Pour ce mois de février, nous vous proposons de partir dans un chalet en Suisse, rejoindre une joyeuse équipe d’amis !
Cette drôle de troupe se trouve à la villa Bellevue, dans la ville de Clavadel, arrondissement de Davos. Nous sommes en 1896 et l’ambiance est au rendez-vous !
Pour voir la notice sur la Stéréothèque, cliquez sur l’image ci-dessous :
Premier épisode : nos auteurs visitent certains châteaux de la Loire
Cliquer sur les vues stéréoscopiques afin de les afficher sur la Stéréothèque avec leur notice et parfois leur anaglyphe (rouge et bleu).
Pour cette nouvelle année, nous vous proposons d’ajouter à nos pérégrinations littéraires le compte-rendu de voyage que firent Gustave Flaubert (dont on vient de commémorer le deux centième anniversaire de la naissance en décembre dernier) et son ami Maxime Du Camp (écrivain et photographe moins connu, dont l’œuvre pâtit de la célébrité de ses amis, Flaubert, Baudelaire et Théophile Gautier) de leur voyage en Bretagne.
Gustave Flaubert, alors âgé de vingt-six ans, et son ami entreprennent un long périple, non pas en malle-poste, mais avec sacs au dos et souliers ferrés, à travers la Bretagne, en passant par le Val de Loire, l’Anjou et la Touraine.
Comme pour l’itinérance que nous avons inaugurée avec Taine, nous nous appuierons sur leurs textes, en les illustrant des vues stéréoscopiques de nos collections. Ce récit de voyage, écrit dès leur retour en 1847, ne fut publié qu’en 1886, à titre posthume, sous le titre Par les champs et par les grèves, accompagné de plusieurs autres mélanges et fragments inédits.
Particularité : les chapitres impairs ont été écrits par Gustave Flaubert tandis que les chapitres pairs l’ont été exclusivement par Maxime Du Camp.
Le chapitre premier que nous allons suivre ici, de la plume de Gustave Flaubert par conséquent, commence en Val de Loire, itinéraire que nos écrivains voyageurs avaient choisi pour aller de Rouen, domicile de Flaubert, ou de Paris, domicile de Maxime du Camp.
Ils inaugurent leur périple par la visite de trois châteaux. En cette première moitié du XIXe siècle, rappelons qu’il n’existe pas d’accueil touristique dans les propriétés historiques comme celles-ci : les voyageurs se font ouvrir (peut-être, ici, après avoir averti par un courrier) et les visites sont à la diligence des propriétaires ou des gardiens. Par conséquent, si l’intérêt pour ces joyaux du patrimoine est déjà très moderne, l’organisation touristique, quant à elle, est encore à peine balbutiante.
On s’appuiera naturellement, pour illustrer cet épisode sur les vues disponibles dans la Stéréothèque au sein des collections Magendie, SAB, ou éventuellement Jean-Pierre Lassère.
Première halte : le château de Chambord…
Nos auteurs y font étape, certes, mais s’y attardent peu : il faut dire qu’alors, en plein milieu du XIXe siècle, le château est vide et presque à l’abandon… En pleine époque de redécouverte du patrimoine, cette visite laisse donc à nos écrivains voyageurs une désespérante impression de laisser aller… On commence à peine, semble-t-il, à y entreprendre les premiers et bien timides travaux de restauration.
« Nous nous sommes promenés le long des galeries vides et par les chambres abandonnées où l’araignée étend sa toile sur les salamandres de François 1er. Un sentiment navrant vous prend à cette misère qui n’a rien de beau. Ce n’est pas la ruine de partout, avec le luxe de ses débris noirs et verdâtres, la broderie de ses fleurs coquettes et ses draperies de verdures ondulantes au vent, comme des lambeaux de damas. C’est une misère honteuse qui brosse son habit râpé et fait la décente. On répare le parquet dans cette pièce, on le laisse pourrir dans cette autre. Il y a là un effort inutile à conserver ce qui meurt et à rappeler ce qui a fui… »
« On dirait que tout a voulu contribuer à lui jeter l’outrage à ce pauvre Chambord, que le Primatice avait dessiné, que Germain Pilon et Jean Cousin avaient ciselé et sculpté. Élevé par François 1er, à son retour d’Espagne, après l’humiliant traité de Madrid (1526), monument de l’orgueil qui veut s’étourdir, pour se payer de ses défaites… On l’a donné au Maréchal de Saxe ; on l’a donné aux Polignac, on l’a donné à un simple soldat, à Berthier ; on l’a racheté par souscription et on l’a donné au duc de Bordeaux. On l’a donné à tout le monde, comme si personne n’en voulait ou ne voulait le garder. Il a l’air de n’avoir jamais presque servi et avoir été toujours trop grand. C’est comme une hôtellerie abandonnée où les voyageurs n’ont pas même laissé leurs noms aux murs. »
« En allant par une galerie extérieure vers l’escalier d’Orléans, pour examiner les cariatides qui sont censées représenter François 1er […], tournant autour de la fameuse lanterne qui termine le grand escalier, nous avons, à plusieurs reprises, passé la tête à travers la balustrade, pour regarder en bas : dans la cour, un petit ânon qui tétait sa mère, se frottait contre elle, secouait ses oreilles, allongeait son nez, sautait sur ses sabots. Voilà ce qu’il y avait dans la cour d’honneur du château de Chambord ; voilà ses hôtes maintenant… ! »
Deuxième halte : le château d’Amboise…
Ce second château a l’heur de plaire davantage à nos auteurs. Contrairement au monument précédent, le château d’Amboise a connu d’importantes modifications de façade au cours du XIXe siècle. Les deux vues stéréos présentées ci-dessous, bien que postérieures à ce voyage de quinze à trente ans, présentent l’intérêt d’être encore dans l’état où nos voyageurs ont vu le bâtiment. Lors de leur visite, le château vient juste d’être classé à l’inventaire des monuments historiques (1840). Il a été restitué à la famille d’Orléans en 1814, et appartient, à la date de cette visite, au roi Louis-Philippe lui-même, ardent défenseur du patrimoine français. Après une nouvelle période de confiscation suite à la révolution de 1848, il ne sera définitivement restitué à la famille d’Orléans (à laquelle il appartient toujours, à travers la Fondation Saint-Louis) qu’en 1873. La famille royale fait alors procéder à de profondes restaurations qui s’accompagnent de remaniements, comme cela se faisait alors. C’est ainsi que la surélévation qui apparaît en haut à droite de la façade cèdera sa place à deux chiens-assis copiés de ceux de gauche, et que la galerie circulaire qui coiffe la grande tour des Minimes, à gauche de la façade (clairement visible sur la vue Mag1219), sera supprimée au profit d’un second étage de tour, en prolongement de son corps principal.
Cette galerie circulaire vitrée qui coiffe alors la tour de façade provoque les railleries de Gustave Flaubert : « …on [y] a construit, en dépit du bon sens le plus vulgaire, une rotonde vitrée, qui sert de salle à manger. Il est vrai que la vue qu’on y découvre est superbe. Mais le bâtiment est d’un si choquant effet, vu de dehors, qu’on aimerait mieux, je crois, ne rien voir de la vie ou aller manger à la cuisine… »
Malgré cette remarque, le reste de la façade fascine nos visiteurs : la tour qu’il dit admirer à ce stade n’est certainement pas celle qu’il vient de dénigrer explicitement. Il doit donc s’agir de la petite tour étroite, immédiatement accolée au corps de logis de la façade, implantée à droite de la grosse tour défigurée par sa rotonde qui n’intéresse pas nos voyageurs.
« Nous avons passé un grand quart d’heure à admirer la tour de gauche qui est superbe, qui est bistrée, jaune par places, noire de suie dans d’autres, qui a des ravenelles adorables appendues à ses créneaux et qui est, enfin, un de ces monuments parlants qui semblent vivre et qui vous tiennent tout béants et rêveurs sous leurs regards, ainsi que ces portraits dont on n’a pas connu les originaux et qu’on se met à aimer sans savoir pourquoi. »
On monte au château par une pente douce qui mène au jardin élevé en terrasse, d’où la vue s’étend en plein sur toute la campagne d’alentour. »
La pente douce évoquée ici occupe la tour des Minimes ; c’est un des exemples les plus célèbres de rampe cavalière qui permettait d’accéder à la terrasse arrière du château sans descendre de cheval, voire d’y monter avec une voiture à cheval suffisamment étroite.
À la date de cette visite, bien que restitué à la famille d’Orléans, le château a semble-t-il conservé l’essentiel de son ameublement Empire, hérité de ses occupants précédents, qui n’a pas les faveurs de notre auteur, et suscite à nouveau des remarques cinglantes de sa part !
« À l’intérieur du château, l’insipide ameublement de l’empire se reproduit dans chaque pièce. Presque toutes sont ornées des bustes de Louis-Philippe et de Mme Adélaïde [sa mère]. La famille régnante actuelle a la rage de se reproduire en portraits. C’est un mauvais goût de parvenu, une manie d’épicier enrichi dans les affaires et qui aime à se considérer lui-même avec du rouge, du blanc et du jaune, avec ses breloques au ventre, ses favoris au menton et ses enfants à ses côtés… »
« Le château d’Amboise, dominant toute la ville qui semble jetée à ses pieds comme un tas de petits cailloux au bas d’un rocher, a une noble et imposante figure de château-fort, avec ses grandes et grosses tours percées de longues fenêtres étroites, à plein cintre ; sa galerie arcade qui va de l’une à l’autre, et la couleur fauve de ses murs rendue plus sombre par les fleurs qui pendent d’en haut, comme un panache joyeux sur le front bronzé d’un vieux soudard. »
« La Loire coulait au milieu, baignant ses îles, mouillant la bordure des près, faisant tourner les moulins, et laissant glisser sur sa sinuosité argentée les grands bateaux attachés ensembles qui cheminaient, paisibles, côte à côte, à demi endormis au craquement lent du large gouvernail, et, au fond il y avait deux grandes voiles éclatantes de blancheur au soleil. »
La chapelle Saint-Hubert du château
« Dans le jardin au milieu des lilas et des touffes d’arbustes qui retombent dans les allées, s’élève la chapelle, ouvrage du XVIe siècle, ciselée sur tous les angles, vrai bijou d’orfèvrerie lapidaire, plus travaillée encore au-dedans qu’au dehors, découpée comme un papier de boîtes à dragées, taillée à jour comme un manche d’ombrelle chinoise. »
« Il y a sur la porte un bas-relief très réjouissant et très gentil ; c’est la rencontre de Saint-Hubert avec le cerf mystique qui porte un crucifix entre les cornes. Le saint est à genoux ; plane au-dessus un ange qui va lui remettre une couronne sur son bonnet ; à côté on voit son cheval qui regarde de sa bonne figure d’animal étonné ; ses chiens jappent, et, sur la montagne dont les tranches et les facettes figurent des cristaux, le serpent rampe. On voit sa tête plate s’avancer au pied d’arbres sans feuilles qui ressemblent à des choux fleurs. […] Tout près de là, saint Christophe porte Jésus sur ses épaules ; saint Antoine est dans sa cellule, bâtie sur un rocher ; le cochon rentre dans son trou et on ne voit que son derrière et sa queue terminée en trompette, tandis que près de lui un lapin sort les oreilles de son terrier. Tout cela est un peu lourd sans doute, et d’une plastique qui n’est pas rigoureuse. Mais il y a tant de vie et de mouvement dans ce bonhomme et ses animaux, tant de gentillesse dans les détails, qu’on donnerait beaucoup pour emporter çà et pour l’avoir chez soi. »
Troisième halte : le château de Chenonceau…
Au moment où nos auteurs visitent Chenonceau, il est propriété de François Vallet de Villeneuve, aristocrate rallié à Napoléon 1er qui l’a en conséquence fait comte d’Empire. Après la chute de l’Empire, l’aristocrate et son épouse s’y sont retirés, et y mènent une vie de gentilshommes d’une grande simplicité qui séduit Flaubert, comme il séduira quelques années plus tard Georges Sand, qui écrit en décembre 1845 : « Chenonceau est une merveille. L’intérieur en est arrangé à l’antique avec beaucoup d’art et d’élégance. On y jette toujours son pot de chambre par la fenêtre, ce qui fait le bonheur de [mon fils] Maurice ! »
Malgré un avis défavorable de la commission de classement des monuments historiques, au motif que le monument était propriété privée, il est finalement inscrit sur la liste dès 1840.
« Je ne sais quoi d’une suavité singulière et d’une aristocratique sérénité transpire du château de Chenonceau. Il est à quelque distance du village qui se tient à l’écart respectueusement. On le voit, au fond d’une grande allée d’arbres, entourée de bois, encadré dans un vaste parc à belles pelouses. Bâti sur l’eau, en l’air, il lève ses tourelles, ses cheminées carrées. Le Cher passe dessous, et murmure au bas de ses arches dont les arêtes pointues brisent le courant. C’est paisible et doux, élégant et robuste. Son calme n’a rien d’ennuyeux et sa mélancolie n’a pas d’amertume. »
Le comte René de Villeneuve meurt au château le 12 février 1863. Le domaine revient à ses deux enfants, la marquise de La Roche-Aymon et Septime de Villeneuve, qui ne conserveront pas la dispendieuse demeure, et la mettent en vente en avril 1864.
Il est acquis par Mme Pelouze, riche héritière d’un industriel écossais, Daniel Wilson. Elle entreprend alors, de 1865 à 1878, la « restauration » du château et de son domaine pour une somme estimée à plus d’un million et demi de francs-or. La nouvelle propriétaire fait appel à l’architecte Félix Roguet, disciple de Viollet-le-Duc, pour diriger le pharaonique projet. Les transformations sont difficiles à apercevoir sur les photos dont nous disposons, qui semblent toutefois postérieures à ces interventions.
« On entre par le bout d’une longue salle voûtée en ogives qui servait autrefois de salle d’armes. On y a mis quelques armures qui, malgré la nécessité de semblables ajustements, ne choquent pas et semblent à leur place. » Cette salle est désormais appelée le Vestibule.
« Tout l’intérieur est entendu avec goût. Les tentures et les ameublements de l’époque sont conservés et soignés avec intelligence. Les grandes et vénérables cheminées du XVIe siècle ne recèlent pas, sous leur manteau, les ignobles et économiques cheminées à la prussienne qui savent se nicher sous de moins grandes. »
« Dans les cuisines que nous visitâmes également, et qui sont contenues dans une arche du château, une servante épluchait les légumes, un marmiton lavait les assiettes, et debout aux fourneaux, le cuisinier faisait bouillir pour le déjeuner un nombre raisonnable de casseroles luisantes. Tout cela est bien, a un bon air, sent son honnête vie de château, sa paresseuse et intelligente existence d’homme bien né. J’aime les propriétaires de Chenonceau…. »
Il est fréquent que les auteurs du XIXe siècle laissent courir leur imagination dans l’univers des siècles passés. Mais ici, ce sont mêmes des pensées plus coquines qui effleurent notre auteur, qui se verrait bien échanger sa place – excusez du peu – avec… François 1er !
« En fait de choses amusantes, il y a encore à Chenonceau, dans la chambre de Diane de Poitiers, le grand lit à baldaquin de la royale concubine, tout en damas blanc et cerise. S’il m’appartenait, j’aurais bien du mal à m’empêcher de ne pas m’y mettre quelquefois. Coucher dans le lit de Diane de Poitiers, même quand il est vide, cela vaut bien coucher dans celui de réalités plus palpables. N’a-t-on pas dit qu’en ces matières tout le plaisir n’était qu’imagination ? Concevez-vous alors, pour ceux qui en ont quelque peu, la volupté singulière, historique et XVIe siècle de poser sa tête sur l’oreiller de la maîtresse de François 1er et de se retourner sur ses matelas ? »
Nous conclurons cette étape sur ce fantasme littéraire… Pour leur prochaine étape, nos auteurs feront halte au château de Clisson en Loire-Atlantique, déjà sur le territoire de la Bretagne historique.
Christian Bernadat
Bibliographie
Par les champs et par les grèves (voyage en Bretagne) par Gustave Flaubert [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k102053k/f308.item]
Pour démarrer cette nouvelle année et en lien avec une certaine tradition, nous vous proposons une couronne… de fleurs !
Le solstice est passé, les jours ont commencé à rallonger… En attendant de tresser nos propres couronnes de fleurs, nous pouvons réfléchir à leur composition, au coin du feu !
En outre, cette vue se compose de photographies sur carton bien particulières : il s’agit ici de ce que l’on nomme généralement une vue illuminée. Dans ce type de production, de petits trous d’épingles viennent illuminer la vue, comme ici le vêtement et la couronne de fleurs de la jeune fille.
Pour en voir l’effet sur la Stéréothèque, cliquez sur l’image ci-dessous puis bouton à droite de la vue :
Sixième épisode : nouvelles excursions aux Eaux-Chaudes et à Gabas, à Aas et à Laruns
Cliquer sur les vues stéréoscopiques afin de les afficher sur la Stéréothèque avec leur notice et parfois leur anaglyphe (rouge et bleu).
Rappel des cinq premiers épisodes
Hippolyte Taine est un des plus tardifs à réaliser son Voyage aux Pyrénées, en 1855, dans le but de suivre une cure thermale, soin alors très prisé dans la bonne société parisienne. Pour cela, à seulement 27 ans, il prend une sorte de « congé sabbatique ». Après Bordeaux, Royan, Bayonne, Biarritz, Saint-Jean-de Luz, Orthez et Pau, notre écrivain voyageur arrive enfin aux Eaux-Bonnes dans la vallée d’Ossau, objectif de son voyage thermal : il nous y fait une description minutieuse de la vie de curiste. Pour ce nouvel épisode, nous allons le suivre dans ses excursions aux environs des Eaux-Bonnes : aux Eaux-Chaudes, ville thermale voisine à huit kilomètres à l’ouest de son lieu de séjour, dans la vallée du gave d’Ossau ainsi qu’au village de Gabas en direction du col du Pourtalet, ensuite au village d’Aas au nord des Eaux-Bonnes, enfin à Laruns.
Comme précédemment, on s’appuiera pour illustrer cet épisode sur les nombreuses vues disponibles dans la Stéréothèque au sein des collections Magendie et de la Médiathèque de Pau, la plupart du temps issues des séries de vues sur le thème du Voyage aux Pyrénées.
Sur la route des Eaux-Chaudes…
« Au nord de la vallée d’Ossau est une fente ; c’est le chemin des Eaux-Chaudes. Pour l’ouvrir, on a fait sauter tout un pan de montagne ; le vent s’engouffre dans le froid défilé ; l’entaille perpendiculaire, d’une noire couleur ferrugineuse, dresse sa masse formidable comme pour écraser le passant ; sur la muraille des roches qui fait face, des arbres tortueux se penchent en étages, et leurs panaches clairsemés flottent bizarrement entre les saillies rougeâtres. La route surplombe le Gave, qui tournoie à cinq cents pieds plus bas. C’est lui qui a creusé cette prodigieuse rainure ; il s’y est repris à plusieurs fois et pendant des siècles ; deux étages de niches énormes arrondies marquent l’abaissement de son lit et les âges de son labeur ; le jour paraît s’assombrir, quand on entre ; on ne voit plus sur sa tête qu’une bande de ciel. »
« Entre deux tours cannelées de granit, s’allonge le petit village des Eaux-Chaudes. Qui songe ici à ce village ? Toute pensée est prise par les montagnes. La chaîne orientale, subitement tranchée, descend à pic comme le mur d’une citadelle ; au sommet, à mille pieds de la route, des esplanades développent leurs forêts et leurs prairies, couronne verte et humide, d’où, par centaines suintent les cascades. Elles serpentent éparpillées, floconneuses, comme des colliers de perles égrenées, sur la poitrine des montagnes, baignant les pieds des chênes, noyant les blocs de leur tempête, puis viennent s’éteindre dans les longues couches où le roc uni les endort. »
Le village de Gabas
Gabas est le dernier village en direction du col du Pourtalet, à dix kilomètres au-delà des Eaux-Chaudes, mais encore à quinze kilomètres de la frontière espagnole. C’est là qu’était installé le bâtiment de la Douane, ainsi qu’un Lazaret dans lequel, sous l’ancien Régime, on mettait en quarantaine les voyageurs en provenance d’Espagne.
« Gabas est un hameau dans une maigre plaine. Le torrent y gronde sous des glaciers, parmi des troncs brisés ; il descend engouffré (sic) de l’escarpement entre des colonnades de pins, habitants muets de la gorge. Ce silence et cette roide attitude font contraste avec les sauts désespérés de l’eau neigeuse. Il y fait froid, tout y est triste… »
« … seulement, à l’horizon, on aperçoit le pic du Midi, splendide, qui lève ses deux pieux ébréchés, d’un gris fauve, au milieu du jour serein. »
Le Pic du Midi dont nous parle Taine est le Pic du Midi d’Ossau (2 884 m), à ne pas confondre avec le Pic du Midi de Bigorre bien plus connu.
Fête au village d’Aas
Taine est de retour aux Eaux-Bonnes. Il nous emmène maintenant assister à une fête au village d’Aas, à quelques kilomètres au nord de son séjour thermal.
« Le 8 août, dès neuf heures du matin, on entendait à une demi-lieue des Eaux-Bonnes le son aigu d’un flageolet, et les baigneurs [les curistes] se mettaient en marche pour Aas. On y va par un chemin étroit et taillé dans la montagne Verte, sur lequel se penchent des tiges de lavande et des bouquets de fleurs sauvages. »
Ce que nous décrit Taine est la fête de la Saint-Laurent qui se déroulait à Aas traditionnellement autour du 10 août. Des témoignages d’anciens confirment que, sur leur petite place, les Ossalois se mélangeaient aux curistes étrangers des Eaux-Bonnes pour qui la fête de Saint-Laurent était une distraction.
« Nous entrâmes dans une rue large de six pieds : c’est la grande rue. Des enfants en bonnet écarlate, étonnés de leur magnificence, se tenaient roides sur les portes et nous regardaient avec une admiration muette. La place publique est auprès du lavoir, grande comme une petite chambre : c’est là qu’on danse. On y avait posé deux tonneaux, sur les tonneaux deux planches, sur les planches deux chaises, sur les chaises deux musiciens, le tout surmonté de deux beaux parapluies bleus faisant parasols ; car le soleil était de plomb, et il n’y avait pas un arbre. »
« Sous le toit du lavoir, de vieilles femmes appuyées aux piliers causaient en groupes […]. Au-dessus de l’esplanade, sur des pointes de roc qui faisaient gradins, les femmes regardaient la danse, en costume de fête : grand capuchon écarlate, corsage brodé, argenté, à fleurs de soie violette ; châle jaune, à franges pendantes ; jupe noire plissée, serrée au corps ; guêtres de laine blanche. Ces fortes couleurs, le rouge prodigué, les reflets de la soie sous une lumière éblouissante, mettaient la joie au cœur. »
« Autour des deux tonneaux tournoyait une ronde d’un mouvement souple, cadencé, sur un air monotone et bizarre, terminé par une fausse note, aigüe, d’un effet saisissant. Un jeune homme en veste de laine, en culotte courte, conduisait la bande ; les jeunes filles allaient gravement, sans parler ni rire ; leurs petites sœurs, au bout de la file, essayaient le pas à grand-peine, et la rangée de capulets de pourpre ondulait lentement comme une couronne de pivoines. De temps en temps le chef de la danse bondissait brusquement avec un cri sauvage, et l’on se rappelait qu’on était dans la patrie des ours, en plein pays de montagnes. »
« Ces gens sont poètes. Pour avoir inventé ces habits, il faut qu’ils aient été amoureux de la lumière. Jamais le soleil du Nord n’eût inspiré cette fête de couleurs ; leur costume est en harmonie avec leur ciel. […] Le soleil anime l’éclat de ces habits, et, dans cette splendeur dorée, toutes les laideurs disparaissent. »
« Avez-vous senti cette expression originale et sauvage ? Comme elle convient au paysage ! Cet air n’a pu naître que dans les montagnes : le froufrou du tambourin est comme la voix traînante du vent lorsqu’il longe les vallées étroites ; le son aigu du flageolet est comme le sifflement de la brise quand on l’écoute sur les cimes dépouillées ; la note finale est un cri d’épervier qui plane ; les bruits de la montagne se reconnaissent encore, à peine transformés par le rythme de la chanson. La danse est aussi primitive, aussi naturelle, aussi convenable au pays que la musique : ils vont la main dans la main, tournant en rond. […] »
« Ce saut, qui vous semble étrange, est une de leurs habitudes, partant un de leurs plaisirs. Pour composer une fête, ils ont choisi ce qu’ils ont trouvé d’agréable dans les habitudes de leurs yeux, de leurs oreilles et de leurs jambes. N’est-ce pas la fête la plus nationale, la plus vraie, la plus harmonieuse, et, partant, la plus belle qu’on puisse imaginer. »
Fête religieuse au bourg de Laruns
Laruns est un gros bourg, en contrebas de la vallée d’Ossau. Taine nous y conduit maintenant, certainement à l’occasion de la fête mariale du 15 août, très suivie dans le Sud-Ouest, avec ses deux facettes, profane et religieuse.
Manifestement, notre écrivain n’y vient pas par religiosité : pour lui, comme semble-t-il, pour beaucoup de curistes de l’époque, cette fête est déjà une attraction qui attise la curiosité des voyageurs. Il s’abandonne alors à une peinture pittoresque et incisive du spectacle, dans l’esprit des Caractères de La Bruyère ou des Lettres Persanes de Montesquieu…
« Laruns est un bourg. Au lieu d’un tonneau, il y avait quatre fois deux tonneaux et autant de musiciens, qui jouaient tous ensemble et chacun un endroit différent du même air. Excepté ce charivari et plusieurs magnifiques culottes de velours, la fête était la même que celle d’Aas. Ce qu’on va voir, c’est la procession. »
« On assiste d’abord aux vêpres : les femmes dans la nef sombre de l’église, les hommes dans une galerie au premier étage, les petits garçons dans une deuxième galerie plus haute, sous l’œil d’un maître d’école renfrogné. Les jeunes filles, agenouillées contre la grille du chœur, disaient des Ave Maria auxquels répondait la voix grave de l’assistance ; leurs voix nettes et métalliques formaient un joli contraste avec le bourdonnement sourd des répons retentissants. De vieux loups de montagne arrivés de dix lieues s’agenouillaient lourdement et faisaient crier le bois noirci de la balustrade. »
« Une demi-clarté tombait sur la foule pressée et assombrissait l’expression de ces figures énergiques. On se fût cru au XVIe siècle. Cependant les petites cloches joyeuses babillaient de leurs voix grêles et faisaient le plus de bruit possible, comme une juchée de poules au haut du clocher blanc. »
« Au bout d’une heure, la procession s’ordonna fort artistement et sortit. La première partie du cortège était amusante : deux files de petits polissons en veste rouge, les mains jointes sur le ventre pour y tenir leur livre, faisaient effort pour se donner un air de componction, et regardaient en dessous d’une façon comique. Cette bande de singes habillés était menée par un brave prêtre, dont les rabats plissés, les manchettes et les dentelles pendantes battaient et flottaient comme des ailes. Puis un suisse piteux, en habit de douanier sale ; puis un beau maire en uniforme, l’épée au côté ; puis deux longs séminaristes, deux petits prêtres rebondis, une bannière de la Vierge, enfin tous les douaniers et tous les gendarmes du pays ; bref, tous les acteurs de la civilisation. La barbarie était plus belle : c’était la procession des hommes et des femmes qui, un petit cierge à la main, défilèrent pendant trois quarts d’heure.
J’ai vu là des figures comme celle d’Henri IV, avec l’expression sévère et intelligente, l’air sérieux et fier, les grands traits de ses contemporains. Il y avait surtout de vieux pâtres en houppelandes rousses de poils feutrés, le front traversé, non de rides, mais de sillons, bronzés et brûlés du soleil, le regard farouche comme celui d’une bête fauve, dignes d’avoir vécu au temps de Charlemagne. Certainement, ceux qui défirent Roland n’avaient pas une physionomie plus sauvage.
Enfin, parurent cinq ou six vieilles femmes telles que je n’en aurais jamais imaginé : une cape de laine blanche les enveloppait comme une couverture ; on ne voyait que leur face noirâtre, leurs yeux de louve enfoncés et féroces, leurs lèvres marmottantes, qui semblaient dire le grimoire. On pensait involontairement aux sorcières de Macbeth ; l’esprit était transporté à cent lieues des villes, dans les gorges désertes, sous les glaciers perdus où les pâtres passent des mois entiers dans les neiges d’hiver, auprès des ours qui hurlent, sans entendre une parole humaine, sans autre compagnon que les pics décharnés et les sapins mornes. Ils ont pris à la solitude quelque chose de son aspect. »
* * *
Taine termine son chapitre en dissertant de manière un peu tortueuse ; en particulier, il fustige gentiment le penchant des Béarnais à la mendicité polie :
« Le désintéressement n’est pas une vertu de montagne. Dans un pays pauvre, le premier besoin est le besoin d’argent. On dispute pour savoir s’ils considèrent les étrangers comme une proie ou comme une récolte ; les deux opinions sont vraies : c’est une proie qui chaque année donne une récolte. Voici un détail bien petit, mais capable de montrer avec quelle dextérité et quelle passion ils tondent un œuf.
« Les mendiants pullulent. Je n’ai jamais rencontré un enfant qui ne me demandât l’aumône ; tous les habitants font ce métier, de quatre à quinze ans. Personne n’en a honte. Vous regardez de toutes petites filles, qui marchent à peine, assises au pas de leur porte et occupées à manger une pomme : elles viennent en trébuchant vous tendre la main. »
« Vous trouvez dans une vallée un jeune pâtre auprès de ses vaches ; il s’approche et vous demande quelque petite chose. Une grande fille passe avec un fagot sur la tête ; elle s’arrête et vous demande quelque petite chose. Un paysan travaille au chemin. « Je fais une belle route, dit-il ; donnez-moi quelque petite chose. »
« Une bande de polissons jouent au bout d’une promenade ; dès qu’ils vous voient, ils se prennent par la main, commencent la danse du pays ; et finissent par quêter quelque petite chose. »
« Il en est ainsi dans toutes les Pyrénées… ». C’est sur ce constat que Taine termine son chapitre.
Pour sa prochaine étape, notre auteur nous conduira dans la vallée de Luz (aujourd’hui Luz-Saint-Sauveur), bien plus à l’est, au pied du cirque de Gavarnie.
Aujourd’hui, petit tour dans l’arrondissement de Pau pour saluer nos partenaires de la médiathèque de Pau dont le fonds est présenté sur le Stéréopôle ici.
Le lieu a en outre été identifié grâce à l’indexation collaborative par Filippo Gropallo, merci à lui ! Cette plaque de verre de 1929 présente une vue du Préventorium Le Nid Béarnais, sur les coteaux de Jurançon en face de Pau. Fondé par l’Union des femmes de France (comité de Pau) en 1924, il recevait jusqu’à 133 enfants atteints de tuberculose.
Click on the stereoscopic views to display them on the Stereo Library with their instructions and sometimes their anaglyph (red and blue).
The annual commemoration of the armistice of 1918 is an opportunity to look at a new remarkable example of the photographic documentation preserved within the Stereo library: the Cestas,Dezarnaulds and Valletta view collections include eight remarkable and rare views that allow us to highlight the three models of the first tanks designed by French engineers, a privileged opportunity to recall the revolutionary appearance of this modern means of "making war", even if one can only deplore, of course, the deployment of so much human ingenuity for an invention with effects that can be dramatic.
During this first world war, in 1916, the Allied General Staff sought new means to try to get out of the war of position and finally take a decisive advantage over the enemy.
The first tank was British
Just a few months after the outbreak of the First World War, in October 1914, a British Army tactician, Colonel Swinton, returned from a visit to the front convinced that the combination of trench warfare and machine gun warfare required an armed, armoured and tracked vehicle. After some procrastination, this project landed on the desk of Winston Churchill who understood the interest and formed a committee for the study of prototypes called "lands chips". Swinton renamed them "tanks" to make it appear that the United Kingdom was producing self-propelled water tanks destined for Mesopotamia…
Within the British Army, General Haig was particularly eager to gain ground during the Battle of the Somme. He wanted to have the first 50 machines available.
These were the Mark I tanks with their rhomboid shape, designed to cross a trench almost 4 m wide and an obstacle more than 1 m high. However, once they crossed the trench, they had to turn and walk along the trench to strafe it laterally, hence the arrangement of the machine guns on the sides of the body.
It was 8 m long and 4 m wide, weighed nearly 30 tons; his top speed was barely higher than that of a man in step.
The crew consisted of eight men, two of whom were responsible for maneuvering each track. Its range did not exceed 40 km and the tracks had to be replaced almost every 80 km!
On September 15, 1916, when these tanks appeared on the front near Flers, they caused general surprise in the German ranks and a little dread. Yet, during this battle, they did not bring anything decisive about the outcome of the fighting, and their disappointing performance only increased the contempt of the conservative officers.
Swinton was dismissed as head of british armoured units. After the Somme, the Ministry of War tried to cancel an order for 1,000 new tanks, and when some of them silted up in the Passchendaele marshes (northeast of Ypres in Belgium), production was reduced from 4,000 to 1,300 tanks. "Instead of questioning its own judgment," commented British military historian Sir Basil Liddell Hart, "the British General Staff gradually lost all confidence in the tanks.»
During this war, it is not only the armaments that evolve strongly: public opinion is eager for information and the newspapers regularly inform them. Thus, the weekly L'Illustration devotes each week most of its delivery to news from the front and military innovations: very quickly, the news spread from the commitment to the front of this spectacular innovation. Fifteen days after the first appearance of this machine both diabolical and revolutionary, the publication had planned to provide its readers with a first "engraving" of the machine.
However, the weekly is prevented from doing so by military censorship; He explains this in his issue of October 30, 1916: "The photograph of the tanks cannot be published for some time: at present, it would interest German military engineers even more than the British or French public.Instead, she published an excerpt from a chapter by English science fiction author H.G. Wells, who a few years earlier had described with disturbing anticipation what he called "earth battleships."
It was not until December 2, 1916, two and a half months after the first engagements of the infernal machine, that the Illustration was authorized to publish a first photo (flattering and impressive) of the craft.
At the same time, the French are also active on this concept
At the beginning of 1916, the Schneider company and the Forges et Aciéries de la Marine et d'Homécourt (a military arsenal) were commissioned to develop together a common prototype. But Schneider's chief engineer rejected this prototype and favored a new plan, with a body that would make a lighter vehicle possible. Schneider refused to share the patent associated with this new design and the Forges de Saint-Chamond did not want to pay Schneider any rights. Thus, the two companies will work on two different vehicles.
On each side, when the ideal machine was finally developed, production began. The idea was to use these tanks en masse to provoke a military coup.
Thus, barely six months after the presentation of the first British tank during the Battle of the Somme, the French presented in April 1917 two fairly similar machines: the Schneider CA1 tank and the Saint-Chamond tank. The Saint-Chamond and Schneider companies each received an order from the French Army for four hundred copies.
The Schneider CA 1 tank:
The large Schneider CA1 tank responded to the request of the French General Staff to open passages for infantry through barbed wire networks and to destroy the nests of enemy machine guns. Developed from January 1915 under the impetus of Colonel Estienne, the prototype, designed by the engineer Eugène Brillé, was presented to the President of the Republic Raymond Poincaré by the Schneider Company on June 16, 1915.
400 units were ordered from SOMUA, a subsidiary of Schneider, at the same time as an order of the same number of the competing armored vehicle developed by the Forges de Saint-Chamond. Its crew consists of a driver and five servants; it carries a short 75 mm BS (Schneider Blockhouse) gun mounted at the front right and two side Hotchkiss machine guns, protected by hemispherical shields. The front has a bow with a steel rail (clearly visible in the view above) that allows to shear and crush the barbed wire networks, and which can also facilitate the crossing of trenches.
These tanks were painfully brought to the site for the great offensive of the Chemin des Dames on April 16, 1917,where they fought for the first time. Craonnelle is one of the communes of the Aisne concerned by the battle, during the offensive launched by General Nivelle between April 16 and October 24, 1917. The VAL115 view above is therefore taken during this offensive, in the configuration corresponding to the specifications of the armored vehicle, namely to open the way to the infantrymen.
But the French had a painful experience: at the end of this first engagement, more than half of the tanks were destroyed by the opposing artillery. Of the 132 Schneider tanks engaged, 35 were burned and 17 immobilized by German artillery, 18 had mechanical or field failures. However, it was used continuously until the Armistice of 1918.
The impression they made on the enemy, however, could be enormous; On May 5, 1917, Spindler,a German journalist, noted in his diary what a German officer had said to one of his friends: "Tanks! Their appearance alone is already terrifying. Like antediluvian monsters, they crawl towards you; neither the barbed wire networks nor the trenches delay their course. But, it is especially at dawn, when they emerge from the fog, that they freeze you with terror…»
The habitability of the tank is very narrow for a crew of six men; its ventilation capabilities as well as the poor field of vision it offers to the crew make it painful to use. Finally, its initial side armor is too weak (vulnerable to German steel-core "K" bullets) and its fuel tank initially placed at the front makes it very vulnerable.
In subsequent versions, the fuel tank will be moved to the rear and its body will be equipped with a 5.5 mm overarbody. On the other hand, the Schneider engine, gearboxes and tracks are relatively reliable: as a result, the machine will remain in service after the First World War, especially in the Spanish army during the Rif War and until the siege of the Alcazar of Toledo where the last Spanish copies disappeared.
The Saint-Chamond tank:
The Compagnie des Forges et Aciéries de la Marine et d'Homécourt (FAMH) presents to the Ministry of War, in its factory in Saint-Chamond in the Loire, a prototype that is more efficient than the Schneider, because armed with a 75 mm gun and four machine guns. Relying on the relations of one of its technical directors, Colonel Emile Rimailho, co-inventor of the 75 mm gun, model 1897, the Forges de Saint-Chamond had the Ministry accept the assembly of such a gun on their tank. The result is a longer and heavier tank than the Schneider tank, with an elongated combat compartment, protruding the track train at both the front and rear. In addition to the 75 gun on the front, it was equipped with a rostrum to smash the frieze horses and four machine guns, one on each side (on the front, rear and both sides).
The first prototype of the Saint-Chamond tank was presented to the Army and approved in September 1916. The first factory exits date from April 1917. Four hundred copies will be produced and delivered to the Army.
This tank is capable of a better top speed on flat ground, thanks to its more powerful Panhard and Levassor engine without valves and thanks to the use of an electric transmission "Crochat-Colardeau" (used before the war on railway railcars) which makes possible a relatively smooth and fast ride on flat ground. Unfortunately these technical advantages are only valid on the road and it proves to be quite ineffective on terrain upset by trenches and artillery impacts. But, the main weakness of the Saint-Chamond tank is its much too short track train, subject to frequent derailments.
During their first field trips, the silhouette of these machines frightened the enemy soldiers. But they proved to be ineffective on the offensive. However, in 1918, during the resumption of the war of movement in the open field, its 75 mm gun was used to attack the opposing field artillery from a distance. On May 26, 1917, L'Illustration was able to publish a first complete report, with many photos on the engagement of a column of these French tanks of commander Bossut's squadron on April 16; then, on June 2, a second report on the fight fought on May 5.
After the war, the French Army preferred to equip itself with renault light tanks that were much more maneuverable. The Saint-Chamond tanks will be disarmed fairly quickly. Only one copy has been kept in the tank museum of Saumur.
In 2017, the Association Mémoire de Poilus d'Avignon made the replica opposite, fully functional, which makes it possible to judge the size of this machine. It is currently on display at the Musée de la Grande Guerre in Meaux.
The terrible conditions of use of the tank for its crew:
A few photos allow us to imagine the appalling conditions that the poor servants of this Saint-Chamond tank had to endure inside these steel cages! These two views are primordial – and arguably rare – testimonies of the hell they had to endure.
The crew consisted of 9 people: a driver, a gunner, four machine gunners, a mechanic and two servants. In the foreground of the view above, on the left, we see the 90 horsepower Panhard and Levassor engine and, on the right, a side gunner; in the background, at the bottom, far right on the left view, the machine gunner from the front, then on the left the gunner and the lookout for his gun of 75 clearly visible, finally, on the far left, the driver, seated higher than his comrades.
On this second view, the shot is reversed compared to the previous photo and reality, because the machine gun before was on the right and therefore the cockpit on the left. Despite the insufficient brightness of the shot, we see here on the right the Panhard engine, at the bottom right the driver, his eyes fixed on a aiming instrument, holding in his left hand a "rudder" and, in the middle, the gunner next to his 75 mm piece.
This crew was installed in a total discomfort that must be imagined: the unbearable noise, heat and smell released by the engine without hood, protection or soundproofing, vibrations due to caterpillars, not to mention the impacts of enemy fire…. The men were dressed in thick leather jackets to try to protect them from possible shrapnel that could pierce the armor (not resistant to the heaviest ammunition) and the risk of fire.
Thus, on June 2, 1917, L'Illustration wrote: "During the fire, life is terrible inside a tank. The space is limited, as one might think. Machine gunners, gunners, outfitters, have just the necessary place for their service and just what they need from "looks" on the outside. They have an esprit de corps of their own, which they owe to the losses courageously suffered, to the dangers, to the certain effectiveness of their efforts…»
Renault FT tanks:
Delivered from August 1917, these light armored tanks (6.7 tons) will be more mobile and more effective than the Schneider or Saint-Chamond heavy tanks. Their crew is limited to two soldiers: a driver and a gunner. Equipped with a 360° swivel turret (a configuration then adopted by all tank builders), they were manufactured in 3,700 copies, some of which were licensed to other manufacturers such as Berliet.
The position of the tank above, crossing a fortification, is spectacular. At the rear, we can see a support piece that allowed it not to tilt from the rear. However, we can imagine the training it took for his crew not to panic during the dive after crossing the obstacle!
The license was also granted to the United States, which did not have such devices and equipped their units on the European battlefields.
After the war, it was with this light tank that the French Army preferred to equip itself.
The tactical interest of the tank finally emerges at the end of the conflict of 14-18:
Since their introduction on the scene of the conflict by the French and the British, if they made a strong impression in the German ranks, the armored tanks did not have a really decisive effect on the resolution of most of the fighting.
It was only during the Battle of Cambrai (November-December 1917), prepared by J. F. C. Fuller, chief of operations of the British Tank Corps, that the latter en masse engaged Mark IV tanks with some success, which finally revealed the power of the tanks. Fuller would become one of the theorists of armored warfare,but it took another year for Allied generals to realize that tanks had definitively supplanted the weapons, principles, and tactics of yesteryear.
At the very end of the conflict, the Germans, after having seized a few copies in battle, tried to copy these materials, but it was a fiasco. They were very late in this area, and only in 1918 managed to build and engage 20 A7V tanks, "armored boxes" that could not be maneuvered.
With the concept of tanks now commonplace, many nations designed and built new models between the two wars. During the 1920s,British tanks were the most advanced. As a result of the war and the application of the Treaty of Versailles,France andWeimar Germany were still in a precarious economic state. The conditions of peace did not allow these two countries to embark on the development of effective tanks.
Tank "Saint-Chamond", Model 1917,Center for Studies and Research of Industrial Heritage, Forges and Steelworks of the Navy and Homécourt (FAMH), (Brochure,3rd T 2014)
Cliquer sur les vues stéréoscopiques afin de les afficher sur la Stéréothèque avec leur notice et parfois leur anaglyphe (rouge et bleu).
La commémoration annuelle de l’armistice de 1918 est l’occasion de se pencher sur un nouvel exemple remarquable de la documentation photographique conservée au sein de la Stéréothèque : les collections de vues Cestas, Dezarnaulds et Valette comportent huit vues remarquables et rares qui nous permettent de mettre en lumière les trois modèles des premiers chars d’assauts conçus par les ingénieurs français, occasion privilégiée de rappeler l’apparition révolutionnaire de ce moyen moderne de « faire la guerre », même si l’on ne peut que déplorer, bien sûr, le déploiement de tant d’ingéniosité humaine pour une invention aux effets qui peuvent s’avérer dramatiques.
Au cours de ce premier conflit mondial, en 1916, l’État-major allié cherche en effet de nouveaux moyens pour tenter de sortir de la guerre de position et de prendre enfin un avantage déterminant sur l’ennemi.
Le premier char d’assaut fut britannique
À peine quelques mois après le début de la Première Guerre mondiale, dès le mois d’octobre 1914, un tacticien de la British Army, le colonel Swinton, revient d’une visite au front convaincu que la combinaison de la guerre de tranchées et de la mitrailleuse exigeait un véhicule armé, blindé et équipé de chenilles. Après quelques atermoiements, ce projet atterrit sur le bureau de Winston Churchill qui en comprend l’intérêt et constitue un comité pour l’étude de prototypes dits de « lands chips ». Swinton les rebaptise « tanks » (réservoirs) pour faire croire que le Royaume-Uni produisait des réservoirs d’eau autotractés à destination de la Mésopotamie…
Au sein de l’armée britannique, le général Haig était particulièrement impatient de gagner du terrain au cours de la bataille de la Somme. Il voulut disposer des premiers 50 engins disponibles.
Ce furent les chars Mark I avec leur forme rhomboïde, conçus pour franchir une tranchée de près de 4 m de largeur et un obstacle de plus de 1 m de haut. Toutefois, une fois franchie la tranchée, ils devaient obliquer et longer la tranchée pour la mitrailler latéralement, d’où la disposition des mitrailleuses sur les côtés de la caisse.
Il faisait 8 m de long et 4 m de large, pesait près de 30 tonnes ; sa vitesse de pointe était à peine supérieure à celle d’un homme au pas.
L’équipage comprenait huit hommes, dont deux chargés de manœuvrer chaque chenille. Son autonomie ne dépassait pas 40 km et les chenilles devaient être remplacées à peu près tous les 80 km !
Le 15 septembre 1916, lorsque ces chars apparaissent sur le front aux environs de Flers, ils provoquent la surprise générale dans les rangs allemands et un peu d’effroi. Pourtant, au cours de cette bataille, ils n’apportent rien de décisif quant à l’issue des combats, et leur performance décevante ne fait qu’accroître le mépris des officiers conservateurs.
Swinton fut démis de ses fonctions de chef des unités de blindés britanniques. Après la Somme, le ministère de la Guerre essaya d’annuler une commande de 1 000 nouveaux blindés et, quand certains d’entre eux s’envasèrent dans les marais de Passchendaele (au nord-est d’Ypres en Belgique), la production fut réduite de 4 000 à 1 300 chars. « Au lieu de mettre en doute son propre jugement, commenta l’historien militaire britannique sir Basil Liddell Hart, l’état-major britannique perdit progressivement toute confiance dans les tanks. »
Au cours de cette guerre, il n’y a pas que les armements qui évoluent fortement : les opinions publiques sont avides d’informations et les journaux les renseignent régulièrement. Ainsi, l’hebdomadaire L’Illustration consacre chaque semaine l’essentiel de sa livraison aux nouvelles du front et aux innovations militaires : très rapidement, la nouvelle se répandit de l’engagement au front de cette innovation spectaculaire. Quinze jours après la première apparition de cet engin tout à la fois diabolique et révolutionnaire, la publication avait prévu de fournir à ses lecteurs une première « gravure » de l’engin.
Or, l’hebdomadaire en est empêché par la censure militaire ; il s’en explique ainsi dans sa livraison du 30 octobre 1916 : « La photographie des tanks ne pourra pas être publiée avant quelque temps : à l’heure actuelle, elle intéresserait plus encore les ingénieurs militaires allemands que le public britannique ou français. » En lieu et place, elle publie un extrait d’un chapitre de l’auteur de science-fiction anglais H.G. Wells, qui, quelques années plus tôt, décrivait avec une anticipation troublante ce qu’il nommait des « cuirassés de terre ».
Ce n’est finalement que le 2 décembre 1916, soit deux mois et demi après les premiers engagements de la machine infernale, que l’Illustration est autorisée à publier une première photo (flatteuse et impressionnante) de l’engin.
En même temps, les français s’activent aussi sur ce concept
Au début de l’année 1916, la société Schneider et les Forges et Aciéries de la Marine et d’Homécourt (un arsenal militaire) furent chargées de développer ensemble un prototype commun. Mais, l’ingénieur en chef de Schneider rejette ce prototype et privilégie un nouveau plan, avec une caisse qui rendrait possible un véhicule plus léger. Schneider refuse de partager le brevet associé à cette nouvelle conception et les Forges de Saint-Chamond ne veulent pas payer de droit à Schneider. Ainsi, les deux entreprises vont travailler sur deux véhicules différents.
De chaque côté, quand l’engin idéal fut enfin mis au point, sa production démarra. L’idée était d’utiliser en masse ces blindés pour provoquer un coup de théâtre militaire.
C’est ainsi que, six mois à peine après la présentation du premier char d’assaut britannique au cours de la bataille de la Somme, les français présentent en avril 1917 deux engins assez voisins : le char Schneider CA1 et le char Saint-Chamond. Les sociétés Saint-Chamond et Schneider reçoivent alors chacune une commande de l’Armée française de quatre cents exemplaires.
Le char Schneider CA 1 :
Le gros char Schneider CA1 répondait à la demande de l’État-Major français pour ouvrir des passages à l’infanterie à travers les réseaux de fil de fer barbelés et pour détruire les nids de mitrailleuses ennemis. Développé à partir de janvier 1915 sous l’impulsion du colonel Estienne, le prototype, conçu par l’ingénieur Eugène Brillé, a été présenté au président de la République Raymond Poincaré par la Société Schneider le 16 juin 1915.
400 unités sont commandées à SOMUA, une filiale de Schneider, en même temps qu’une commande de même nombre de l’engin blindé concurrent développé par les Forges de Saint-Chamond. Son équipage comporte un conducteur et cinq servants ; il porte un canon court de 75 mm BS (Blockhaus Schneider) monté à l’avant droit et deux mitrailleuses Hotchkiss latérales, protégées par des boucliers hémisphériques. L’avant comporte une étrave munie d’un rail d’acier (bien visible sur la vue ci-dessus) qui permet de cisailler et d’écraser les réseaux de barbelés, et qui peut aussi faciliter le franchissement des tranchées.
Ces chars furent péniblement amenés sur place pour la grande offensive du Chemin des Dames le 16 avril 1917, où ils combattent pour la première fois. Craonnelle est une des communes de l’Aisne concernée par la bataille, au cours de l’offensive lancée par le général Nivelle entre le 16 avril et le 24 octobre 1917. La vue VAL115 ci-dessus est donc prise au cours de cette offensive, dans la configuration correspondant au cahier des charges du blindé, à savoir d’ouvrir la voie aux fantassins.
Mais, les Français y font une douloureuse expérience : à l’issue de ce premier engagement, plus de la moitié des chars sont détruits par l’artillerie adverse. Sur 132 chars Schneider engagés, 35 furent brûlés et 17 immobilisés par l’artillerie allemande, 18 eurent des pannes mécaniques ou de terrain. Il sera pourtant utilisé sans discontinuer jusqu’à l’Armistice de 1918.
L’impression qu’ils provoquaient sur l’ennemi pouvait cependant être énorme ; le 5 mai 1917, Spindler, un journaliste allemand, note dans son journal ce qu’un officier allemand a dit à un de ses amis : « Les tanks ! Leur aspect seul est déjà terrifiant. Tels des monstres antédiluviens, ils rampent vers vous ; ni les réseaux barbelés ni les tranchées ne retardent leur course. Mais, c’est surtout à l’aube, quand ils émergent du brouillard, qu’ils vous glacent d’épouvante… »
L’habitabilité du char est très étroite pour un équipage de six hommes ; ses capacités de ventilation ainsi que le mauvais champ de vision qu’il offre à l’équipage le rendent pénible à utiliser. Enfin, son blindage latéral initial est trop faible (vulnérable aux balles « K » à noyau d’acier allemandes) et son réservoir d’essence initialement placé à l’avant le rend très vulnérable.
Dans les versions suivantes, le réservoir d’essence sera déplacé à l’arrière et sa caisse sera dotée d’un surblindage de 5,5 mm. Par contre, le moteur Schneider, les boîtes de transmission et les chenilles sont relativement fiables : de ce fait, l’engin restera en service après la première guerre mondiale, notamment dans l’armée espagnole pendant la guerre du Rif et jusqu’au siège de l’Alcazar de Tolède où les derniers exemplaires espagnols disparurent.
Le char Saint-Chamond :
La Compagnie des Forges et Aciéries de la Marine et d’Homécourt (FAMH) présente au Ministère de la Guerre, dans son usine de Saint-Chamond dans la Loire, un prototype qui se veut plus performant que le Schneider, car armé d’un canon de 75 mm et de quatre mitrailleuses. En s’appuyant sur les relations d’un de ses directeurs techniques, le colonel Emile Rimailho, co-inventeur du canon de 75 mm, modèle 1897, les Forges de Saint-Chamond font accepter par le Ministère le montage d’un tel canon sur leur char. Le résultat est un blindé plus long et plus lourd que le char Schneider, avec un compartiment de combat allongé, dépassant le train de chenilles à l’avant comme à l’arrière. Outre le canon de 75 sur l’avant, il était équipé d’un rostre pour défoncer les chevaux de frise et de quatre mitrailleuses, une sur chaque face (sur l’avant, l’arrière et les deux côtés).
Le premier prototype du char Saint-Chamond est présenté à l’Armée et approuvé en septembre 1916. Les premières sorties d’usine datent d’avril 1917. Quatre cents exemplaires seront produits et livrés à l’Armée.
Ce char est capable d’une meilleure vitesse de pointe sur terrain plat, grâce à son moteur Panhard et Levassor sans soupapes plus puissant et grâce à l’utilisation d’une transmission électrique « Crochat-Colardeau » (utilisée avant-guerre sur les automotrices de chemin de fer) qui rend possible une conduite relativement souple et rapide sur terrain plat. Malheureusement ces avantages techniques ne sont valables que sur route et il se révèle assez peu efficace sur des terrains bouleversés par les tranchées et les impacts de l’artillerie. Mais, la principale faiblesse du char Saint-Chamond est son train de chenilles beaucoup trop court, sujet à de fréquents déraillements.
Lors de leurs premières sorties sur le terrain, la silhouette de ces engins affolait les soldats ennemis. Mais ils se révélèrent peu efficaces en offensive. Cependant, en 1918, lors de la reprise de la guerre de mouvement en rase campagne, son canon de 75 mm est utilisé pour attaquer à distance l’artillerie de campagne adverse. Le 26 mai 1917, L’Illustration put publier un premier reportage complet, avec de nombreuses photos sur l’engagement d’une colonne de ces chars français de l’escadron du commandant Bossut le 16 avril ; puis, le 2 juin, un second reportage sur le combat mené le 5 mai précédent.
Après la guerre, l’Armée française préfèrera s’équiper avec des chars légers Renault beaucoup plus maniables. Les chars Saint-Chamond seront désarmés assez rapidement. Un seul exemplaire a été conservé au musée des blindés de Saumur.
En 2017, l’Association Mémoire de Poilus d’Avignon a réalisé la réplique ci-contre, entièrement fonctionnelle, qui permet de juger de la taille de cette machine. Elle est actuellement exposée au Musée de la Grande Guerre à Meaux.
Les terribles conditions d’utilisation du char pour son équipage :
Quelques photos permettent d’imaginer les conditions épouvantables que les pauvres servants de ce char Saint-Chamond devaient supporter à l’intérieur de ces cages d’acier ! Ces deux vues sont des témoignages primordiaux – et sans doute rares – de l’enfer qu’ils devaient endurer.
L’équipage était composé de 9 personnes : un conducteur, un canonnier, quatre mitrailleurs, un mécanicien et deux servants. Au premier plan de la vue ci-dessus, on aperçoit, à gauche, le moteur Panhard et Levassor de 90 chevaux et, à droite, un mitrailleur latéral ; au second plan, au fond, tout à droite sur la vue de gauche, le mitrailleur de l’avant, puis à gauche le canonnier et l’affut de son canon de 75 bien visible, enfin, tout à gauche, le conducteur, assis plus haut que ses camarades .
Sur cette seconde vue, le cliché est inversé par rapport à la photo précédente et à la réalité, car la mitrailleuse d’avant était à droite et donc le poste de pilotage à gauche. Malgré l’insuffisance de luminosité du cliché, on voit ici à droite le moteur Panhard, au fond à droite le conducteur, les yeux rivés sur un instrument de visée, tenant dans sa main gauche un « gouvernail » et, au milieu, le canonnier à côté de sa pièce de 75 mm.
Cet équipage était installé dans un inconfort total qu’il faut imaginer : le bruit, la chaleur et l’odeur insupportables dégagés par le moteur sans capot ni protection ni insonorisation, les vibrations dues aux chenilles, sans parler des impacts des tirs ennemis…. Les hommes étaient revêtus d’épais blousons de cuir pour tenter de les protéger d’éventuels éclats d’obus qui pouvaient transpercer le blindage (non résistant aux munitions les plus lourdes) et aux risques d’incendie.
Ainsi, le 2 juin 1917, L’Illustration écrit : « Pendant le feu, la vie est terrible à l’intérieur d’un char d’assaut. La place y est restreinte, comme on peut le penser. Mitrailleurs, canonniers, pourvoyeurs, ont juste la place nécessaire à leur service et juste ce qu’il leur faut de « regards » sur l’extérieur. Ils ont un esprit de corps bien à eux, qu’ils doivent aux pertes courageusement subies, aux dangers, à l’efficacité certaine de leurs efforts… »
Les chars Renault FT :
Livrés à partir d’août 1917, ces chars légers blindés (6,7 tonnes) se montreront plus mobiles et plus efficaces que les chars lourds Schneider ou Saint-Chamond. Leur équipage est limité à deux soldats : un conducteur et un canonnier. Equipés d’une tourelle pivotante à 360° (configuration ensuite adoptée par l’ensemble des constructeurs de char), ils furent fabriqués à 3 700 exemplaires, dont certains sous licence chez d’autres constructeurs comme Berliet.
La position du char ci-dessus, en train de franchir une fortification, est spectaculaire. À l’arrière, on peut apercevoir une pièce d’appui qui lui permettait de ne pas basculer par l’arrière. On imagine cependant l’entraînement qu’il fallait à son équipage pour ne pas paniquer lors de la plongée après franchissement de l’obstacle !
La licence fut aussi concédée aux États-Unis qui ne disposaient pas de tels engins et qui en équipèrent leurs unités sur les champs de bataille européens.
Après la guerre, c’est avec ce char léger que l’Armée française préféra s’équiper.
L’intérêt tactique du char d’assaut émerge enfin à l’issue du conflit de 14-18 :
Depuis leur introduction sur la scène du conflit par les Français et les Britanniques, s’ils firent forte impression dans les rangs allemands, les chars d’assaut blindés n’eurent cependant pas d’effet réellement décisif sur la résolution de la plupart des combats.
C’est seulement lors de la bataille de Cambrai (novembre-décembre 1917), préparée par J. F. C. Fuller, chef des opérations du Tank Corps britannique, que ce dernier engagea en masse des chars Mark IV avec un certain succès, ce qui révéla enfin la puissance des blindés. Fuller deviendra un des théoriciens de la guerre blindée, mais il fallut encore une année aux généraux alliés pour réaliser que les chars avaient définitivement supplanté les armes, les principes et les tactiques de naguère.
Tout à la fin du conflit, les allemands, après avoir saisi au combat quelques exemplaires, tentèrent de copier ces matériels, mais ce fut un fiasco. Ils furent très en retard en ce domaine, et parvinrent seulement en 1918 à construire et à engager 20 chars A7V, des « boîtes blindées » peu manœuvrables.
Le concept des chars étant maintenant banalisé, de nombreuses nations conçurent et construisirent des nouveaux modèles entre les deux guerres. Pendant les années 1920, les chars britanniques furent les plus avancés. À la suite de la guerre et de l’application du traité de Versailles, la France et l’Allemagne de Weimar se trouvaient encore dans un état économique précaire. Les conditions de la paix n’autorisaient pas ces deux pays à se lancer dans le développement de chars efficaces.
Char d’Assaut « Saint-Chamond », Modèle 1917, Centre d’Etudes et de Recherches du Patrimoine Industriel, Forges et Aciéries de la Marine et d’Homécourt (FAMH), (Brochure, 3ème T 2014)
Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur notre site web. Si vous continuez à utiliser ce site, nous supposerons que vous en êtes satisfait.Ok