Le pic de Midi de Bigorre culmine à 2876 m. Pourtant, depuis 1858, il est accessible en 3 ou 4 heures de cheval ; une auberge y est même présente au sommet. Par contre, l’observatoire qui en caractérise aujourd’hui le sommet n’a été construit qu’entre 1873 et 1882. C’est donc un pic vierge de toute installation autre que l’auberge que l’ami de notre voyageur devrait découvrir.
Mais le dénouement est particulièrement décevant : à cette altitude, le beau temps est rare, même en été. Par ailleurs, si, en ce XIXe siècle, l’ascension est physiquement réalisable, par contre l’altitude représente encore un défi, notamment vestimentaire, car on ne dispose pas de tenues véritablement adaptées. On appréciera l’humour glacial du narrateur à travers le laconisme de son récit…
« Paul est monté sur le pic du Midi de Bigorre ; voici son journal de voyage :
Départ à quatre heures du matin dans la vapeur. Les pâturages de Tau à travers la vapeur ; on voit la vapeur. Le lac d’Oncet à travers la vapeur : même vue.
Hourque des cinq Ours. Plusieurs taches blanches ou grisâtres, dans un fond blanchâtre ou grisâtre. […] Commencement de l’escarpement ; montée au pas, à la queue l’un de l’autre ; cela me rappelle le manège Leblanc, et les cinquante chevaux qui avancent gracieusement dans la sciure de bois… […].
Première heure : vue du dos de mon guide et de la croupe de son cheval… […]
Deuxième heure : la vue s’élargit ; j’aperçois l’œil gauche du cheval et du guide. Cet œil est borgne ; il ne perd rien.
Troisième heure : la vue s’élargit encore. Vue de deux croupes de cheval et deux vestes de touristes, qui sont à quinze pieds au-dessus de nous […].
Quatrième heure : joie et transports ; le guide me promet, pour la cime, la vue d’une mer de nuages.