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Florence, vue générale, 1855-1859, photographes Ferrier père & Soulier, collection Magendie, MAG2313

Septembre, mois des journées annuelles du patrimoine, est, pour le Stéréopôle, l’occasion de mettre l’accent sur un haut lieu de l’histoire de l’art. Cette année, nous entraînerons le lecteur vers Florence, capitale de la Toscane, célèbre pour avoir largement contribué à l’éclosion de la Renaissance italienne, dès la toute fin du XIVe siècle. En peinture, c’est ici que, pour la première fois, a été maîtrisée la mise en scène de la perspective. En sculpture, Michel-Ange et plusieurs autres dépassèrent leurs limites et concrétisèrent un art abouti qui devint un modèle dans toute l’Europe. Et, ici, les architectes mirent au point d’audacieuses techniques de construction et inventèrent une esthétique spécifique qui devint l’emblème de la Renaissance toscane.

À l’occasion de ces journées de septembre, il est à la fois intéressant de célébrer ce patrimoine exceptionnel et, en même temps, de souligner comment, très tôt au cours du XIXe siècle, la cité toscane – qui a toujours eu pleine conscience du caractère exceptionnel de son patrimoine – s’est montrée précurseur dans la mise en œuvre d’une politique de conservation et de sauvegarde de ses richesses. Ainsi, à partir du milieu du XIXe siècle, on décida d’achever progressivement les façades en marbre de certains édifices religieux, façades qui étaient restées inachevées jusque-là. Et, vingt ans plus tard, on prit la précaution de réaliser des copies de certaines sculptures majeures, jusque-là exposées en extérieur, afin de les mettre à l’abri des intempéries et des dégradations des visiteurs.

Flânerie culturelle à travers le cœur historique de la ville :

Vue 01 – Plan de Florence, première moitié du XXe siècle (Edizioni Innocenti), avec situation des étapes de notre flânerie

Parcourons donc la ville historique, en nous arrêtant sur les sites majeurs de cette ville-musée, qui ont été, pour la plupart, très tôt immortalisés par les photographes, y compris en stéréoscopie. Ce sera l’occasion de mettre en valeur une fois de plus la richesse de nos fonds, notamment ici celle de la collection Magendie.

La place de la Seigneurie et le David de Michel-Ange :

Place de la Seigneurie, 1855-1865, photographe inconnu, Collection Magendie, Mag5005

La place de la Seigneurie était le centre politique de la capitale Toscane. Le massif Palazzo Vecchio (Palais Vieux) y occupe l’emplacement principal depuis la dernière année du XIIIe siècle. Cosme 1er de Médicis en fit l’emblème de son pouvoir ; ce prince ne cessa d’en embellir les alentours, transformant cette place en véritable musée à ciel ouvert, magnifiant le travail des meilleurs sculpteurs de la Renaissance italienne : Michel-Ange, bien sûr, mais aussi Donatello, Ammannati ou Jean Bologne.

Le David de Michel-Ange, désormais à l’abri dans la galerie de l’Académie, 1898, photographe inconnu, collection Magendie, Mag5011

En 1873, la décision fut en effet, prise pour préserver le marbre, pouvant souffrir de l’accumulation des intempéries ainsi que des indélicatesses des visiteurs (déjà nombreux à cette époque) de mettre à l’abri dans la Galerie de l’Académie cette extraordinaire sculpture, ainsi que le lion Marzocco de Donatello érigé à proximité. Cette décision de sauvegarde fut extrêmement précoce et préfigura une politique aujourd’hui assez fréquente en Europe : la mise à l’abri des sculptures d’extérieurs les plus exposées aux intempéries et leur remplacement par des copies.

Sculpter le David fut pour Michel-Ange un véritable exploit. Le sculpteur, encore au début de sa carrière, accepta le défi d’exécuter, entre 1501 et 1504, le portrait en pied de ce héros antique dans un seul bloc de marbre de plus de 5 mètres de haut ; par son attitude fièrement campée, ce David se veut le symbole de la détermination de la jeune république de Florence face à ses ennemis.

La loggia des Lanzi :

Florence, la loggia des Lanzi, photographes inconnus, collection Magendie, extérieur Mag5013 (1865-1875), intérieur Mag5016 (1860-1880)

Sur le côté de la place, à la perpendiculaire du Palazzo Vecchio, la Loggia des Lanzi a initialement été construite entre 1373 et 1382 pour accueillir les assemblées communales. Ensuite, sous Cosme 1er de Médicis, elle a servi à abriter le corps de garde du duc, les Lanzi, d’où le nom qui lui est resté. Puis, ce bâtiment a progressivement été transformé en galerie d’exposition de sculptures. Aujourd’hui annexe de la Galerie des Offices, la loggia abrite une douzaine de sculptures, toutes dans leur version originale.

Parmi les plus renommées, il faut citer L’Enlèvement d’une Sabine, Hercule terrassant le centaure Nessus de Jean Bologne, et surtout l’extraordinaire Persée montrant la tête de la Méduse exécuté entre 1545 et 1553 par Benvenuto Cellini ; dès son exposition ici, il fut unanimement considéré comme un chef-d’œuvre. Il fait partie des symboles de cette Renaissance italienne qui est d’abord toscane.

L’Enlèvement de Polyxène de Pio Fedi, 1866-1880, photographe inconnu, collection Magendie, MAG5006

Pourtant, dans nos collections, c’est L’Enlèvement de Polyxène que nous trouvons, sculpté bien plus tardivement par Pio Fedi en 1866 ; c’était alors l’ultime nouveauté installée dans la loggia, ce qui explique sans doute qu’elle ait été photographiée à peine quelques années après sa mise en place.

L’autre volet de la politique florentine de mise en valeur du patrimoine s’est concrétisé par l’achèvement des façades de plusieurs édifices religieux qui n’avaient pas pu être terminées, faute de moyens, depuis leur construction, en reproduisant, par souci d’unité, le style « Renaissance florentine » inauguré par le baptistère Saint-Jean, la cathédrale Santa Maria del Fiore et la basilique Santa Maria Novella.

Le baptistère Saint-Jean et la cathédrale Santa Maria del Fiore (le « Duomo ») :

Vue 02 - La cathédrale Santa Maria del Fiore de Florence et le baptistère Saint-Jean, gravure ancienne (BNF)

Le baptistère Saint-Jean fut couvert d’une alternance de marbres blancs et verts très précocement, peut-être dès sa reconstruction commencée en 1128. Même si, par la suite, le style évolua et devint plus complexe, ce type de finition des façades extérieures va être choisi par les édiles florentins et les architectes comme emblématique de la cité : il devint le modèle du style « Renaissance florentine » qui sera ensuite décliné au cours des siècles suivants à Florence, puis au sein de toute la Toscane, dont Pise et Sienne.

La porte sud du baptistère Saint-Jean, 1901, photographe inconnu, collection Magendie, Mag4642

Progressivement, au cours des siècles qui ont suivi sa construction, on décida d’habiller les quatre portes de l’édifice de panneaux en bronze forgé ou fondu illustrant des scènes de l’Ancien et du Nouveau Testament. Cet ouvrage s’étala sur plus de 120 années, de 1330 à 1452.

La porte sud montrée ci-dessus est la plus ancienne : elle a été exécutée par Andrea Pisano en 1330. C’est par contre la dernière des portes réalisées, la porte est, sculptée par Ghiberti en 27 ans de travail entre 1425 et 1452, illustrant le Paradis dans un style complexe et enlevé, qui est en général considérée comme le point de départ officiel de la Renaissance à Florence.

Vue 03 – Baptistère Saint-Jean – Porte est ou porte du paradis (IStock / Getty Images)

La cathédrale Santa Maria del Fiore (le « Duomo) :

La cathédrale Santa Maria del Fiore, 1855-1899, photographe inconnu, collection Coulon, CC016

La cathédrale Sainte-Marie de la Fleur a été édifiée aux XIIIe et XIVe siècles, avec la volonté de manifester la grandeur de Florence. Rien que ses dimensions gigantesques (155 m de long sur 90 de large et 107 m de haut) font de ce sanctuaire un des plus grands de la chrétienté. Sa construction, commencée en 1296, concrétise un projet d’Arnolfo di Cambio, le maître de l’architecture florentine de cette fin du XIIIe siècle. Certes, si on l’examine en détail, elle applique les grands principes du style gothique qui couvrait alors l’Europe. Mais le maître architecte, en déclinant ici l’alternance des marbres blancs et verts déjà utilisés pour le baptistère, dans le but de créer une impression d’unité de l’ensemble, inaugure en fait un véritable style qui va rapidement devenir non seulement l’emblème de l’architecture religieuse florentine, mais bientôt celui de toute la Toscane, et, au-delà, qui va concrétiser un des volets de la Renaissance elle-même en architecture. Cet édifice nécessita tout de même 120 ans d’efforts financiers à la ville (en faisant abstraction de sa façade), illustration, s’il en fallait, du caractère titanesque de ces travaux.

La cathédrale Santa Maria del Fiore vue de côté, 1900-1910, photographe inconnu, collection Magendie, Mag2538

Au-delà du caractère exceptionnel et somptueux de l’ensemble (on ne connaît aucun édifice aussi beau dans le monde chrétien de l’époque), l’édification de sa coupole fut en soi une prouesse, avec ses 50 mètres de diamètre et ses 91 mètres d’élévation au-dessus du chœur. Lorsque sa construction est entreprise, en 1420, aucun dôme d’une telle ampleur n’a jamais été édifié. Missionnés successivement dans ce but, les architectes de l’époque jettent l’éponge les uns après les autres, incapables de résoudre le problème de l’immense poussée que suppose ce bâti, qui aurait en outre nécessité un échafaudage d’une ampleur inédite depuis le sol, que l’on pensait ne pas savoir construire. C’est finalement Filippo Brunelleschi, de retour de Rome, qui accepte de relever le défi, en imaginant deux calottes imbriquées, reliées entre elles par un réseau complexe d’arcs et de contreforts, qui en firent sans doute la première structure autoporteuse au monde : la coupole fut ainsi édifiée uniquement au moyen d’échafaudages suspendus en porte-à-faux aux parties déjà construites, les blocs de pierre pouvant peser jusqu’à trois tonnes chacun, élevés par des machines conçues par l’architecte lui-même. Le caractère incroyable de cette audacieuse prouesse technique fit l’admiration unanime de ses contemporains, à commencer par les Florentins eux-mêmes qui, durant les 14 années que dura le chantier, venaient régulièrement assister au spectacle de celui-ci. En elle-même, cette prouesse architecturale est caractéristique de l’esprit de la Renaissance : ne pas se contenter de reproduire le passé mais se dépasser en inventant des techniques inédites…

Toutefois, malgré les immenses efforts financiers que représenta ce chantier, les ressources virent à manquer, et l’on n’acheva pas l’édifice par une façade digne du reste du bâtiment. Elle demeura donc plusieurs siècles un simple mur où alternaient toutefois les bandes de marbres blancs et de marbres verts.

Vue 04 – Cathédrale Sta Maria del Fiore, façade de 1587 de Bernardo Poccetti (Florence, Musée de l’Œuvre), photo Christian Bernadat

Une tentative d’achèvement eut pourtant lieu en 1587-1588, selon des plans de Bernardo Poccetti ; mais elle ne fut pas jugée satisfaisante et resta en partie inachevée, seule la partie basse étant décorée.

La façade de la cathédrale dans sa version ultime de 1887, 1900-1910, photographe inconnu, collection Magendie, MAG2537

Et c’est finalement en 1852 que fut lancé un concours pour l’achèvement de cette façade selon un modèle fidèle au projet d’Arnolfo di Cambio, avec la volonté affirmée de prolonger l’esthétique caractéristique de l’âge d’or de la cité. Cette version fut achevée et inaugurée en 1887. La vue présentée ci-dessus a donc été prise à peine quinze à vingt années après son achèvement.

La basilique di Santa Croce (Sainte-Croix) :

Vue 05 - Façade de la basilique Santa Croce en 1890, gravure de Ducan (IStock / Getty Images)

Avant la façade de la cathédrale, toutefois, le premier cas d’achèvement tardif d’une façade à Florence, dans le style Renaissance imaginé par Arnolfo di Cambio, est celui de la basilique Santa Croce, à l’est de la place de la Seigneurie.

Cet édifice avait été bâti à partir de 1295, sur des dessins d’Arnolfo di Cambio lui-même ; mais ici, l’architecte n’avait pas prévu d’habiller les façades latérales d’un revêtement de marbres bicolores. Faute de moyens, sa façade resta inachevée, en simples pierres brutes.

De 1857 à 1863, on décida de doter cette façade d’un habillage de style « Renaissance florentine », mélangeant harmonieusement les alternances de marbres blancs et verts, dans l’esprit du baptistère Saint-Jean, de la cathédrale ou de l’église Santa Maria Novella.

La basilique Santa Maria Novella :

Vue 06 – La basilique Santa Maria Novella, gravure ancienne (ACII)

À l’ouest de Florence, la construction de la basilique Santa Maria Novella a été commencée en 1279. Même si elle n’a été achevée que quatre-vingts ans plus tard, en 1360, elle est érigée à l’époque même où s’épanouit le style « Renaissance italienne » s’appuyant sur une décoration de marbres blancs et verts. Même s’il fallut attendre 1465 pour que la façade soit achevée par l’architecte Leon Batista Alberti, en intégrant les éléments esthétiques qui plaisaient tant, imaginés par ses précurseurs, la façade de Santa Maria Novella adopta d’emblée le style Renaissance qui s’épanouit dans la cité toscane.

Le cloître de Santa Maria Novella, 1857-1860, photographes Charles Paul Fume et Henri Tournier, Collection Magendie, Mag6130

De cet édifice, nos collections ne contiennent que des vues d’un des cloîtres, sans doute ici le « cloître vert ».

Cette basilique abrite pourtant un très grand nombre de chefs-d’œuvre. L’un d’entre eux correspond particulièrement bien avec notre propos : l’éclosion de la Renaissance à Florence. On trouve en effet, dans la nef de cet édifice, une fresque essentielle pour l’histoire de la peinture, La Trinité, peinte par Masaccio en 1427. Le peintre y concrétise pour la première fois les règles de la perspective mathématique qui viennent d’être définies dans cette même ville, seulement quelques années plus tôt, par l’architecte Brunelleschi. Il s’agit donc à la fois d’une étape essentielle de l’histoire de l’art et d’un « coup double » florentin, grâce à la synergie entre un architecte et un peintre, tous deux florentins et imprégnés de cet esprit de défricheur qui caractérise le mouvement de la Renaissance.

Vue 07 - Santa Maria Novella - La Trinité par Masaccio (Wikipédia Commons)

La basilique San Lorenzo et la chapelle des princes de Médicis :

Le tombeau de Julien de Médicis dans la sacristie neuve, 1865-1875, photographe inconnu, collection Magendie, Mag5004

La basilique San Lorenzo, édifiée sur des plans de Brunelleschi à partir de 1420, est bien un produit de la Renaissance florentine. Mais, son architecture, bien plus traditionnelle que les édifices précédents, ne retiendra pas ici notre propos.

Par contre, les princes de Médicis décidèrent de faire ici leur nécropole princière. Ce projet ne prit corps que progressivement ; de ce fait, elle est constituée de plusieurs édifices successifs accolés à la basilique, dont le plus récent, et certainement le plus abouti, est la chapelle des Princes, immense bâtiment en forme de losange coiffé d’une impressionnante coupole, l’ensemble étant entièrement revêtu de marbres précieux et de marqueterie de pierres dures. Mais cette œuvre, réalisée au début du XVIIe siècle, sort de notre propos.

Par contre, deux siècles avant cet édifice, en 1520, une chapelle funéraire fut commandée par la famille de Médicis à Michel-Ange. C’était la première œuvre d’architecture de cet artiste aux compétences multiples. Il y réalisa aussi la décoration intérieure, en particulier deux magnifiques tombeaux, dont celui ci-dessus, de Julien de Médicis, duc de Nemours, mort à 35 ans en 1516, figuré en empereur romain dominant les allégories du Jour et de la Nuit.

Malheureusement, l’artiste quitta Florence en 1534 (n’approuvant pas le régime politique tyrannique d’Alexandre de Médicis) avant d’avoir achevé son œuvre. Le tombeau fut terminé, en respectant son projet, par les sculpteurs Vasari et Ammannati. Cette œuvre sculptée et sa jumelle en vis-à-vis, destinée à abriter Laurent II, mort en 1519, comptent parmi les grands chefs-d’œuvre de la Renaissance.

La galerie des Offices, écrin des œuvres majeures de la Renaissance florentine :

Galerie des Offices, salle de Niobe, 1902, photographe C. White Hawley, collection Magendie, Mag0915

La salle de Niobe est décorée de toiles de Rubens. Toutefois, au rang des chefs-d’œuvre absolus de la Renaissance, il conviendrait de citer la Naissance de Vénus et le Printemps de Sandro Botticelli, exposés dans la galerie des Offices parmi un grand nombre d’œuvres peintes de cette époque. La Stéréothèque n’en détient malheureusement pas de vue.

Vue 08 – Le Printemps de Botticelli, peint vers 1476. Photo ancienne (Edizioni Innocenti)

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Florence compte de nombreux autres chefs-d’œuvre et la Stéréothèque détient encore de nombreuses autres vues de la capitale Toscane.

Les œuvres qui viennent d’être évoquées illustrent de manière caractéristique l’esprit de la Renaissance et suffisent à illustrer le rôle prépondérant que joua la cité de Florence dans l’origine d’un mouvement majeur de l’histoire de la pensée et de l’art, en permettant à tant d’artistes de premier plan – en grande partie grâce au mécénat des princes de Médicis – de parfaire leur art dans un esprit de grande innovation.

Ensuite, consciente du rôle qu’elle occupa dans l’émergence de cette étape de l’art, la ville sut, au XIXe siècle, achever, dans le respect de cet esprit, les œuvres d’architecture qui n’avaient pas pu l’être plus tôt. Par ailleurs, cette conscience conduisit très précocement les édiles à mettre à l’abri dans des galeries certaines des œuvres majeures qui étaient exposées en extérieur, en installant à leur place des copies.

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Christian Bernadat

Bibliographie

Guides de tourisme

Firenze, Quadri e Sculture, Edizioni Innocenti, 2003

Florence reconstruite, Archeolibri, 2010

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