Contexte
À la fin du XIXe siècle, la Russie et le Japon s’opposent pour le contrôle de la Mandchourie et de la Corée, deux territoires stratégiques. Cette rivalité repose sur trois enjeux majeurs : d’une part, l’affrontement entre deux impérialismes, la Russie cherchant un accès permanent au Pacifique et le Japon voulant préserver son indépendance tout en affirmant sa puissance régionale ; d’autre part, une course contre la montre pour s’imposer en Corée, un État affaibli convoité par les deux puissances ; enfin, l’essor de l’influence russe, favorisé par la construction du Transsibérien, qui permet d’envoyer rapidement des troupes en Mandchourie et de renforcer sa présence en Asie de l’Est.


Dès les années 1880, le Japon cherche à empêcher toute domination étrangère sur la Corée. La convention de Tientsin de 1885 garantit son indépendance relative, mais en 1894, des troubles en Corée donnent au Japon un prétexte pour y intervenir et déclencher la guerre sino-japonaise, remportée par Tokyo. Malgré cette victoire, l’ingérence russe pousse le Japon à agir : dans la nuit du 8 au 9 février 1904, sa flotte attaque Port-Arthur sans déclaration de guerre, marquant le début d’un conflit où il prend rapidement l’initiative sur terre et en mer.
Début de la guerre
L’offensive de Port-Arthur marque le début des hostilités, donnant l’avantage aux Japonais sur le plan naval.
Sur terre, les combats s’intensifient rapidement, notamment en Corée et en Mandchourie. L’une des premières grandes batailles a lieu au fleuve Yalou, qui marque la frontière entre la Corée et la Mandchourie. Le 30 avril et le 1er mai 1904, les forces japonaises, sous le commandement du général Kuroki Tamemoto, traversent le fleuve et attaquent les positions russes défendues par le général Zasulich. Grâce à leur supériorité numérique et tactique, les Japonais remportent la bataille, forçant les Russes à battre en retraite vers le nord.
Après cette victoire, les troupes japonaises capturent un important stock de matériel militaire abandonné, notamment des canons russes. Cette saisie illustre l’un des premiers succès majeurs du Japon dans le conflit et renforce son avancée vers la Mandchourie. Cet épisode montre aussi les difficultés logistiques russes, accentuées par le fait que le Transsibérien, bien que stratégique, n’est pas encore totalement opérationnel sur toute sa longueur, ralentissant l’acheminement des renforts et du ravitaillement.
L’attaque surprise de Port-Arthur a endommagée plusieurs navires russes, mais n’est pas parvenue à détruire complètement la flotte du Pacifique.
Quelques mois plus tard, en mai 1904, les Japonais commencent alors le siège de Port-Arthur pour s’emparer définitivement de cette base stratégique. L’armée encercle la ville tandis que la marine continue de bloquer le port. Après huit mois de combats acharnés, marqués par des assauts répétés et des bombardements massifs, les Japonais prennent l’avantage en capturant la colline 203. Située à l’ouest de la ville, elle offrait une vue panoramique sur le port et la rade où était ancrée la flotte russe du Pacifique. Grâce à cette position, ils peuvent bombarder directement la flotte russe, forçant la garnison à se rendre le 2 janvier 1905.
Le conflit vu depuis La France
En France, la guerre russo-japonaise a suscité un vif intérêt, mêlant fascination, inquiétude et débats stratégiques.
La France étant alliée à la Russie depuis 1892, une sympathie naturelle existait envers l’Empire russe. Les milieux diplomatiques et militaires suivaient le conflit avec attention, d’autant que la Russie représentait un contrepoids face à l’Empire britannique en Asie. Cependant, le gouvernement français restait prudent et évitait de s’impliquer directement.
L’opinion publique et la presse étaient partagées. Beaucoup voyaient la Russie comme une grande puissance militaire, et l’idée qu’un pays non européen puisse lui infliger une défaite était difficile à accepter. Mais au fil des mois, la presse relayait avec stupeur les victoires japonaises, notamment après la prise de Port-Arthur et la bataille navale de Tsushima.

Blancs et Jaunes, caricature de la guerre (couverture du Petit Parisien illustré du 3 avril 1904).
Le journaliste Richard Barry
Parmi les correspondants étrangers qui ont couvert ce conflit, Richard Barry, envoyé par le San Francisco Chronicle, s’est distingué par ses reportages et ses photographies. Les images stéréoscopiques de Barry, souvent en compagnie de personnalités comme Frederick Villiers, surnommé « The Greatest of Living War Artists », offrent un aperçu de la vie des journalistes sur le terrain. La présence de ces journalistes a eu un impact significatif sur la perception occidentale du conflit, influençant l’opinion publique et les politiques internationales, et contribuant à façonner la mémoire collective de cette guerre historique.

Une du San Francisco Chronicle du 27 février 1904, annonçant le siège de Port-Arthur.
Batailles décisives
Après la chute de Port-Arthur, les combats se sont intensifiés en Mandchourie. La bataille de Mukden, en février-mars 1905, a été l’une des plus grandes batailles terrestres de la guerre, impliquant des centaines de milliers de soldats. Bien que les Japonais aient remporté la bataille, les deux camps ont subi de lourdes pertes.

La bataille navale de Tsuhima a été décisive dans ce conflit. Après un voyage épuisant de plus de 18 000 miles depuis la mer Baltique, la flotte russe, fatiguée et mal préparée, a été interceptée par les Japonais dans le détroit de Tsushima. Grâce à une stratégie supérieure et à une technologie navale avancée, les Japonais ont réussi à encercler et à détruire presque entièrement la flotte russe. Cette victoire écrasante a marqué la fin des ambitions navales russes en Extrême-Orient et a consolidé la domination japonaise sur les mers d’Asie orientale.
Résolution du conflit et impact géopolitique
La guerre s’est terminée avec le Traité de Portsmouth, signé en septembre 1905. Le Japon a obtenu le contrôle de Port-Arthur, de la partie sud de l’île de Sakhaline et de la péninsule de Liaodong. La Russie a reconnu la suprématie japonaise en Corée.


La guerre russo-japonaise a redéfini les équilibres de pouvoir mondiaux, marquant l’ascension du Japon comme la première puissance non occidentale moderne, renforçant sa confiance nationale et son rôle sur la scène internationale.
La défaite russe a affaibli l’influence de la Russie en Extrême-Orient, entraînant des réformes internes et réduisant ses ambitions impérialistes. Ce conflit a consolidé la domination japonaise sur des territoires stratégiques comme la Corée et la Mandchourie, influençant les dynamiques régionales et les relations entre grandes puissances. Il a également modifié les perceptions occidentales, renforçant la position des États-Unis comme médiateur international, et inspiré des mouvements nationalistes à travers le monde en montrant la possibilité de résister à la domination occidentale.
Bibliographie
Pierre Lehautcourt, Quelques enseignements de la guerre russo-japonaise, Auxerre, R. Chapelot,