la qualifier en 1680 de « l’une des plus belles pièces d’Europe » alors qu’il dissuade justement Louis XIV de la détruire en cas de rébellion bordelaise, pouvant constituer un pôle de contrôle.

Au XVIIIe siècle, l’édifice est très endommagé, les murs sont lézardés et la tour est considérée comme dangereuse. En outre, en 1768, un ouragan fait tomber la moitié de la flèche ainsi que les cloches. Le reste est ensuite entièrement démoli pour éviter de s’écrouler.

Des projets sont lancés mais n’aboutissent pas. Entre 1822 et 1851, un télégraphe de Chappe est installé.

La restauration du XIXe siècle

La tour est classée Monument historique en 1846 et peu après, le cardinal Donnet relance le projet de restauration. Il sollicite Paul Abadie, futur architecte de Saint-Ferdinand et Notre-Dame de la Bastide à Bordeaux puis du Sacré-Cœur de Montmartre. Abadie est un restaurateur ayant déjà œuvré à Notre-Dame de Paris avec Viollet-le-Duc. Avant la flèche de Saint-Michel, il s’attèle notamment à Sainte-Croix de Bordeaux et plus tard, à la cathédrale Saint-Front de Périgueux.

En 1861, les travaux débutent. Abadie prévoit alors une restitution de l’édifice. Seulement, en 1863, des fissures apparaissent sur la tour dont il avait fait ôter les contreforts secondaires. Fragilisée à sa base, la tour menace de nouveau de tomber. Après étude de la Commission des Monuments historiques de la Gironde, on renforce les piliers et les contreforts. Au cours du chantier et en raison de ces contraintes techniques, la restauration d’Abadie se transforme petit à petit en une réédification à l’image du Moyen Âge idéalisé par les restaurateurs du XIXe siècle. L’architecture néo-gothique s’exprime alors pleinement dans la tour qui vient couronner une des places principales de Bordeaux.

Les contreforts sont amortis par les statues de six prélats : saint Paulin, saint Delphin par Fromanger, Clément V et Pey Berland par Michel Pascal, Armaud III de Canteloup par Jean Mora et Paul II par L.ouis-André Coëffard de Mazerolles.

Le clocher est inauguré le 9 mai 1869. Culminant à 114,60 mètres de hauteur, la flèche retrouve son statut de symbole d’un quartier. Elle devient, en outre, la deuxième plus haute flèche de France.

À cette heure, la vieille tour est hérissée d’échafauds et de grues ; au milieu de matériaux amoncelés, travaillent activement de nombreux tailleurs de pierres ; aux divers étages, et jusqu’au sommet du clocher, de hardis ouvriers recimentent les assises et reconstruisent les parties ruinées de l’édifice. Encore quelques mois, et la tour Saint-Michel, complètement restaurée, embellira notre cité du monument le plus imposant et le plus élevé du midi de la France.

Charles Marionneau, archéologue-peintre, Description des œuvres d’art qui décorent les édifices publics de la ville de Bordeaux, Paris : Aubry, Bordeaux : Chaumas-Gayet, 1861

Le mythe des momies de Saint-Michel

Le charnier situé sous la chapelle initiale était rempli d’ossements, comme à Saint-Seurin. Lors du chantier de restauration, les corps sont évacués afin de combler la crypte et de renforcer ainsi la base de la tour. Naturellement conservés, desséchés, les corps défunts alimentent dès lors la légende des momies de Saint-Michel. Il s’agissait de corps de défunts exhumés en 1791 des anciennes fosses du cimetière paroissial. En 1979, les fameuses momies ont été inhumées au cimetière de la Chartreuse.

pour aller plus loin...

Gravures de Saint-Michel de Bordeaux par Léo Drouyn

Galerie Auguste Bordes, Archives de Bordeaux Métropole, série d’aquarelles produites vers 1840

La basilique Saint-Michel de Bordeaux, Association des Recherches archéologiques girondines

Les momies de la crypte de la basilique Saint-Michel de Bordeaux, Croquis bordelais, INA, 1958

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Nous consulter pour le corpus

Bibliographie sélective

Abbé Baurein, Variétés bordeloises ou essai historique et critique sur la topographie ancienne et moderne du diocèse de Bordeaux, Bordeaux, t. III, 1876

S. Lavaud, Léo Drouyn et Bordeaux in B. Larrieu, J.-F. Duclot (dir.), Léo Drouyn : les albums de dessins, vol. 17 et 18, Les Éditions de l’Entre-deux-Mers, 2011

S. Lavaud (éd.), Bordeaux in Atlas historique des villes de France, 3 tomes, Bordeaux : Ausonius, Aquitania, 2009

Samuel Drapeau, « Le chantier du clocher Saint-Michel de Bordeaux (1857-1869) : de la restitution à la rénovation, Profil, 2018