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Voyage en Bretagne, d’après Gustave Flaubert et Maxime du Camp

Quatrième épisode : Excursion à Belle-Île-en-Mer ; étapes à Quimper et Pont-l’Abbé

 

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Quimper : Vue générale sur la ville et la cathédrale. 1940-1965. Photographe inconnu. Collection Paladini, MP1073

Résumé des épisodes précédents :

Gustave Flaubert, âgé de vingt-six ans et son ami Maxime du Camp ont entrepris en 1847 un long périple à travers la Bretagne, l’Anjou et la Touraine, avec sacs au dos et souliers ferrés. Ils ne dédaignent pas, à l’occasion, le « confort » des transports publics…

Ils font d’abord halte dans les Pays de la Loire et s’y font ouvrir trois châteaux pour la visite : Chambord, Amboise et Chenonceau. Puis ils font étape sur les terres de la Bretagne historique à Clisson et sa forteresse médiévale, aux environs de Nantes. Ils nous conduisent ensuite à Carnac, site auquel ils se montent peu sensibles.

Selon la convention qu’ils ont passée entre eux, Maxime du Camp se charge d’écrire les chapitres pairs, et Flaubert les chapitres impairs. Au cours de cette quatrième étape, nous évoquerons l’excursion de nos voyageurs jusqu’à Belle-Île en Mer, puis les étapes qu’ils font à Quimper et Pont-l’Abbé. Dans leur récit, Belle-Île occupe la fin de leur troisième chapitre, écrit par Gustave Flaubert, tandis que Quimper et Pont-l’Abbé constitue leur quatrième chapitre, écrit par Maxime du Camp.

En route pour Quiberon

Un jour, nos écrivains voyageurs décident de partir explorer (plutôt que visiter) Belle-Île. En 1847, partir pour une telle excursion n’est pas une petite aventure, nous allons pouvoir en juger. Les difficultés de ce voyage expliquent certainement qu’il n’ait pas été possible de trouver de photographies du XIXe siècle montrant ce site, non seulement au sein de la Stéréothèque, mais même dans les sources externes usuellement accessibles. Cette absence est d’autant plus incroyable que, à la même époque, nous l’avons vu régulièrement dans nos Unes, les photographes se sont déjà aventurés jusqu’au cirque de Gavarnie ou jusqu’aux pyramides d’Égypte ! On peut certainement interpréter cet état de fait comme révélateur du caractère « reculé » que revêtait un tel endroit.

C’est peut-être cette situation particulièrement sauvage, et sans doute son absence dans les récits de voyages, qui pousse nos auteurs à tenter « l’expédition ».

C’est ainsi que, depuis Carnac où ils logent, ils doivent rejoindre ce qu’aujourd’hui on nomme l’anse du Pô, où il faut d’abord embarquer pour Quiberon.

Vue 01 – L’anse du Pô à Carnac dans les années 1960. Carte postale. Collection jfm

« Un terrain vaseux où nous nous enfoncions jusqu’aux chevilles s’étend de Carnac jusqu’au village du Pô. Un canot nous attendait ; nous montâmes dedans ; on poussa du fond avec la rame et on hissa la voile. Notre marin, vieillard à figure gaie, s’assit à l’arrière, attacha au plat-bord une ligne pour prendre du poisson, et laissa partir sa barque tranquille. À peine s’il faisait du vent ; la mer toute bleue n’avait pas de rides, et gardait longtemps sur elle le sillage du gouvernail. Le bonhomme causait ; il nous parlait des prêtres qu’il n’aime pas, de la viande qui est une bonne chose à manger, même les jours maigres, du mal qu’il avait quand il était au service, des coups de fusil qu’il a reçus quand il était douanier… Nous allions doucement, la ligne tendue suivait toujours et le bout du tapecul trempait dans l’eau. »

Ils débarquent à la plage de Saint-Pierre de Quiberon et rejoignent à pied le centre du bourg. C’est de Quiberon, sans doute de Port-Haliguen, le port attitré de Quiberon, qu’ils devront attendre l’embarquement pour Belle-Île. Mais, le bac assure la correspondance avec la malle-poste en provenance d’Auray… Ils devront donc attendre à l’auberge toute la journée que la poste arrive enfin.

« Enfin, un trot de cheval fatigué qui bat le briquet, un bruit de grelots, un coup de fouet, un homme qui crie : «  ho ! ho ! voilà la poste ! voilà la poste ! «  »

Embarquement pour Belle-Île

Vue 02 – Port Haliguen au début du XXe siècle. Carte postale. Collection Villard à Quimper

« Au bout d’une heure encore, quand on eut pris dans le pays nombre de paquets et de commissions, et qu’on eut, de plus, attendu quelques passagers qui devaient venir, on quitta enfin l’auberge et l’on avisa à s’embarquer. Ce fut d’abord un pêle-mêle de bagages et de gens, d’avirons qui vous barraient les jambes, de voiles qui vous retombaient sur le nez, l’un s’embarrassant dans l’autre et ne trouvant pas où se mettre ; puis, tout se calma, chacun prit son coin, trouva sa place, les bagages au fond, les marins debout sur les bancs, les passagers où ils purent.

Nulle brise ne soufflait, et les voiles pendaient droites le long des mâts. La lourde chaloupe se soulevait à peine sur la mer presque immobile qui se gonflait et s’abaissait avec le doux mouvement d’une poitrine endormie. […]

Couchés dans la paille, sur le dos, assis sur les bancs, les jambes ballantes et le menton dans les mains ou postés contre les parois du bateau, entre les gros jambages de la membrure dont le goudron se fondait à la chaleur, les passagers baissaient la tête et fermaient les yeux à l’éclat du soleil frappant sur la mer plate comme un miroir.[…]

Le vent ne venait pas. On abattit les voiles qui descendirent tout doucement en faisant sonner le fer des rocambois(*) et affaissèrent sur les bancs leur draperie lourde ; puis, chaque matelot défit sa veste, la serra sous l’avant, et tous alors recommencèrent, en poussant de la poitrine et des bras, à mouvoir les immenses avirons qui se ployaient dans leur longueur. »

[* Rocambois : on dit aujourd’hui rocambeau : sur les voiliers anciens, c’est un cercle métallique qui entoure le mât pour y faire coulisser la voile lorsqu’on la hisse sur le mat.]

Vue 03 – Arrivée du bateau [de Quiberon] au Palais – 1932 – Photographe Maurice Walker – Archives départementales du Morbihan, 73 Fi 11

« … On avait tant tardé à partir, qu’à peine s’il y avait de l’eau dans le port, et nous eûmes grand mal à y entrer. Notre quille frôlait contre les petits cailloux du fond, et pour descendre à terre il nous fallut marcher sur une rame comme sur la corde raide. »

Belle-Île, le port du Palais au pied des remparts, 1940-1965, Photographe inconnu. Collection Paladini, MP1102

« Resserré entre la citadelle et ses remparts et coupé au milieu par un port presque vide, le Palay [sic] nous parut une petite ville assez sotte qui transsude un ennui de garnison et a je ne sais quoi d’un sous-officier qui baille. »

Quels jugements abrupts, quelle intransigeance glaçante de la part de nos amis !

« Ici, on ne voit plus les chapeaux de feutre noir du Morbihan, bas de forme, immenses d’envergure et abritant les épaules. Les femmes n’ont pas ces grands bonnets blancs qui s’avancent devant leur visage comme ceux des religieuses et, par derrière, retombent jusqu’au milieu du dos, vêtissant ainsi chez les petites filles la moitié du corps. Leurs robes sont privées du large galon de velours appliqué sur l’épaule qui, dessinant le contour de l’omoplate, va se perdre sous les aisselles. Leurs pieds non plus ne portent point ces souliers découverts, ronds du bout, hauts de talons et ornés de longs rubans noirs qui frôlent la terre. »

Vue 04 – Belle-Île, sur le port du Palais – 1932 – Photographe Maurice Walker – Archives départementales du Morbihan, 73 Fi 15 – Au premier plan à droite, trois belliloises en habit traditionnel assistent au spectacle du port

À la découverte de Belle-Île

« Etait-ce la peine de s’être exposés au mal de mer, que nous n’avions pas eu d’ailleurs, ce qui nous rendait indulgents, pour n’avoir à contempler que la citadelle, dont nous nous soucions fort peu, le phare, dont nous nous inquiétions encore moins ou le rempart de Vauban qui nous ennuyait déjà… On nous avait parlé des roches de Belle-Île. Incontinent, donc, nous dépassâmes les portes, et coupant net à travers champs, rabattîmes sur le bord de la mer. »

Belle-Île : la grotte de l’Apothicairerie (à l’époque dénommée des Apothicaires). 1925-1949. Photographe inconnu. Collection Lasserre, JPL379

« Nous ne vîmes qu’une grotte, une seule (le jour baissait), mais qui nous parut si belle (elle était tapissée de varechs et de coquilles et avait des gouttes d’eau qui tombaient d’en haut) que nous nous résolûmes de rester le lendemain à Belle-Île pour en chercher de pareilles, s’il y en avait, et nous repaître à loisir les yeux du régal de toutes ces couleurs. »

Cette grotte est très vraisemblablement celle de l’Apothicairerie, la plus célèbre de l’île.

Nos voyageurs décident alors le lendemain de partir à l’aventure à travers l’île : « … Sitôt qu’il se fit jour, ayant rempli une gourde, fourré dans un de nos sacs un morceau de pain avec une tranche de viande, nous prîmes la clef des champs, et, sans guide ni renseignement quelconque (c’est là la bonne façon), nous nous mîmes à marcher, décidés à aller n’importe où, pourvu que ce fût loin, et à rentrer n’importe quand, pourvu que ce fût tard… »

Suivent douze pages de récit au cours duquel nos auteurs s’enivrent du spectacle des falaises, des rochers et des embruns de la mer qui s’y brise, sans qu’aucun indice ne nous permette de situer où leurs pas les conduisent…

Ils s’embarquent ensuite le lendemain pour Quiberon. De là, ils s’élancent à pied vers Plouharmel, dans les environs de Carnac, où ils avaient établis leur séjour.

Quimper

Flaubert et Du Camp se dirigent ensuite vers Quimper : nulle information, dans le récit de ce nouveau chapitre, désormais rédigé par Maxime Du Camp, sur la manière dont ils vont franchir les plus de 110 km qui séparent les deux localités.

Vue 05 - Quimper : Vue du « bout des quais », sur l’Odet. 1857. Photographes Furne et Tournier. Collection Musée d’Orsay, inv. 1990-15-27

« Quimper, quoique centre de la vraie Bretagne, est distinct d’elle. Sa promenade d’ormeaux, le long de la rivière, qui coule entre les quais et porte navires, la rend fort coquette, et le grand hôtel de la préfecture, recouvrant à lui seul le petit delta de l’ouest, lui donne une tournure toute française et administrative.

Vous vous apercevez que vous êtes dans un chef-lieu de département, ce qui vous rappelle aussitôt les divisions par arrondissements, avec les grandes, moyennes et petites vicinalités, les comités d’instruction primaire, les caisses d’épargne, les conseils généraux et autres inventions modernes qui enlèvent toujours aux lieux qui en sont doués quelque peu de couleur locale pour le voyageur naïf qui la rêve… »

Le prieuré de Locmaria

En Bretagne, de nombreux lieux portent le nom de Locmaria… À un quart de lieue (environ 1 km) du centre de Quimper, nous sommes nécessairement dans un quartier qui, à l’époque, se situait à la périphérie de la ville.

Vue 06 – Le prieuré de Locmaria, par Max Jacob. 1927. Musée des Beaux-Arts de Quimper

« Étant à Quimper, nous sortîmes un jour par un côté de la ville et rentrâmes par l’autre, après avoir marché dans la campagne pendant huit heures environ…. […] Nous nous arrêtâmes d’abord à un quart de lieue de la ville, à Loc-Maria, ancien prieuré, jadis donné à l’abbaye de Fontevrault par Conan III. Le prieuré n’a pas, comme l’abbaye du pauvre Robert d’Arbriselle, été utilisé d’une ignoble manière. Il est abandonné, mais sans souillures. Son portail gothique ne retentit pas de la voix des garde-chiourmes, et s’il en reste peu de choses, l’esprit, du moins, n’éprouve ni révolte ni dégout. Il n’y a de curieux comme détail, dans cette petite chapelle d’un vieux roman sévère, qu’un grand bénitier posé sans pilier sur le sol et dont le granit taillé à pans est devenu presque noir. Large, profond, il représente bien le vrai bénitier catholique, fait pour y plonger tout entier le corps d’un enfant, et non pas ces cuvettes étroites de nos églises dans lesquelles on trempe le bout du doigt. »

La chapelle de Kerfeunteun

Kerfeunteun est un village des environs de Quimper, aujourd’hui rattaché à cette ville.

Vue 07 – La chapelle de Kerfeunteun, aux environs de Quimper. Carte postale (InfoBretagne.com)

« Vers trois heures de l’après-midi, nous arrivâmes près les portes de Quimper, à la chapelle de Kerfeunteun. Il y a, au fond, une belle verrière du XVIe siècle, représentant l’arbre généalogique de la Trinité. Jacob en forme la souche et la croix du Christ le sommet, surmonté du Père éternel qui a la tiare au front. Le clocher carré figure sur chaque face un quadrilatère percé à jour, comme une lanterne, par une longue baie droite. Il ne pose pas immédiatement sur la toiture, mais, à l’aide d’une base amincie dont les quatre côtés se rétrécissent et se touchent presque, forme un angle obtus vers la crête du toit. En Bretagne, presque toutes les églises de villages ont de ces clochers-là. »

Pont-l’Abbé

Depuis Quimper, Pont-l’Abbé est à une vingtaine de kilomètres plus au sud-ouest. Nos voyageurs y portent ensuite leurs pas.

« … À cinq heures du soir, enfin, nous arrivâmes à Pont-l’Abbé, enduits d’une respectable couche de poussière et de boue qui se répandit de nos vêtements sur le parquet de la chambre de notre auberge… » Cette couche de poussière peut laisser supposer qu’ils ont emprunté une charrette ou une voiture à cheval sans capote ni protection…

Vue 08 – Pont-l’Abbé, l’église des Carmes. Dessin (InfoBretagne)

« Pont-l’Abbé est une petite ville fort paisible, coupée dans sa longueur par une large rue pavée. Les maigres rentiers qui l’habitent ne doivent pas avoir l’air plus nul, plus modeste et plus bête [sic].

Il n’y a à voir, pour ceux qui partout veulent voir quelque chose, [que] les restes insignifiants du château et de l’église ; une église qui serait passable d’ailleurs, si elle n’était encroûtée par le plus épais des badigeons qu’aient jamais rêvés les conseils de fabrique. La chapelle de la Vierge était remplie de fleurs : bouquets de jonquilles, juliennes, pensées, roses, chèvrefeuilles et jasmins mis dans des vases de porcelaine blanche ou dans des verres bleus, étalaient leurs couleurs sur l’autel et montaient entre les grands flambeaux vers le visage de la Vierge, jusque par-dessus sa couronne d’argent, d’où retombait un voile de mousseline à longs plis qui s’accrochait à l’étoile d’or du bambino de plâtre suspendu dans ses bras… […]

Là semble se concentrer toute la tendresse religieuse de la Bretagne ; voilà le repli le plus mol de son cœur… Il n’y a pas de fleurs dans la campagne, mais il y en a dans l’église ; on est pauvre, mais la Vierge est riche… On s’étonne de l’acharnement de ce peuple à ses croyances ; mais sait-on tout ce qu’elles lui donnent de délectation et de voluptés, tout ce qu’il en retire de plaisir ? »

Fête des battages

Vue 09 – Scène de battage en Bretagne – Coll. particulière

« Il faut assister à ce qu’on appelle ses fêtes, pour se convaincre du caractère sombre de ce peuple. Il ne danse pas, il tourne ; il ne chante pas, il siffle. Ce soir même, nous allâmes dans un village des environs, voir l’inauguration d’une aire à battre. Deux joueurs de biniou, montés sur le mur de la cour, poussaient sans discontinuer le souffle criard de leur instrument, au son duquel couraient au petit trot, en se suivant à la queue du loup, deux longues files d’hommes et de femmes  qui serpentaient et s’entrecroisaient. Les files revenaient sur elles-mêmes, tournaient, se coupaient et se renouaient à des intervalles inégaux. Les pas lourds battaient le sol, sans souci de la mesure, tandis que les notes aiguës de la musique se précipitaient l’une sur l’autre dans une monotonie glapissante…

Pendant près d’une heure que nous considérâmes cet étrange exercice, la foule ne s’arrêta qu’une fois, les musiciens s’étant interrompus pour boire un verre de cidre ; puis, les longues lignes s’ébranlèrent de nouveau et se remirent à tourner. À l’entrée de la cour, sur une table, on vendait des noix ; à côté était un broc d’eau-de-vie, par terre une barrique de cidre… »

Curieux jugements à l’emporte-pièce. Maxime Du Camp ne fait aucun effort pour comprendre ces Bretons, et l’on peut soupçonner que Gustave Flaubert partage les mêmes jugements…

Puis, avec la même froideur d’observateur extérieur, l’auteur termine le chapitre par la narration d’une scène de crime… Nous nous l’épargnerons…

*     *     *

Au cours de la prochaine étape, nous accompagnerons Flaubert et du Camp dans la poursuite de leur voyage vers Crozon et Landevennec.

Christian Bernadat

Bibliographie

Gustave Flaubert, Par les champs et par les grèves (voyage en Bretagne), en ligne

La Bretagne en relief, premiers voyages photographiques en Bretagne, Musée départemental Breton de Quimper, 2000

« Le périple de Flaubert en Morbihan en 1847 », Patrimoines et Archives, en ligne

Jean-Marie Williamson et Jean-Louis Tournade, Ports de mer, ports de rivière, Éd du Squall, juin 1983

Archives départementales du Morbihan, fonds de photographies stéréoscopiques Maurice Walker.

L’église de Locmaria sur Wikipédia

« Kerfeunteun », InfoBretagne.com, en ligne

L'image du mois

L’image du mois #58 | Décembre

En ce frais mois de décembre, toute l’équipe du CLEM vous souhaite de belles fêtes de fin d’année !

Et ce mois-ci, l’image du mois est présentée par Chloé, nouvelle recrue de l’équipe, qui rejoint avec grand plaisir cette belle aventure et la famille du CLEM !

Félix Chevalier, Repas de famille, 1859, Série Sujets de fantaisie, F. Chevalier & A. Champeaux, collection Dupin

Comme dans ce Repas de Famille , qui appartient à la série des « Sujets de fantaisie », photographié en 1859 par Félix Chevalier, vous êtes sûrement en train de préparer de bons moments pour la fin du mois, entourés de vos proches, famille et amis.
Cette stéréo sur carton est une mise en scène élaborée, qui reprend les grands codes festifs : chandeliers, seaux à champagne au premier plan, nombreux mets sur la table et belles tenues sont ici au rendez-vous.
Cette année, pour des fêtes réussies …. fourbissez donc vos chandeliers !!

Collection Dupin

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Le Voyage aux Pyrénées selon Hippolyte Taine en 1855/1860

Neuvième épisode : excursion jusqu’au Cirque de Gavarnie, ascension du Pic de Bergons et du Pic du Midi

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Vue générale sur le cirque de Gavarnie. 1868. Photographe Ernest Lamy. Collection Magendie, Mag6549

Plusieurs mois ont passé depuis notre huitième épisode : il est bien temps de poursuivre notre circuit dans les pas d’Hippolyte Taine.

Rappel des épisodes précédents :

Hippolyte Taine a entrepris son Voyage aux Pyrénées en 1855 dans le but de suivre une cure thermale, traitement très recherché dans la bonne société parisienne. À seulement 27 ans, délaissant un temps ses activités littéraires, voici notre écrivain voyageur engagé dans un long périple pour l’époque : Bordeaux, Royan, Bayonne, Biarritz, Saint-Jean-de-Luz, Orthez, Pau, et enfin Les Eaux-Bonnes dans la vallée d’Ossau, où il s’établit le temps de prendre ses soins, entrecoupés d’excursions dans les environs.

À l’issue de son séjour, il ne s’empresse pas de rentrer à Paris, mais reprend la route vers Saint-Sauveur et Luz, où il va séjourner encore plusieurs jours, le temps d’explorer les alentours avec son ami Paul (dont on ne sait rien).

On illustrera cet épisode de vues disponibles dans la Stéréothèque, cette fois essentiellement au sein de la collection Magendie, la plupart issues de séries sur le thème du Voyage aux Pyrénées, photos dont les auteurs sont souvent connus : Jean Andrieu, Alexandre Bertrand, Ernest Lamy.

Au cours de cette étape, on appréciera tout particulièrement la richesse des collections hébergées par la Stéréothèque, de surcroît à l’aide de vues prises à quelques années seulement du voyage de notre auteur. Elles permettent d’illustrer par le détail l’excursion d’Hippolyte Taine à Gavarnie, que l’auteur s’applique à décrire par le menu, comme un contrepoint aux « guides-manuels », jugés sans doute trop lapidaires, mais déjà largement disponibles.

Aller à Gavarnie…

L’excursion à Gavarnie est une des plus renommées et des plus recherchées du tourisme pyrénéen, déjà dans les années 1840. Depuis la Révolution, une route a été tracée pour surveiller et tenir la frontière contre les incursions espagnoles. Cette voie a conduit un grand nombre de personnes à découvrir la beauté et les richesses de cette région, suscitant très tôt de nombreuses recherches botaniques, géologiques et topographiques.

Ensuite, Victor Hugo, avec son Voyage aux Pyrénées de Bordeaux à Gavarnie publié en 1843, ou le géographe et cartographe Franz Schrader, ont amplement contribué à ériger l’excursion au cirque de Gavarnie en étape obligée du tourisme pyrénéen.

La route du cirque de Gavarnie au départ de Luz-Saint-Sauveur. 1868. Photographe Ernest Lamy. Collection Magendie, Mag6552

Au moment du voyage de Taine, l’excursion au cirque de Gavarnie est donc déjà un incontournable de tout voyage aux Pyrénées. Notre auteur n’est pas dupe, et c’est avec quelque humour qu’il évoque cette injonction mondaine, à bien des égards similaire à l’attitude d’un « touriste de masse » contemporain :

« De Luz à Gavarnie il y a six lieues [environ 19 km]. Il est enjoint à tout être vivant et pouvant monter un cheval, un mulet, un quadrupède, de visiter Gavarnie ; à défaut d’autres bêtes, il devrait, toute honte cessant, enfourcher un âne. Les dames et les convalescents s’y font conduire en chaise à porteur.

Vue 01 – Excursion à Gavarnie à la Belle époque. Coll. part.

Sinon, pensez quelle figure vous ferez au retour. « Vous venez des Pyrénées, vous avez vu Gavarnie ? – Non. – Pourquoi donc êtes-vous allé aux Pyrénées ? »… Vous baissez la tête, et votre ami triomphe, surtout s’il s’est ennuyé à Gavarnie… Vous subissez [alors] une description de Gavarnie, d’après la dernière édition du guide-manuel ! […] Il n’y a que deux ressources : apprendre par cœur une description ou faire le voyage… J’ai fait le voyage, et je vais donner la description. »

Et, de fait, Taine va nous faire partager son excursion étape par étape, et, pour ainsi dire, quart d’heure par quart d’heure.

La route de Sia

Les trois ponts superposés sur la route de Sia. 1862-1863. Photographe Alexandre Bertrand. Collection Magendie, Mag6296

« On part à six heures du matin, par la route de Scia [sic], dans le brouillard, sans rien voir d’abord que de grandes formes confuses d’arbres et de rochers… […]

À Scia, la route passe par un petit pont fort élevé, qui domine un autre pont grisâtre, abandonné. [Depuis le pont supérieur, notre voyageur n’a pas la possibilité d’apercevoir le troisième pont, le plus ancien et le plus bas – datant de 1712]. Le double étage d’arcades se courbe gracieusement au-dessus du torrent bleu ; cependant une clarté pâle flotte déjà dans la vapeur diaphane ; une gaze dorée ondule sur le Gave ; le voile aérien s’amincit et va s’évanouir. »

Le pont de Gèdres

Le pont de Gèdre. 1862-1863. Photographe Ernest Lamy. Collection Magendie, Mag6234

« Nous tournons un second pont, et nous entrons dans la campagne de Gèdres [sic], verdoyante et cultivée ; les foins sont en tas ; on coupe les moissons ; nos chevaux marchent entre deux haies de noisetiers ; nous longeons des vergers : mais la montagne est toujours voisine ; le guide nous montre un rocher haut comme trois hommes, qui roula il y a deux ans et broya une maison. »

Le village de Gèdre. 1896-1930. Photographe inconnu. Collection Magendie, Mag2139

« La nation française […] est mal représentée à Gèdres. D’abord paraît un long douanier moisi, qui vise le laisser-passer des chevaux ; avec son habit jadis vert, le pauvre homme a l’air d’avoir séjourné une semaine dans la rivière. Sitôt qu’il nous lâche, une bande de polissons, garçons et filles, fond sur nous : les uns tendent la main, les autres veulent nous vendre des pierres ; ils font signe au guide d’arrêter ; ils réclament les voyageurs ; deux ou trois tiennent la bride de chaque bête, et tous ensemble crient : « La grotte ! la grotte ! » Force est de se résigner et de voir la grotte. »

Le chaos de Gavarnie

Le Chaos de Gavarnie. 1862-1863. Photographe Jean Andrieu. Collection Magendie, Mag6237

« Après Gèdres est une vallée sauvage qu’on nomme le Chaos, et qui est bien nommée. Là, au bout d’un quart d’heure, les arbres disparaissent, puis les genévriers et les buis, enfin les mousses : on ne voit plus le Gave, tous les bruits cessent. C’est la solitude morte et peuplée de débris. Trois avalanches de roches et de cailloux écrasés sont descendues de la cime jusqu’au fond. L’effroyable marée, haute et longue d’un quart de lieue, étale comme des flots ses myriades de pierres stériles, et la nappe inclinée semble encore glisser pour inonder la gorge. »

« Cent pas plus loin, l’aspect de la vallée devient formidable. Des troupeaux de mammouths et de mastodontes de pierre gisent accroupis sur le versant oriental, échelonnés et amoncelés dans toute la pente. »

Le village de Gavarnie

Le village de Gavarnie. 1862. Photographe Jean Andrieu. Collection Magendie, Mag6242

« Gavarnie est un village fort ordinaire, ayant vue sur l’amphithéâtre qu’on vient visiter.

Vue sur le Gave de Gavarnie. 1865-1905. Photographe Philippe Viron. Collection Magendie, Mag0755

« Lorsqu’on l’a quitté, il faut encore faire une lieue dans une triste plaine, à demi engravée par les débordements d’hiver ; les eaux du Gave sont fangeuses et ternes ; un vent froid souffle du cirque ; les glaciers, parsemés de boue et de pierres, sont collés au versant comme des plaques de plâtre sali. […]

Les chevaux passent le Gave à gué, en trébuchant, glacés par l’eau des neiges. Dans cette solitude dévastée, on rencontre tout d’un coup le plus riant parterre. Un peuple de beaux iris se presse dans le lit d’un torrent desséché ; le soleil traverse de ses rayons d’or leurs pétales veloutés d’un bleu tendre… […] Nous gravissons un dernier tertre, semé d’iris et de roches. »

Le refuge de Gavarnie et les glaciers

Le refuge (en bas de la vue) et les glaciers de Gavarnie. 1862-1868. Photographe Jean Andrieu. Collection Magendie, Mag6431

« Là est une cabane où l’on déjeune [déjà un refuge, en 1855 !] et où on laisse les chevaux. On s’arme d’un grand bâton, et l’on descend sur les glaciers du cirque. Ces glaciers sont fort laids, très sales, très inégaux, très glissants ; on court à chaque pas un risque de tomber, et, si l’on tombe, c’est sur des pierres aigües ou dans des trous profonds. Ils ressemblent beaucoup à des plâtras entassés, et ceux qui les ont admirés ont de l’admiration à revendre… »

Vue 02 - Le cirque de Gavarnie en été, années 2020. Photo iStock

Nous pouvons constater qu’au milieu du XIXe siècle, en plein été, le glacier de Gavarnie descendait jusqu’au refuge ! Nous en sommes bien loin aujourd’hui : désormais (et cela au moins depuis 2018), pratiquement plus de glace à Gavarnie en été !

« Après les glaciers, nous trouvons une esplanade en pente ; nous grimpons pendant dix minutes en nous meurtrissant les pieds sur des quartiers de roches tranchantes. Depuis la cabane nous n’avions pas levé les yeux, afin de nous réserver la sensation entière. Ici enfin nous regardons.

Le cirque de Gavarnie. 1868. Photographe Ernest Lamy. Collection Calvelo, CAL0462

Une muraille de granit couronnée de neige se creuse devant nous en cirque gigantesque. Ce cirque a douze cents pieds de haut, près d’une lieue de tour, trois étages de murs perpendiculaires, et, sur chaque étage, des milliers de gradins. La vallée finit là ; le mur est d’un seul bloc, inexpugnable. Les autres sommets crouleraient, que ses assises massives ne remueraient pas.

Là est la borne de deux contrées et de deux races ; c’est elle que Roland voulut rompre, lorsque d’un coup d’épée il ouvrit une brèche à la cime. Mais l’immense blessure disparaît dans l’énormité du mur invaincu. Trois nappes de neige s’étalent sur les trois étages d’assises. Le soleil tombe de toute sa force sur cette robe virginale sans pouvoir la faire resplendir. Elle garde sa blancheur mate. Tout ce grandiose est austère ; l’air est glacé sous les rayons du Midi ; de grandes ombres humides rampent au pied des murailles. »

Les cascades de Gavarnie

Les cascades de Gavarnie. 1863. Photographe Jean Andrieu. Collection Magendie, Mag6241

« Les seuls habitants sont les cascades assemblées pour former le Gave. Les filets d’eau arrivent par milliers de la plus haute assise, bondissent de gradin en gradin, croisent leurs raies d’écume, serpentent, s’unissent et tombent par douze ruisseaux qui glissent […] en traînées floconneuses pour se perdre dans les glaciers du sol. La treizième cascade sur la gauche a douze cent soixante-six pieds de haut. Elle tombe lentement, comme un nuage qui descend, ou comme un voile de mousseline qu’on déploie ; l’air adoucit la chute ; l’œil suit avec complaisance la gracieuse ondulation du beau voile aérien. Elle glisse le long du rocher, et semble plutôt flotter que couler. Le soleil luit, à travers son panache, de l’éclat le plus doux et le plus aimable. Elle arrive en bas comme un bouquet de plumes fines et ondoyantes, et rejaillit en poussière d’argent ; la fraîche et transparente vapeur se balance autour de la pierre trempée, et sa traînée qui rebondit monte légèrement le long des assises. L’air est immobile ; nul bruit, nul être vivant dans cette solitude. On n’entend que le murmure monotone des cascades, semblable au bruissement des feuilles que le vent froisse dans une forêt. »

Retour à Gavarnie

Vue 03 - Les touristes à Gavarnie en admiration devant le spectacle du Cirque. Le Voyage aux Pyrénées, 3e édition, illustration de Gustave Doré, p 363

« Nous rencontrâmes au village nos compagnons de route qui s’étaient assis. Les bons touristes, fatigués, s’arrêtent ordinairement à l’auberge, dînent substantiellement, se font apporter une chaise sur la porte, et digèrent en regardant le cirque, qui de là paraît haut comme une maison. Sur quoi ils s’en retournent, louant ce spectacle grandiose, et très contents d’être venus aux Pyrénées… »

L’ascension du Pic de Bergons

Le Pic de Bergons (à l’époque dénommé sommet du Bergonz) culmine à 2068 m. Mais il est accessible à tout marcheur. Cela explique que, malgré l’altitude, Taine se soit lancé à son ascension, beaucoup moins recherchée que la montée au cirque de Gavarnie. Il en fait la description « pour être utile à ses semblables » écrit-il, c’est-à-dire pour alimenter les récits de voyage, aussi populaires, à l’époque, que les « guides-manuels » aux voyageurs.

Vue 04 – Le Pic de Bergons (en haut à droite) dans la vallée de Luz-Saint-Sauveur. Carte Postale. Coll. Part

« Il faut être utile à ses semblables ; je suis monté sur le Bergonz, pour avoir au moins une ascension à raconter.

Un sentier pierreux, en zigzag, écorche la montagne verte de sa traînée blanchâtre. La vue change à chaque détour. Au-dessus et au-dessous de nous des prairies, des faneuses, de petites maisons collées au versant comme des nids d’hirondelles. Plus bas, une fondrière immense de roc noir, où de tous côtés accourent des ruisseaux d’argent. À mesure que nous nous élevons, les vallées se rétrécissent et s’effacent, les montagnes grises s’élargissent et s’étalent dans leur énormité. Bientôt l’herbe utile disparaît ; des mousses roussies, des milliers de rhododendrons, revêtent les escarpements stériles ; la route se dégrade sous l’effort des sources perdues ; elle s’encombre de pierres roulées.

Vue 05 – Le Gave et le Pic de Bergons. Carte postale. Coll. part.

On atteint enfin une crête nue, où l’on descend de cheval ; là commence l’arrête de la montagne. On marche pendant dix minutes sur un tapis de bruyères serrées, et l’on est sur la plus haute cime. Quelle vue ! Tout ce qui est humain disparaît : villages, enclos, cultures, on dirait des ouvrages de fourmis. J’ai deux vallées sous les yeux, qui semblent de petites bandes de terres perdues dans un entonnoir bleu.

Au nord, les vallées de Luz et d’Argelès s’ouvrent dans la plaine par une percée bleuâtre, brillantes un éclat terne, et semblables à deux aiguières d’étain bruni. À l’ouest, la chaîne de Barèges s’allonge en scie jusqu’au Pic du Midi, énorme hache ébréchée, tachée de plaques de neige. »

L’ascension du Pic du Midi de Bigorre

Le pic du Midi de Bigorre (au fond à droite) depuis la vallée de Tramézaïgues. 1862. Photographe Jean Andrieu. Collection Magendie, Mag6214

Le pic de Midi de Bigorre culmine à 2876 m. Pourtant, depuis 1858, il est accessible en 3 ou 4 heures de cheval ; une auberge y est même présente au sommet. Par contre, l’observatoire qui en caractérise aujourd’hui le sommet n’a été construit qu’entre 1873 et 1882. C’est donc un pic vierge de toute installation autre que l’auberge que l’ami de notre voyageur devrait découvrir.

Mais le dénouement est particulièrement décevant : à cette altitude, le beau temps est rare, même en été. Par ailleurs, si, en ce XIXe siècle, l’ascension est physiquement réalisable, par contre l’altitude représente encore un défi, notamment vestimentaire, car on ne dispose pas de tenues véritablement adaptées. On appréciera l’humour glacial du narrateur à travers le laconisme de son récit…

« Paul est monté sur le pic du Midi de Bigorre ; voici son journal de voyage :

Départ à quatre heures du matin dans la vapeur. Les pâturages de Tau à travers la vapeur ; on voit la vapeur. Le lac d’Oncet à travers la vapeur : même vue.

Hourque des cinq Ours. Plusieurs taches blanches ou grisâtres, dans un fond blanchâtre ou grisâtre. […] Commencement de l’escarpement ; montée au pas, à la queue l’un de l’autre ; cela me rappelle le manège Leblanc, et les cinquante chevaux qui avancent gracieusement dans la sciure de bois… […].

Première heure : vue du dos de mon guide et de la croupe de son cheval… […]

Deuxième heure : la vue s’élargit ; j’aperçois l’œil gauche du cheval et du guide. Cet œil est borgne ; il ne perd rien.

Troisième heure : la vue s’élargit encore. Vue de deux croupes de cheval et deux vestes de touristes, qui sont à quinze pieds au-dessus de nous […].

Quatrième heure : joie et transports ; le guide me promet, pour la cime, la vue d’une mer de nuages.

Vue 06 – La mer de nuages au pic du Midi. Vue contemporaine. Photo site Picdumidi.com

Arrivée : vue de la mer de nuages. Par malheur nous sommes dans un des nuages. Aspect d’un bain de vapeur quand on est dans le bain.

Bénéfices : rhume de cerveau, rhumatisme aux pieds, lombago, congélation, bonheur d’un homme qui aurait fait huit heures antichambre, dans une antichambre sans feu.

– Et cela arrive souvent ? – Deux fois sur trois… Les guides jurent que non. »

* * *

Épisode suivant : nous progresserons dans le périple de Taine et de son ami, en parvenant à Bagnères-de-Luchon.

Christian Bernadat

Bibliographie

L'image du mois

L’image du mois #57 | Novembre

Ce mois-ci, l’image de novembre nous est présentée par Philippe Marty, dont la collection familiale (collection Heude) est en train de rejoindre nos fonds :

Voilà une image qui fait le pont entre les premiers outils de la photo et les dernières technos digitales !
On traverse les générations avec cette prise de vue réalisée grâce à l’appareil photo de mon grand-père : un Heidoscop (voir cette page pour une présentation détaillée de l’engin) des années trente, qu’il avait acheté avec un dos à plaques de verre et fait modifier pour recevoir des rouleaux de film 120 (6×6).
Philippe Marty, Les envahisseurs, 2022

 

 

Pour conserver l’esprit vintage, j’ai choisi une pellicule au look d’époque, la Fomapan 400 en édition limitée… Développement maison du négatif, à l’ancienne.

Puis, c’est là qu’on bascule dans le 21ème siècle : scan réalisé via un ordinateur connecté à un appareil photo positionné au dessus du négatif. Le négatif est maintenu par un support dont une partie a été adaptée grâce à une imprimante 3D, le tout posé sur une plaque d’éclairage LED…Vous me suivez ? Un jour, je tâcherai de faire une photo de l’installation, promis.
 
Bref, une fois l’image captée sur l’ordinateur, je fais un certain nombre de réglages dans Lightroom pour optimiser mes paires de vues stéréo et je les traite enfin dans StereoPhoto Maker  (merci à l’équipe du CLEM pour m’avoir orienté vers ce logiciel) pour créer facilement les cartes stéréo et/ou les anaglyphes tels qu’on les voit ici.

Pour le plaisir de cette image du mois, nous avons retenu un sujet en forme de clin d’œil qui prolonge le pont entre les générations.
Un appareil photo du début du 20ème siècle a réussi à prendre une image en relief d’une soucoupe volante au-dessus des bassins à flots de Bordeaux. Mon grand-père aurait eu du mal à avaler cette histoire, et pourtant !

Merci une nouvelle fois au Clem pour cette mise en lumière et pour tout leur travail autour de la stéréoscopie, quelle belle énergie !

Philippe Marty

Non classé

Réflexions et menus propos autour d’une curieuse vue stéréoscopique illuminée

Photographe inconnu, Troyes, la rue de l'Hôtel-de-Ville, entre 1857 et 1860, collection Toussaint - cliquer sur l'image pour voir sa notice sur la Stéréothèque

La présentation de cette vue illuminée – un cadre blanc percé de deux fenêtres carrées aux coins arrondis bordées d’une frise de perles gaufrées – est assez inhabituel pour une photographie sur ce thème.

Le tirage sur papier salé est anonyme et une légende est manuscrite à la plume au dos : « Fête Dieu à Caen ».

Verso de la carte

Pour le bon Champenois du sud que nous sommes, cette mention fait bondir. Une cathédrale avec une tour unique ornée d’une grosse horloge et surmontée de deux clochetons : nous sommes sans conteste à Troyes. La rue de l’Hôtel-de-Ville ainsi nommée en 1851, ancien Vicus Magnus des comtes de Champagne et aujourd’hui rue Georges-Clémenceau, se déploie devant nos yeux. On aperçoit à droite les arcs-boutants de la basilique Saint-Urbain et les façades des maisons démolies entre les deux guerres pour créer la place Vernier devant l’église. Voilà pour la localisation.

La datation est aisée. Monsieur Michel-Gotorbe, sabotier, dont le nom apparaît partiellement à droite derrière l’enseigne très parlante de sa boutique, s’est installé là en 1856. Les annuaires commerciaux mentionnent sa présence dans ces locaux entre 1857 et 1860. Il avait remplacé M. Philippe, cabaretier dont le nom est encore bien lisible sous les fenêtres du second étage. C’est donc au cours de ces années-là que la prise de vue a eu lieu.

Ces précisions ne sont toutefois pas plus curieuses que celles que l’on peut trouver en examinant soigneusement des milliers de vues stéréoscopiques.

Plus remarquable est le travail réalisé au dos du papier sensible.

L’observation de cette vue à contre-jour nous place dans une ambiance nocturne. Les immeubles sont ombrés par des à-plats de gris et le ciel est coloré d’un bleu de Prusse très sombre. Les parties visibles du sol sont rehaussées de blanc.

Vue en couleurs (placée à la lumière)

Une scène très animée, véritable enluminure, emplit la rue d’une foule colorée. La perspective est parfaitement respectée de même que le décalage nécessaire à l’effet stéréoscopique. Les personnages du premier plan entrent partiellement dans le champ à la manière d’une prise de vue photographique.

La procession s’avance avec, en tête, la bannière rouge et or du Saint-Sacrement dont deux jeunes-filles en robe blanche et deux personnages en chasuble rouge tiennent les cordons. Plus loin, émergeant du moutonnement des têtes, un dais, rouge et or lui aussi, signale sans doute la présence des autorités ecclésiastiques. Les deux files de porteurs de cierges qui encadrent ce défilé, les lanternes de la bannière et du dais et même les cabochons ornant les vêtements sacerdotaux sont « illuminés  » par des trous d’épingles dans la photographie.

En grattant légèrement la couche sensible de l’épreuve, on a fait apparaître le cadran et les aiguilles de la grosse horloge de la tour Saint-Pierre : il est 19 h. (La Fête-Dieu se déroulant au mois de juin, cet horaire est peu vraisemblable !)

Malgré l’exiguïté de l’espace qui lui est consacré, l’ensemble est une véritable miniature très soigneusement dessinée et peinte.

La dernière feuille de papier translucide destinée à protéger la feuille peinte a été arrachée, laissant de malencontreuses traces de collage. Sans doute était-elle trop opaque pour que la transparence soit satisfaisante.

Inévitables, les questions fusent :  » qui l’a photographié ? Et qui l’a peint ? « 

Nous proposons une hypothèse argumentée qui, comme beaucoup d’hypothèses n’attend que d’autres arguments pour être confirmée ou démentie.

La légende manuscrite  » La Fête-Dieu à Caen  » a sans doute été ajoutée postérieurement. Un marchand opportuniste, peut-être, où un collectionneur lointain… On ne le saura sans doute jamais, mais, Troyen ou Caennais, il suffit de lever le nez pour constater l’incongruité. Toutefois, on peut aussi imaginer qu’elle ne concerne que la scène de procession et que la photographie n’a été utilisée que comme fond passe-partout.

Depuis 1857, un dessinateur reconverti en photographe règne pratiquement sans concurrence sur le petit monde des très rares chevaliers troyens du collodion et de l’albumine. Installé au sommet d’un immeuble proche de l’Hôtel-de-Ville dans un atelier entièrement vitré, il s’est forgé très vite une réputation de qualité et de sérieux. De son nid d’aigle, il a une vue plongeante sur l’enfilade des maisons de la rue qui nous préoccupe actuellement. Le lieu de la prise de vue se trouve d’ailleurs à quelques dizaines de mètres de ses locaux, ce qui est bien pratique pour traiter, par exemple, des plaques de verre au collodion humide qui ne doivent pas sécher pendant les manipulations.

Entre 1857 et 1860, Gustave Lancelot, puisque c’est de lui dont il s’agit, complétait son activité de photographe portraitiste par la création d’une longue série de 72 vues stéréoscopiques des rues, monuments et vestiges anciens de la ville de Troyes. Il présentera ces vues à l’exposition de Troyes de 1860, qui, pionnière en la matière, acceptait les photographes dans sa section des beaux-arts. Il y remporta récompenses, notoriété et félicitations de la presse.

Comment ne pas envisager qu’il soit l’auteur de notre photographie ?

Il était dessinateur et peintre émérite qui représentait monuments et paysages avec une précision … photographique. Pourquoi ne serait-il pas l’auteur de l’animation nocturne qui enrichit notre photo ?

Son frère, Dieudonné Lancelot était un dessinateur professionnel de grand talent qui fournissait des dessins à nombre de revues illustrées telles que le Monde Illustré, le Magasin Pittoresque, ou le Tour du Monde. Lui aussi n’aurait eu aucune difficulté à créer cette miniature.

Nous serions alors en présence d’un exercice de style, d’un essai destiné à évaluer la rentabilité financière de telles créations. En existe-t-il d’autres ?

Voilà bien des questions sans réponses et des pistes qui tournent court, qui nous valent au moins d’avoir eu le plaisir d’y réfléchir.

L'image du mois

L’image du mois #56 | Octobre

Nous sommes en octobre et alors que tout se couvre de rose, nous nous joignons au mouvement de lutte contre le cancer du sein, Octobre rose !

Pour tout savoir sur les gestes à adopter sur le dépistage, suivre ce lien et commencer notamment par une posture similaire à notre modèle, car effectivement la palpation – recommandée une fois par an – démarre au niveau de l’aisselle !

Ernest Lamy, Portrait de femme nue, vers 1860-1861, collection Dupin, DUP0480

Cette vue stéréoscopique sur carton est notamment accompagnée d’une anecdote intéressante du point de vue de l’histoire des mœurs. Elle fait partie d’une série déposée par le photographe et éditeur, Pierre Éléonore Lamy , à la BnF en 1861. La série porte le nom de « Études de femmes à demi-nues « .

Or, un an auparavant, une perquisition est conduite dans le studio de Lamy pour confisquer les négatifs de photos jugées indécentes !

Collection Dupin

Voir la notice complète sur la Stéréothèque ici

Non classé

Le classement au titre des Monuments historiques, étape essentielle en matière de conservation du patrimoine : le cas emblématique des châteaux du Val de Loire

 

Cliquer sur les vues stéréoscopiques afin de les afficher sur la Stéréothèque avec leur notice et parfois leur anaglyphe (rouge et bleu)

Le château de Chambord, façade méridionale, 1875-1900, photographe inconnu, collection Société Archéologique de Bordeaux, SAB295

Comme chaque mois de septembre, occasion de mettre en lumière la conservation du patrimoine, nous faisons une pose dans nos itinérances pyrénéennes ou bretonnes.

La France fut, en Europe, un des premiers pays à se préoccuper de la conservation de son patrimoine architectural, démarche qui a abouti aux procédures d’inscription et de classement au titre des Monuments historiques, démarches dont plus personne, aujourd’hui, ne conteste le bien-fondé et l’intérêt pour assurer la meilleure protection de notre patrimoine.

La notion de Monument historique est apparue au cours de la Révolution française, dans le prolongement des idées du Romantisme. Cette émergence a débouché sur une politique de protection mise en place dès la Monarchie de Juillet, sous forme d’une reconnaissance d’intérêt public pour les immeubles (édifices, jardins et parcs, réserves archéologiques, etc.) plus particulièrement centrée sur l’art et l’histoire architecturale, en y affectant une servitude d’utilité publique.

Il existe aujourd’hui deux niveaux de protection : l’inscription au titre des monuments historiques (autrefois « inscription à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques »), pour les meubles et immeubles présentant un intérêt à l’échelle régionale, et le classement au titre des monuments historiques, considérés comme d’intérêt national. Couramment, on dit d’un bien, dans le premier cas, qu’il est « inscrit », et dans le second qu’il est « classé ».

L’un des plus anciens témoignages de restauration d’un monument historique dans nos collections n’est pas un château de la Loire, mais la Sainte-Chapelle en travaux, février à juillet 1853, photographe inconnu, collection Dupin, DUP0252

Le terme de « monument historique » est employé pour la première fois en 1790 à l’occasion d’un rapport d’Aubin Louis Millin auprès de l’Assemblée constituante (la saisie des biens de la Monarchie, de l’Église et des émigrés entraînant très rapidement la nécessité d’éviter le vandalisme).

Sous l’impulsion de Talleyrand, on adopte le 13 octobre 1790 un décret établissant une commission des monuments pour étudier « le sort des monuments, des arts et des sciences ».

Alors que les premières Sociétés archéologiques viennent de se constituer, en 1819, pour la première fois, le budget du ministère de l’Intérieur comporte une ligne « monuments historiques », à laquelle est allouée une somme de 80 000 francs.

Vue 01 – Portrait de Prosper Mérimée par Charles Reutlinger (Wikipedia)

Puis, sous la Monarchie de Juillet, le 21 octobre 1830, le ministre de l’Intérieur (François Guizot), dans un rapport présenté au roi Louis-Philippe, propose de créer un poste d’inspecteur des Monuments historiques, d’abord attribué à Ludovic Vitet en 1830, puis, en mai 1834 à Prosper Mérimée, le célèbre historien et écrivain. Dans la foulée est créée une Commission permanente des Monuments historiques.

La politique ainsi définie débouche, en 1840, sur la publication d’une première liste de 1 082 monuments historiques (d’ailleurs dite « liste Prosper Mérimée ») dont 934 édifices, liste composée uniquement de monuments préhistoriques, antiques ou « médiévaux » (allant alors jusqu’au XVIe siècle). La plupart sont des propriétés de l’État, du département ou de la commune, dont la conservation nécessite des travaux (et donc des crédits). Le classement est de ce fait, dès le départ, un point d’appui pour l’octroi de subventions en matière de restauration.

Ce n’est que dans les années 1920-1930 que le classement s’ouvre au patrimoine privé, car, dans un premier temps, ce classement est considéré comme une servitude et une privation de propriété ; c’est pourquoi, la démarche est compensée par un subventionnement des travaux, puis par des avantages fiscaux. À ce moment, il s’ouvre aussi à la Renaissance et à l’âge classique, du XVIe au XVIIIe siècle.

Inscription et classement : l’exemple des châteaux du Val de Loire :

Quoi de plus emblématique, en France, que les « châteaux de la Loire », lorsqu’on pense aux Monuments historiques. L’ensemble de la zone du Val de Loire est d’ailleurs classée au patrimoine mondial de l’Unesco depuis le 9 juillet 2017. En examinant l’historique ci-après à propos des principaux châteaux du Val de Loire, on pourra juger des nombreuses péripéties qui ont jalonné le classement de ces différents monuments. Le double critère de la propriété et des périodes de construction explique en partie ce qui peut apparaître aujourd’hui, rétrospectivement, comme une hétérogénéité dans le traitement du classement de ces monuments.

C’est ainsi que seulement cinq châteaux de la Loire bénéficient, dès 1840, de leur classement définitif au titre des monuments historiques : Amboise, Blois, Chambord, Chenonceau et Azay-le-Rideau.

Le château d’Amboise, classé dès 1840 :

Le château d’Amboise, dominant la Loire, a été profondément rénové et remanié à partir de 1489 par Charles VII, et c’est déjà lui qui, de retour d’Italie, avant François 1er, ramène à son service toute une équipe d’artistes. Plus tard, François 1er y reçoit Léonard de Vinci.

Après de nombreuses vicissitudes, ses murailles sont rasées. Sous Louis XIV, il sert de prison d’État et Fouquet y sera incarcéré. L’édifice est en grande partie détruit sous la Révolution. Napoléon le donne ensuite à un ancien membre du Directoire, le sénateur Roger Ducos, qui, n’ayant pas les moyens de l’entretenir, fait détruire en 1806 une partie importante des bâtiments (dont le logis des Sept-Vertus).

En 1814, à l’occasion de la Première Restauration, le château est restitué à l’héritière du duc de Penthièvre, Louise-Marie-Adélaïde de Bourbon, duchesse d’Orléans, qui est revenue de son exil espagnol. Après une nouvelle confiscation temporaire durant les Cent Jours, le château est rendu définitivement à la famille d’Orléans en 1815.

À la mort de la duchesse, en 1821, le château revient à son fils, Louis-Philippe d’Orléans, qui y fait d’emblée réaliser des travaux afin de transformer le château en lieu de villégiature. Devenu roi des Français en 1830, il soutient ardemment la défense du patrimoine français. Il obtient alors le classement du château à l’inventaire des monuments historiques en 1840.

Mais, avec la révolution de 1848, le château est à nouveau mis sous séquestre. Il ne sera définitivement restitué à la famille d’Orléans qu’en 1873, après l’avènement de la IIIème République. Elle le transforme en maison de bienfaisance pour personnes âgées. Le château est restauré seulement à la toute fin du XIXe siècle. Il est actuellement toujours propriété de la Fondation Saint Louis, qui assure la conservation d’une grande partie des biens de la famille d’Orléans.

Le château d’Amboise, 1863-années 1890, photographe inconnu, collection Magendie, MAG1219

La photo ci-dessus est un témoignage particulièrement intéressant : elle montre le bâtiment dans son état postérieur à la restitution auprès de la famille d’Orléans, mais avant sa restauration : la tour des Minimes, tout à gauche, est surmontée par une verrière en rotonde (vertement critiquée par Gustave Flaubert lors de son passage avant 1847) ; et, sur le toit du logis principal, on note quatre chiens-assis portant des fenêtres à meneaux Renaissance. Sur la droite du toit, une surélévation dénote. À l’issue de sa restauration, comme on peut le voir sur la photo ci-dessous, cette « verrue » est rasée, deux nouvelles fenêtres à meneaux sont créées pour assurer une uniformité au niveau des toitures et la verrière de la tour des Minimes est supprimée.

Vue 02 – Le château d’Amboise dans son état actuel (Ministère de la Culture)

Au moment de son classement au titre des Monuments historiques, ce château est donc une exception, puisqu’il est une propriété d’une nature un peu particulière : il appartient à la Monarchie qui soutient la démarche de classement. Cette attitude et ce statut spécifique expliquent certainement son classement dès la première année, alors qu’il ne s’agit pas d’un monument public à proprement parler.

Le château de Blois, classé dès 1840 :

Le château de Blois a une très longue histoire. Mais le bâtiment actuel, celui qui a été classé, date du début du XVIe siècle. François 1er, dès son accession au trône en 1515, et son épouse Claude de France, ayant l’intention de quitter le château d’Amboise, meublent le château de Blois pour y installer la Cour. Cette même année, François 1er lance la construction d’une nouvelle aile, de style Renaissance et y commence une des plus importantes collections de livres de l’époque. La direction des travaux est donnée à l’architecte italien Dominique de Cortene à qui l’on doit l’escalier monumental.

Château de Blois : le célèbre escalier à vis de l’aile François 1er, 1855-1870, photographe inconnu, collection Magendie, Mag1363

Mais après la mort de sa femme au château, en 1524, la construction s’arrête ; François Ier délaisse le château de Blois au profit du château de Fontainebleau où il envoie l’impressionnante bibliothèque pour fonder la Bibliothèque nationale. Blois n’est cependant pas délaissée pour autant, Blois devenant ainsi une sorte de « pouponnière » royale où sont éduqués les enfants royaux jusqu’à Catherine de Médicis (Claude de France y avait mis au monde sept enfants). Le 18 octobre 1534, le château est le théâtre de l’affaire des Placards : des tracts contre la messe sont affichés clandestinement par des partisans de l’Église réformée, jusque sur la porte de la chambre du roi. Cette affaire marque le début de la répression du protestantisme en France, après une période de relative tolérance.

Au moment de la Révolution, le château est à l’abandon depuis 130 ans et les révolutionnaires, soucieux de faire disparaître tout vestige de la royauté, le pillent et le vident de ses meubles, statues et autres objets. L’état du château est tel que sa démolition est envisagée, jusqu’à ce que Napoléon 1er décide de le céder à la ville de Blois en août 1810. Mais, par manque d’argent, le château est à nouveau affecté à l’armée comme caserne. En 1834, la moitié sud de l’aile Charles d’Orléans est détruite pour y établir des cuisines militaires. La présence militaire au château n’empêche pas l’ouverture au public de l’aile François Ier sous la Restauration. Le château est ainsi visité par Victor Hugo, Honoré de Balzac ou Alexandre Dumas.

Château de Blois : la statue équestre de Louis XII sur l’aile du même nom, 1857-1860, photographes Charles Paul Furne & Henri Tournier, collection Magendie, MAG6116

En 1840, le château est classé monument historique grâce à l’action de Prosper Mérimée qui obtient la remise en état du bâtiment en juillet 1844. Félix Durban est chargé des premières restaurations en 1846, qui se poursuivront jusqu’à sa mort en 1871. Le château est alors transformé en musée. Entre 1870 et 1879, une nouvelle campagne de restauration est entreprise sous la direction de Jules de La Morandière. Les vues de nos collections sont donc postérieures à la première restauration, mais antérieures à celles de 1870-1879 qui, toutefois, ont essentiellement porté sur les intérieurs. Sur la photo ci-dessus, on aperçoit néanmoins un petit échafaudage témoignant de travaux sur la porte basse, à droite de la porte monumentale.

Le château de Chambord, classé dès 1840 :

Le château de Chambord, folie architecturale agrémentée d’une toiture, de tours, de clochetons et de 365 cheminées, a été voulu et conçu sous François 1er. Ses plans pourraient être l’œuvre de Léonard de Vinci. Le gros œuvre fut achevé dès 1537.

Le château de Chambord : corps central de la façade principale, 1855-1899, photographe inconnu, collection Magendie, MAG1317

Même s’il reste de longues années à l’abandon entre la fin du règne de Louis XIV et la Révolution, le gros œuvre resta toujours en état. Dès la chute de Napoléon, en 1821, une souscription publique l’offre au duc de Bordeaux (futur Charles X), héritier de la Monarchie, ce qui n’empêchera pas son classement comme Monument historique dès 1840.

En 1871, son petit-fils, Henri, devenu comte de Chambord, ne parvient pas à maintenir une monarchie constitutionnelle. À sa mort, en 1883, le château échoit à son neveu par sa mère, le duc de Parme. L’État rachète finalement le monument à ce personnage en 1930 pour 11 millions de francs-or. Sur la photo ci-dessus, le château est donc encore propriété de la famille royale.

Vue 03 – Le château de Chambord aujourd’hui, façade nord-ouest (Ministère de la Culture)

Le château de Chenonceau, classé dès 1840 :

En 1512, Thomas Bohier, receveur des finances, devient définitivement propriétaire du château qui appartenait à la famille de Marques. Il le fait raser et ne garde que la tour ronde du donjon (XVe siècle). Sur l’emplacement d’un moulin, il fait édifier le nouveau bâtiment, qui s’achève en 1521. En 1555, Diane de Poitiers, favorite d’Henri II, et propriétaire du domaine, confie à Philibert Delorme la construction d’un pont sur le Cher. Catherine de Médicis, qui s’empare de Chenonceau au décès du roi, termine le pont en y faisant élever une galerie. La reine lègue le château à sa belle-fille, Louise de Lorraine, qui y vécut dans le deuil. L’édifice est l’une des premières créations de la Renaissance, demeure de plaisance remplaçant le château-fort. Les éléments autrefois défensifs servent ici d’ornement. Le corps de logis forme un quadrilatère édifié sur deux piles sur le fleuve. Une tourelle en cul de lampe orne chaque angle. La façade Est comprend en saillie la chapelle rectangulaire avec abside à trois pans. La grande galerie repose sur cinq piles. À l’intérieur, l’escalier qui conduit au premier étage est l’un des premiers escaliers droits construits en France. Le domaine est agrémenté de jardins à la française et d’un parc comprenant divers bâtiments dont les dômes, l’orangerie et la cour de ferme entourée de bâtiments en pierre et pans de bois…

Le château de Chenonceau, vue générale de la façade est, vraisemblablement dans l’état postérieur aux travaux de transformation, 1865-1870, photographe inconnu, collection Magendie, MAG2364

Malgré un avis défavorable de la commission de classement des monuments historiques, au motif que le monument était propriété privée, il a été classé dès 1840.

En 1847, Gustave Flaubert et son ami Maxime du Camp visitent Chenonceau. À ce moment, il est propriété de François Vallet de Villeneuve, aristocrate rallié à Napoléon 1er qui l’a fait comte d’Empire. Après la chute de l’Empire, l’aristocrate et son épouse s’y retirent et y mènent une vie de gentilshommes d’une grande simplicité qui séduit Flaubert, comme il séduira quelques années plus tard Georges Sand, qui écrit en décembre 1845 : « Chenonceau est une merveille. L’intérieur en est arrangé à l’antique avec beaucoup d’art et d’élégance. On y jette toujours son pot de chambre par la fenêtre, ce qui fait le bonheur de [mon fils] Maurice ! »

Le comte René de Villeneuve meurt au château en février 1863. Le domaine revient à ses deux enfants, la marquise de La Roche-Aymon et Septime de Villeneuve, qui ne conserveront pas la dispendieuse demeure, et la mettront en vente en avril 1864.

Il est acquis par Mme Pelouze, riche héritière d’un industriel écossais, Daniel Wilson. Elle entreprend alors, de 1865 à 1878, la « restauration » du château et de son domaine pour une somme estimée à plus d’un million et demi de francs-or. La nouvelle propriétaire fait appel à l’architecte Félix Roguet, disciple de Viollet-le-Duc, pour diriger le pharaonique projet. Les transformations sont difficiles à apercevoir sur les photos dont nous disposons, qui semblent toutefois postérieures à ces interventions. Les jardins, quant à eux, ont bénéficié du nouveau dispositif de classements comme « jardin remarquable » en juillet 2020.

Château de Chenonceau, vue de la façade ouest, 1870-1900, photographe inconnu, collection Magendie, Mag1170

Le château d’Azay-le-Rideau, classé en 1840, déclassé en 1888, puis reclassé en 1914 :

Le premier château médiéval d’Azay est construit aux alentours de 1119 par l’un des premiers seigneurs du lieu, Ridel (ou Rideau) d’Azay, une forteresse défensive censée protéger la route entre Tours et Chinon. Celle-ci est brûlée par les Anglais en 1355. Gilles Berthelot le fait raser pour édifier, sur cet emplacement, le bâtiment actuel, qui aurait été construit par l’architecte Etienne Rousseau, de 1518 à 1529. Le château change ensuite très fréquemment de propriétaire.

Azay-le-Rideau, vue extérieure du château, 1930-1960, photographe inconnu, collection Lasserre, JPL310

Il fait alors l’objet d’une première inscription sur la liste des monuments historiques en 1840, mais, en 1845, les derniers vestiges médiévaux ayant été démolis pour laisser place à deux nouvelles tours d’angle sur cour, l’édifice est déclassé en 1888 !

En 1871, pendant un mois, la demeure est occupée par Frédéric Charles de Prusse, neveu du roi de Prusse, et son état-major ; les propriétaires du château, les Biencourt mère et fils, doivent alors se réfugier dans les communs.  Ruiné par le krach boursier de l’Union générale en 1882, le dernier des marquis de Biencourt est contraint de vendre son château à l’État, opération qui ne se concrétise qu’en août 1905. Le classement définitif intervient finalement en avril 1914.

Vue 04 – Vue actuelle du château d’Azay-le-Rideau (Ministère de la Culture)

Le château de Saumur, classé en 1862 :

Saumur, vue générale, avec le château dominant la ville à gauche sur la colline, 1900-1910, photographe inconnu, collection Magendie, Mag4797

L’origine du château remonte au Xe siècle. Le donjon a été érigé au début du XIIe siècle, puis entouré d’une forteresse au XIIIe siècle par Saint-Louis. Cette forteresse se composait de quatre tours rondes réunies par d’épaisses courtines.

Vue 05 – Le château de Saumur vers 1440, dans les Très Riches Heures du duc de Berry, mois de septembre (Extrait, Musée Condé)

À partir de 1368, Louis 1er d’Anjou, petit-fils de Philippe VI, fait remplacer les vieilles tours rondes par des tours octogonales, et transforme l’édifice en logis de plaisance, donnant au château l’essentiel de sa silhouette actuelle. À la fin du XVIe siècle, d’importants remparts sont érigés autour du château.

Ensuite, René d’Anjou améliore le confort de l’ensemble du château qu’il surnomme le « château d’amour » : c’est ce château qui est illustré dans les célèbres Très Riches Heures du duc de Berry (folio du mois de septembre représentant les vendanges). Il y résidera jusqu’en 1480.

Le château est ensuite transformé en prison en 1810 sur ordre de Napoléon. Les travaux prennent six ans mais les cellules ne seront utilisées que trois mois jusqu’au premier exil de Napoléon. Sous Louis XVIII, il devient en 1814, un dépôt d’armes et de munitions ; les habitants de Saumur se plaignent souvent des explosions qui ont lieu dans le château. Il est classé monument historique en 1862. La ville de Saumur rachète le château à l’État en 1906 et le rénove progressivement. Les extérieurs et les abords font ensuite l’objet d’un classement complémentaire en novembre 1964.

Le 22 avril 2001, la partie ouest du rempart nord s’effondre et endommage une partie des habitations situées en contrebas. Il s’ensuit un chantier de stabilisation du sous-sol et de reconstruction du rempart qui s’achève en 2007.

Le château de Châteaudun, classé en 1918 :

Le château initial avait été élevé par Thibaut le Tricheur, comte de Blois au Xe siècle. Charles d’Orléans ayant fait don du château à son demi-frère Jean de Dunois en 1439, dit le « bâtard d’Orléans » ou « Dunois », compagnon d’armes de Jeanne d’Arc. En 1452 ce dernier entreprend l’édification de la chapelle et du corps de logis de style gothique. Les travaux sont poursuivis, à partir de 1459 jusqu’à la mort de Dunois, par Nicole Duval, entrepreneur et maître maçon. Son œuvre est poursuivie jusqu’à 1518 par ses descendants les ducs de Longueville qui édifient l’aile nord ou aile Longueville de style Louis XII, qui fait transition entre l’art gothique flamboyant et la première Renaissance.

Châteaudun, l’escalier d’honneur (façade sud de l’aile nord du château), 1890-1904, carte postale, photographe inconnu, collection Wiedemann, WIE790

La famille Longueville s’éteint sans descendance en 1694. Le château revient alors aux ducs de Luynes. À moitié abandonné par ses propriétaires, il sert ensuite de refuge aux habitants de Châteaudun après l’incendie qui ravage la ville en 1723.

Ce château est néanmoins l’un des plus intéressants édifices civils de la fin du XVe et du début du XVIe siècle. Il occupe l’extrémité d’un promontoire rocheux dominant l’ancien gué du Loir. Les abords n’ont pas été modifiés depuis le XVIIe siècle. Entre le château et le Loir, des jardins ont conservé leur tracé ancien, leurs gloriettes, leurs allées de vieux tilleuls et le mur de quai sur le Loir.

Les premières restaurations sont lancées par le duc Théodoric de Luynes avec l’architecte Frédéric Debacq en 1866. Mais, le château sera endommagé par les Prussiens durant la bataille de Châteaudun en 1870. Demeuré propriété privée, Châteaudun attendra juillet 1918 pour obtenir le classement du corps de bâtiment à proprement parlé, les abords et dépendances n’étant ensuite définitivement classés qu’en avril 1947. Mais, dès 1938, il est acquis par l’État qui entame sa restauration, sous la direction de J.M. Trouvelot. L’explosion du pont franchissant le Loir en 1944 déstabilisa les parties hautes du monument, qui purent néanmoins être redressées sans démontage.

Le château de Langeais, classé en 1922 :

Le château de Langeais, vue générale, 1890-1904, carte postale, photographe inconnu, collection Wiedemann, WIE786

Construit au début du règne de Louis XI, le château se compose de deux ailes, mêlant forteresse médiévale et ouverture sur la Renaissance. En 1496, y est célébré le mariage d’Anne de Bretagne avec Louis XII. En 1839, pour éviter un démantèlement par des démolisseurs, le château est acquis par M. Baron qui va s’avérer un efficace mécène pour cet édifice, le faisant soigneusement restaurer.

Son fils, ruiné, est contraint de vendre le château en juillet 1886 au banquier et homme d’affaires mulhousien Jacques Siegfried, qui, pendant 20 ans, le restaure et le remeuble avant de le donner à l’Institut de France en mars 1904, avec réserve d’usufruit pour ses héritiers. Cette donation ouvrira la porte à son classement qui intervient finalement en mars 1922.

Le château de Cheverny, seulement inscrit en 1926 et définitivement classé en 2010 :

Le château de Cheverny, la façade nord en cours de travaux, 1928, photographe Alexis Croly-Labourdette, collection Besson, BL165

Le château est construit sur l’emplacement d’un ancien manoir du XVIe siècle, dont il ne demeure que les communs. Édifié de 1625 à 1629 par l’architecte Boyer (également architecte du château de Blois), le château est un compromis entre le style Renaissance et le style Louis XIV. Il est formé d’un bâtiment central rectangulaire, flanqués de deux ailes à grands pavillons carrés. Sa décoration intérieure conserve des décors du peintre Jean Mosnier, des lambris peints, des plafonds à compartiments, caractéristiques du style Louis XIII.

Il est, depuis le XVIe siècle, la résidence des marquis de Vibraye ; de style trop « classique » pour les premiers classements, et propriété privée, il échappa aux premières procédures de classement, pour n’être seulement inscrit qu’en février 1926, avant son classement définitif seulement en juin 2010.

Hébergeant une meute, le marquis y organise régulièrement des chasses à courre. Le château de Cheverny a inspiré Hergé dans sa représentation du château de Moulinsart, qui en est une réplique amputée de ses deux pavillons extrêmes.

Le château de Villandry, inscrit en 1927 et classé définitivement en 1934 :

Le château de Villandry, vue générale, 1900-1949, photographe Alexis Croly-Labourdette, collection Besson, BL103

Cette demeure seigneuriale, élevée en 1532 par Jean Le Breton, secrétaire d’État de François 1er, conserve un donjon du XIVe siècle. Le château a été modernisé à partir de 1754 par son propriétaire Michel-Ange de Castellane, qui a fait construire les communs avec leurs toits à la Mansart. La demeure a été achetée en 1906 par Joachim Carvallo (1869-1936) fondateur de l’association La Demeure historique, marié à une héritière américaine, Anne Coleman.

Son propriétaire obtient l’inscription de son château en avril 1927, et son classement définitif en septembre 1934.

S’inspirant des textes anciens, Carvallo a fait restaurer les jardins du château, une restitution conjecturale d’un jardin à la française du XVIe siècle qui s’accorde avec les bâtiments. Ces jardins sont divisés en trois étages, avec un potager en bas, un jardin d’ornement constitué de broderies de buis taillés et une terrasse supérieure comportant un jardin d’eau avec cascades et charmilles. Les fontaines et tonnelles du jardin ont été restaurées à partir de 1994. Ces jardins ont été classés au titre des jardins remarquables en juillet 2020.

Vue 05 – Les jardins du château de Villandry, vue actuelle (Ministère de la Culture)

Christian Bernadat

Sources :

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L’image du mois #55 | Septembre

Nous sommes en septembre et… c’est la rentrée !

Pour faire un clin d’œil à tous les élèves qui ont repris le chemin de l’école, voici un montage animé tiré de la série Le Stéréoscope des Enfants, datant des années 1850, éditée par Pierre-Henri Lefort, l’un des plus gros et des plus inventifs créateurs de vues stéréoscopiques. Une série pionnière et assez énigmatique, comme la décrit José Calvelo :

Stereoscope des enfants – Le dé stéréoscopique, 1852, Collection Calvelo

Ni la série dans son ensemble ni aucune des lithographies aquarellées qui la composent ne porte de titre.
Cependant, le dé schématiquement figuré dans une des vues – et au centre duquel est enchâssé un stéréoscope – exhibe en lettres rouges la locution Stéréoscope des enfants qui paraît un intitulé adéquat pour l’ensemble de la collection. Ce dé porte également sur chacune de ses faces une mention qui semble avoir servi de réclame aux autres productions de l’opticien Lefort : polyorama panoptique, polyorama diagraphique, optique amusante (Paris), jeux pyriques, lorgnette enchantée, étrennes eïdostrope.

(…)

On trouve, dans la revue musicale Le Ménestrel, du 5 décembre 1852 : M. Lefort vient d’inventer deux nouveaux joujoux polyorama dont le besoin se faisait vivement sentir dans le domaine des étrennes artistiques. Nous engageons sérieusement toutes les mères de famille, toutes les jeunes filles et tous les petits garçons à faire connaissance avec l’Eïdostrope, joli petit instrument qui montre à l’œil surpris et charmé toutes sortes de ravissantes figures (…). C’est une des plus aimables inventions de l’optique amusante. Ajoutez à cela le Stéréoscope des enfants, recueil de jouets les plus variés, et vous aurez le plus charmant élément de plaisir à joindre aux Etrennes musicales de l’année.

Pour lire l’article de José Calvelo en entier sur la notice de l’image, cliquer sur cette dernière

L’équipe du CLEM souhaite une bonne rentrée à tout le monde !

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L’image du mois #54 | Août

Pour ce mois d’août, nous sommes remontés 76 ans en arrière, et plus précisément le 10 août 1946 !

Certaines de nos vues sont en effet datées au jour près ! Ici, le photographe reste cependant inconnu ainsi que l’identification de ces personnes. Nous savons toutefois que nous sommes à Arcachon, à la plage du Moulleau, grâce à la légende présente sur quelques vues de la boîte. Un indice nous le confirme : le débarcadère à l’arrière-plan.

Arcachon, vue prise depuis la plage du Moulleau, 10 août 1946, photographe inconnu, collection Magendie (cliquer sur l'image pour afficher sa notice dans la Stéréothèque)
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L’image du mois #53 | Juillet

Le mois de juillet marque le début de l’été, des vacances et surtout des retrouvailles en famille !

Et cette famille ne vous a pas attendus ! Même si nous n’avons aucune information sur ces personnes, nous voyons que nous sommes au beau milieu d’un moment entre proches. C’est, en effet, une prise de vue sur verre réalisée par un appareil de particulier et non un éditeur, datable du milieu du 20e siècle par l’analyse des vêtements.

Portrait de famille, milieu du 20e siècle, photographe inconnu, collection Carrier

La vue a été prise en Lozère et provient de la collection Carrier, conservée à Soulignac.

Cliquer sur la stéréo pour afficher la notice et accéder à l’anaglyphe !