Les villas royannaises

Dans la nuit du 5 janvier 1945, la ville de Royan est bombardée par les Alliés, dans le but de libérer la cité balnéaire. Les troupes allemandes occupaient le lieu depuis 1940, point stratégique devenu une des « poches » de résistance sur le littoral atlantique.

Les 1500 tonnes de bombes entrainent la mort de 500 personnes et laissent environ 400 blessés.

La ville, elle, est défigurée, détruite à près de 95%. Un autre bombardement, en avril, parachève cet état et entraine la reddition des occupants quelques jours plus tard.

Du centre-ville et du front de mer, il ne reste que peu de murs encore debout. Sur le boulevard Frédéric Garnier, longeant la plage de la Grande Conche, de nombreuses villas typiques de l’architecture balnéaire gisent au sol. Ces résidences, dans un éclectisme tout XIXe siècle, s’étaient multipliées pour accueillir une population venue profiter de l’essor du tourisme balnéaire.

Collection Besson, BL219
Collection Société archéologique de Bordeaux, SAB085

L’architecture des stations balnéaires relève d’inspirations diverses issues notamment des revues spécialisées qui diffusent alors modèles et idées. Comme de nombreuses habitations bourgeoises des bords de mer, on joue sur les formes, mélangeant baroque et classicisme.

Elles peuvent être classées selon des « types » comme les  chalet, cottage ou encore castel auquel appartient la villa ci-dessous :

Collection Société archéologique de Bordeaux, SAB080

Le style se définit par au moins un emprunt à l’architecture castrale ; ici ses deux tourelles.

Construite vers 1890, son architecte et son entrepreneur demeurent inconnus. Ses proportions et son organisation interne en font une demeure plus qu’inhabituelle. 

Les petites tours à dômes couverts d’ardoises traitées comme des belvédères font penser à des campaniles, donnant leur nom à la villa. La partie basse, elle, est plus classique avec ses colonnes et ses vastes ouvertures symétriques. Cette façade est inspirée de celle du second casino de Foncillon, bâti entre 1882 et 1885 sur les plans de l’architecte bordelais Cyprien Alfred Duprat.

Elle fut acquise vers 1905-1910 par Louis Lehmann, fils de l’homme d’affaire Léon Lehmann, fondateur des Nouvelles Galeries de Cognac. Ses frères possédaient d’autres villas de Royan : Espérance et Aigue Marine, respectivement aux numéros 42 et 100 du boulevard Garnier.

La villa qui dépasse sur la partie gauche a été détruite lors du bombardement. Elle est visible sur une autre vue stéréoscopique :

Une famille (une femme, une jeune fille et deux garçons) pose devant la villa. On discerne derrière elle la ligne de l’ancien tramway.

Un homme est en train de prendre une photographie ou de régler son appareil.
On discerne à ses pieds la ligne de l’ancien tramway, active entre 1890 et 1945.

Derrière lui à droite, deux villas se dressent, aujourd’hui disparues, comme près de 5000 habitations.

Plus loin, on aperçoit la tourelle et les épis de faitage d’Aigue Marine, l’une des villas les plus prestigieuses de Royan, encore debout. Nommée par les Royannais « Chambord-sur-Mer », ce château miniature est bâti au début du XXe siècle pour Léon Lehmann, fils d’un entrepreneur. Ses frères possèdent deux autres villas sur le boulevard, Espérance au numéro 42 et Les Campaniles au numéro 68.

Nous pouvons estimer notre point de vue aux numéros 110-112 du boulevard.

Le Café des Bains, construit vers le milieu du XIXe siècle, a également été détruit lors du bombardement. Il est remplacé en 1955 par l’actuel café construit sur les plans de l’architecte Louis Simon.

L’établissement a été immortalisé en 1940 par Picasso dans son tableau Café à Royan.

Element quasi identitaire du tourisme balnéaire, le casino municipal de Royan a été détruit en 1945, en même temps que le premier casino de la plage de Foncillon.

Construit en  1895 par Gaston Redon dans un style néo-rococo, il resta le plus grand casino de France jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. De grands noms l’ont fréquenté : Sarah Bernhardt, Cléo de Mérode,…

La Reconstruction de Royan, encadrée par l’architecte Claude Ferret, débute dans les années 1950 autour d’un programme architectural  moderniste. La ville devient un lieu d’expérimentations novatrices qui contribuent aujourd’hui à sa renommée, avec de nombreuses villas pour l’illustrer.

Bibliographie

Frédéric Chasseboeuf, Guide architectural Royan 1900, Vaux-sur-Mer, Bonne Anse, 2013

Yannis Suire, « Royan bombardé », Inventaire Poitou-Charentes, 2014

Yannis Suire, Inventaire de Royan, Inventaire Poitou-Charentes

Royan bombardée, Site de la Ville

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