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Cheminement en rade de Bordeaux entre 1860 et 1920 : choses connues et scènes plus inattendues

Bordeaux, vue générale en direction du port, 1869-1900, collection Magendie, MAG1156

La Stéréothèque conserve plusieurs dizaines de vues sur Bordeaux et son port au cours de la deuxième moitié du XIXe et du premier quart du XXe siècle (en particulier dans les collections Duclot, Gaye, SAB, Magendie, Mathivet et Calvelo).

Beaucoup d’entre elles nous montrent une rade conforme aux vues les plus connues, avec des dizaines de voiliers amarrés partout sur la « rivière », comme l’on disait alors à Bordeaux. Ainsi, la vue générale présentée en « Une », prise depuis le clocher de l’église Saint-Michel, avec toutes ces goélettes de pêche ou de transport à deux ou trois mâts mouillant au-delà du Pont de Pierre, et, le long du quai, des gabarres amarrées sur la rive en pente.

La vue du quai Richelieu ci-dessous nous montre à peu près le même spectacle, mais vu de plus près.

Bordeaux, vue sur l'actuel quai Richelieu, 1869-1900, collection Magendie, MAG1155

Elle est prise en aval du Pont de Pierre. Les quais sont pavés et équipés de rails. Il y règne une intense activité portuaire. Sur la rive pavée toujours en pente, les gabarres étaient bien sûr souvent employées au transport du vin en tonneaux ; mais un grand nombre d’entre elles étaient aussi utilisées comme allèges portuaires, pour décharger à même le fleuve les plus gros navires qui ne pouvaient pas aborder la rive, en l’absence de quais verticaux, et, en retour, assurer leur approvisionnement. En haut à gauche, au milieu du fleuve, mouille une série de morutiers à voile, tandis qu’à droite de la vue, un beau trois-mâts de transport au long cours est à l’ancre, proue tournée vers l’aval, face à la marée montante.

La vue suivante montre encore une scène à peu près identique, mais observée en face depuis le quai de Queyries en rive droite :

Bordeaux, gabares et voiliers de charge dans la rade, vers 1870, collection Calvelo, CAL0018

Les gros voiliers de charge, au second plan, sont toujours amarrés proue vers l’aval, tandis qu’au premier plan, les gabares, le long de la berge en pente, ont pour la plupart simplement replié leur voile le long du mât, signe d’un nouveau départ envisagé dans la journée. Elles ont déchargé les habituels futs de vin, et, plus inattendu, des bottes d’osier (pour le « marché aux vîmes » qui se tenait une fois par semaine quai des Salinières) ou le foin pour les chevaux de trait ; quant aux charrettes, toutes attelées, elles attendent sagement leur chargement.

Intéressons-nous maintenant à l’activité des quais, en parcourant ceux-ci de l’amont vers l’aval. Au détour des collections, nous rencontrons quelques documents de tout premier plan, illustrant des scènes plus inattendues, témoignages rares ou uniques d’une période révolue. C’est le cas de l’image suivante, une des plus anciennes de la Stéréothèque (autour de 1860).

Elle semble prise du parapet qui descend du Pont de Pierre vers le quai Richelieu (d’abord appelé quai de Bourgogne). Son intérêt repose sur les embarcations du premier plan ; nous y trouvons de gauche à droite :

  • en premier, troisième, quatrième et sixième position, des allèges de différentes tailles, une petite, chargée de sacs ou de pierres, la troisième très imposante et vide ;
  • en seconde et cinquième position, de grandes sapines (de 25 m environ) dites « de type tarnais » : leur proue est fortement relevée, et leur pont recouvert d’un « pontil » qui supporte une grue en bois à double volée ; en arrière une cabine construite comme une cabane sert d’habitation pour le marin ainsi que de bureau pour qu’il enregistre les marchandises qu’il prend en charge ou qu’il décharge. Ces embarcations ne sont pas équipées de mât : il s’agit de bateaux hâlés, en général par des chevaux, mais parfois pris en remorque par des navires de charge à voile, qui sont alors manœuvrés dans les ports par de grandes perches. Leurs dimensions étaient calibrées à la taille des écluses du canal latéral à la Garonne.

Dans l’histoire de la marine fluviale, cette photo est un document rare : elle serait l’unique représentation aussi précise de ces grosses sapines tarnaises qui assuraient le transport des marchandises le long de la Garonne et de ses affluents. Elles vont être rapidement condamnées par le développement des chemins de fer qui, au cours de la décennie suivante, accapareront tout le transport des marchandises.

Bordeaux, les quais, vers 1860, collection Duclot, plaque 003

À peu près au même endroit, ci-dessous, amusons-nous de ce pêcheur sur sa barque qui prépare son matériel, indifférent à l’activité environnante : en arrière, des portefaix déchargent un ponton, en équilibre sur une planche servant de passerelle, le quai vertical n’ayant été érigé ici qu’en 1926.

Bordeaux : pêcheur sur sa barque en aval du Pont de Pierre, 1895-1910, collection Société archéologique de Bordeaux, SAB121

Ci-dessous, en nous retournant vers le fleuve, un marin sur sa barque accroche à la gaffe le bordé d’un petit vapeur, peut-être un remorqueur de gabarres, tandis qu’entre les gabarres, en second plan, émerge la silhouette de deux cargos à vapeur. La vue semble prise du quai Richelieu en direction de la Bastide dont les maisons sont visibles en arrière-plan.

Bordeaux : gabarres à couple dans le port, 1910-1920, collection SAB109

Avançons jusqu’au quai de la Bourse, devant la place des Quinconces. Là était le « quai d’honneur » du port, que l’on réservait plutôt aux navires à passagers, du fait de son quai vertical, le plus ancien du port, construit en 1855. Ici apparaît un témoignage caractéristique de l’époque : nous sommes aux environs de 1870, et une grue à mâter y est toujours implantée, pour permettre les interventions d’urgence que pouvaient nécessiter les très nombreux navires à voiles fréquentant encore le port. Mais sur cette vue, c’est un beau vapeur mixte qui est à quai, toujours équipé de deux gréements pour se passer des machines lorsque le vent le permettait. Disposant de peu de superstructures, on a sans doute à faire à un cargo de cabotage ou un navire-poste, qui accueillaient aussi quelques passagers.

Bordeaux, vue de la rade, autour de 1870, collection Calvelo, CAL0019

Écartons-nous maintenant du bord : la vue suivante est prise depuis les quais de la rive gauche, peut-être en face de la place de la Bourse, en direction des usines de la Bastide et du quai de Queyries dont on aperçoit les cheminées fumantes dans le lointain. Elle nous montre un vapeur mixte de type goélette à l’ancre, sous grand pavois : il est décoré pour marquer un évènement important, fête locale, ou, pourquoi pas, la venue du président de la République Emile Loubet à Bordeaux les 25 et 26 avril 1905, à moins que ce ne soit lors de l’Exposition Maritime internationale qui se déroula ici d’avril à novembre 1907 ?

Bordeaux, goélette mixte sous grand pavois dans la rade, 1900-1910, collection SAB, SAB112

Justement, voici le président Emile Loubet qui vient à Bordeaux les 25 et 26 avril 1905 pour inaugurer le monument à Gambetta (érigé sur les allées de Tourny) : il arrive de Libourne et traverse la rade à bord de ce gros vapeur fluvial à roue, le « France », (à deux cheminées et deux chaudières) de la Compagnie Maritime Bordeaux-Océan, spécialisée dans la liaison Bordeaux-Royan.

Bateau présidentiel entre Bordeaux et Libourne, 25-26 avril 1905, collection Mathivet, MAT002

Avançons ensuite ci-après jusqu’au quai de Bacalan, en amont des bassins à flot : sur la période la plus tardive de notre sélection, portons notre attention sur cette petite grue cylindrique, devant laquelle est amarré un joli yacht à vapeur, scène qui peut paraître anodine au premier regard : l’engin serait-il une grue à vapeur, modèle le plus courant dans les ports avant la Première Guerre mondiale ? Il n’en est rien ! Nous sommes en présence d’une grue au mécanisme original, animé par un mouvement hydraulique (au sens propre du terme) : la cabine abritait au-dessus d’elle (et peut-être aussi en-dessous pour équilibrer les masses) une citerne d’eau, d’où sa forme cylindrique. La grue les remplissait aux bouches à eau réparties régulièrement le long du quai, l’eau étant mise en pression dans ce réseau par une pompe refoulante mue à la vapeur, installée dans un bâtiment du port. La force motrice était obtenue par la pression due à la simple gravité, comme dans un château d’eau. Ce dispositif rendait ces grues beaucoup plus autonomes que celles équipées d’une machine à vapeur, qui, embarquée dans la cabine, nécessitait qu’un chauffeur alimente le foyer en charbon, et recharge régulièrement son stock au prix de nombreux arrêts. Elle fait partie des équipements installés lors de l’extension du port de 1910. Le « pontonnier » (le grutier) se tenait dans la cabine cylindrique, surveillant son travail de montée ou de descente des charges, à travers des vitres bien visibles ici. Ces machines resteront en service jusqu’à leur remplacement par des grues électriques vers 1928.

Yacht à vapeur et grue hydraulique dans le port de Bordeaux, 1910-1928, collection SAB, SAB249

Faisons ci-après un crochet par les bassins à flot : la grande forme de radoub de 225 m vient d’y être creusée en 1910. Ce cuirassé, bien typique de la flotte du début du XXe siècle, est donc peut-être un des premiers navires à y être réparé. Les travaux d’entretien et de radoub y étaient effectués par des équipes sélectionnées par appel d’offre à chaque nouveau chantier auprès des différents chantiers navals de Bordeaux,

Port de Bordeaux : cuirassé dans la forme de radoub des bassins à flot, 1910-1920, collection SAB, SAB118

À peine plus loin, au-delà des écluses commandant l’entrée des bassins, un beau quatre-mâts barque est amarré devant les chantiers navals Dyle et Bacalan, certainement pour entretien ou réparation.

Bordeaux : quatre-mâts barque devant les chantiers Dyle et Bacalan, 1910-1920, collection sAB, SAB159

Quittons maintenant Bordeaux pour traverser vers Lormont sur la rive droite (ici à droite sur la photo), en compagnie de ces messieurs en tenue printanière, un jour calme, à bord de cette  vedette fluviale à vapeur (sans doute de la compagnie des Hirondelles) qui faisait plusieurs fois par jour la traversée. De nombreux ouvriers des usines de Bacalan logeaient en effet sur la rive droite, d’habitat réputé « populaire », et faisaient quotidiennement la traversée, ce qui leur évitait le long détour qui aurait nécessité de prendre plusieurs tramways, s’il avait fallu traverser le fleuve par le seul pont existant, celui de Pierre, situé à plus d’un kilomètre en amont de Lormont comme de Bacalan.

Bordeaux : A bord d'une vedette fluviale au pied des collines de Lormont, 1910-1920, collection SAB, SAB114

Inévitablement, notre vedette passe au pied des collines de Lormont, le long desquelles est implantée cette drôle d’installation ci-dessous : la cale inclinée des chantiers Labat et Limousin qui permettait de remonter, en parallèle à la rive, des navires tout gréés d’un poids pouvant aller jusqu’à 3 000 tonnes, comme ici en 1868 le paquebot transatlantique La Navarre (un vapeur à roues) des Messageries Maritimes, de 100 mètres de long et 2 000 tonnes. Ces installations, qui avaient valu à leur inventeur une médaille d’or aux Expositions Universelles de Londres en 1862 et à Paris en 1867, équipait moins d’une dizaine de ports dans le monde, et donnait à Bordeaux un avantage de choix sur l’ensemble des ports de la façade atlantique, en matière de capacité de réparation. Elles demeureront en service jusqu’au milieu de l’entre-deux-guerres.

Lormont, le paquebot La Navarre sur la cale inclinée des Chantiers Labat en 1868, collection Magendie, Mag1503

Christian Bernadat

Bibliographie :

  • Sur Bordeaux au XIXe siècle et la construction navale :

Robert Chevet, Marins de Bordeaux, Editions Confluences 2001

Hubert BONIN, Les patrons du second Empire, Bordeaux et la Gironde, Ed Picard/Cénomane, Le Mans 1999

Roger et Christian Bernadat, Quand Bordeaux construisait des navires, Ed. de l’Entre-deux-Mers, 2ème édition, Décembre 2016

  • Sur les embarcations fluviales anciennes :

Les bateaux garonnais (II), François Beaudouin, Les Cahiers du Musée de la Batellerie n°45, décembre 2001

  • Sur le vapeur fluvial « France » de la Compagnie Maritime Bordeaux Océan :

https://www.gauriac.fr/index.php/decouverte/memoire-du-village/l-estuaire/191-au-temps-des-bateaux-a-roues.html,

Guy Mouchet, Ports et Gabares de Gironde, Ed. Alan Sutton

  • Sur les grues hydrauliques :

Avec l’expertise de Jacques Tanguy du Musée Maritime et Fluvial de Rouen pour la grue hydraulique.

  • Sur les chantiers Labat et le Paquebot La Navarre :

Wikipedia (https://fr.wikipedia.org/wiki/Théophile_Labat),

http://www.messageries-maritimes.org/rio-grande.html

L'image du mois

L’image du mois #26 | Avril

Aujourd’hui, c’est la journée mondiale des trains à vapeur !

Nous en profitons donc pour vous présenter cette vue qui… sort de l’ordinaire stéréoscopique !

Nous sommes à Montparnasse, octobre 1895. Le 22, le train Granville-Paris traverse la gare… sans s’arrêter. La locomotive ne parvient pas à freiner et défonce la façade de la gare de l’ouest, s’échouant sur la place de Rennes en détruisant la station de tramway située devant la gare ainsi que le kiosque d’une marchande de fleurs, unique victime de la catastrophe.

Le train Granville-Paris, 1895, collection Dupin, DUP0266

Le train reste en place durant 5 jours, permettant à de nombreux photographes de venir immortaliser l’accident.

Cette vue est issue du fonds Dupin, collection riche en photographies parisiennes que nous mettrons à l’honneur très bientôt !

Pour en savoir plus sur cet événement :

Une du Petit Journal Supplément du Dimanche, 3 novembre 1895 – source : RetroNews-BnFVoir la presse sur RetroNews (cliquer sur l’image)

Article de Wilfried Muller sur Gallica

 

 

L'énigme du mois

L’énigme du mois #12 | Mars 2020

Mise à jour : énigme résolue !

Bravo à Juliette Blanchard, qui a réussi à établir une datation entre le 10 et le 16 juin 1906, à Paris !

Les indices :

Mentions dans l’image :

CIGARETTES MURATTI EN VENTE

AVEC LE BRILLANT GÉOLIN LE SEUL A BASE [—]

LE PLUS RAPIDE LE PLUS PROPRE

NE GRAISSE PAS NE SALIT PAS

Loterie des enfants tuberculeux : affiche en ligne, annoncée pour le 14 août 1906

Plusieurs journaux sont en vente, datables par leurs Unes via Gallica :

Le Journal des Voyages et des aventures de terre et de mer daté du dimanche 20 mai 1906.

Le Petit Journal Supplément illustré daté du dimanche 10 juin 1906

Le Petit Parisien Supplément littéraire illustré daté du dimanche 10 juin 1906

*****

Voici l’énigme du mois de mars !

En ces temps de confinement, naviguer dans nos collections stéréoscopiques s’avère être un beau voyage ! Et si les énigmes vous plaisent, de nombreuses images restent indéterminées par leur lieu, leur date, leur sujet,…

Pour aujourd’hui, voici une vue tirée du fonds Bidault. Nous vous demandons, grâce aux nombreux indices présents dans l’image, d’en déterminer le lieu et la date !

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À Venise au cours de la seconde moitié du XIXe siècle

Venise, vue depuis le Campanile sur le débouché du Grand Canal, 1855-1899, Collection Coulon, vue CC039

     Aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, Venise est une étape incontournable du « Grand Tour », ce voyage à but culturel et artistique qu’accomplissaient les jeunes européens des familles fortunées. Au XIXe siècle, cette tradition perdure mais s’ouvre progressivement à un public plus large, notamment grâce aux progrès du chemin de fer, qui arrive à Mestre en 1846, puis à Venise même dès l’achèvement du pont ferroviaire sur la lagune en 1858.

Avec l’apparition de la photographie, cette période devient propice aux premiers reportages. La photographie stéréoscopique n’échappe pas à cette tendance ; la Stéréothèque présente une remarquable collection de vues témoignant de la cité vénitienne de cette seconde moitié du XIXe siècle (au moins une trentaine de vues dans les collections Coulon, Calvelo, Magendie et Wiedeman, sur la période 1855-1899).

1858 – Arrivée des premiers trains dans la cité de Venise (Gravure de Marco Moro)

Pour ceux qui connaissent la cité des Doges, à travers ces vues, Venise a quelque chose de tout à fait particulier : au premier examen, la ville semble inchangée ; pourtant, en observant ces vues avec plus d’attention, nous avons là de nombreux témoignages d’un temps désormais révolu, alors que le décor est resté presque intangible.

Précisons que, depuis 1866, la cité fait partie intégrante du Royaume d’Italie, grâce à Napoléon III qui a détaché la Vénétie de l’Autriche à l’issue de la bataille de Sadova.

Sur la vue présentée en Une (CC019) le décor connu est parfaitement en place : depuis le sommet du Campanile, notre regard franchit les toitures de la bibliothèque Marciana, on aperçoit les jardins Reali, puis, sur l’autre rive, la pointe de la Douane, la basilique Santa Maria de la Salute et même, au loin, sur l’île de la Giudecca, l’église du Redentore. Pourtant, le Grand Canal est incroyablement vide et calme. À contrario, amarrés à couple le long de la Douane de Mer sur le canal de la Giudecca, une multitude de navires marchands relâchent, pour y accomplir leurs formalités douanières comme cela se passe ici depuis plusieurs siècles : en cette fin du XIXe siècle, le commerce maritime est encore l’activité principale de la cité des Doges, bien avant le tourisme naissant…

Venise, vaisseaux au mouillage dans la rade, 1855-1870, Collection Wiedemann, WIE346
Venise, vaisseaux sur le canal de Saint-Marc, vers 1860, Collection Calvelo, CAL0132.

Le tourisme commence certes à se développer, mais nous sommes loin des foules que l’on rencontre aujourd’hui : sur le quai dit « Riva degli Schiavoni » et sur la piazzetta, un public clairsemé de vénitiens et de touristes de la bonne société déambule sagement.

Venise, le Môle et la Piazzetta,1868, Collection Calvelo, vue CAL0156

Sur le Grand Canal, nous constatons le même calme et même vide qu’à la pointe de la Douane. Au pied du pont du Rialto, des gondoles et des bateaux de livraison sont à quai, en un lieu où l’on décharge toujours les marchandises. Mais, grande différence avec aujourd’hui, aucune station de vaporetto n’y est amarré, aucun vaporetto ne circule : c’est en effet seulement à partir de 1881 que le Grand Canal sera sillonné de ces vapeurs de transport public…

Venise, vue sur le pont du Rialto,1855 – 1870, Collection Wiedemann, WIE339

Plus loin, la place Saint-Marc est presque immuable : au fond d’une place au vide impressionnant, trône la Basilique Saint-Marc, tandis qu’un personnage pose ostensiblement devant l’objectif. Le campanile aussi paraît intangible dans son décor.

Pourtant, cette photo est un témoignage plus important qu’il n’y paraît : en 1902, cet édifice s’effondrera comme un château de cartes, avant d’être reconstruit en 1912, tellement à l’identique (« dove’era, com’era », là où il était, comme il était) que le touriste d’aujourd’hui peut croire qu’il a traversé les siècles sans une égratignure…

Venise, la basilique Saint-Marc et le campanile, 1857-1864, Collection Magendie, MAG6169

Tout au fond, à droite du Campanile, on aperçoit le palais des Doges. Sa porte principale, la porte « della Carta », fait la liaison architecturale avec la basilique. Portons notre attention sur la vue suivante : son linteau est vierge de toute sculpture. En effet, jusqu’à la prise de la cité par Napoléon en 1797, trônait ici une représentation du Doge Foscari faisant face au lion de Saint-Marc. Ce groupe sculpté a seulement été rétabli, par une copie néogothique, en 1885. À nouveau, nous avons ici l’image d’un temps révolu.

Venise, la porte della Carta, entrée principale du Palais des Doges,1855-1859, Collection Magendie, MAG2303

Dans la cour intérieure du palais, une Vénitienne pose sur les escaliers d’un des deux puits Renaissance en bronze de la cour, avec ses seaux : scène de vie quotidienne prise sur le vif ou habitante en habit traditionnel posant pour le photographe contre rétribution ? On ne sait. Cette vue rappelle en tout cas que la cour intérieure du palais est restée longtemps accessible librement à la population de la cité pour y puiser de l’eau, scène semble-t-il encore possible au milieu de ce XIXe siècle.

Venise, un des deux puits du palais des Doges, 1855-1859, Collection Magendie, MAG2308

Si l’on chemine sur le quai de la « Riva degli Schiavoni », on parvient en quelques minutes devant l’Arsenal de la cité ducale. Vision incroyable pour un touriste contemporain, sur le canal d’entrée (le « rio dell’Arsenale ») mouille un gros vaisseau à trois mâts, sans doute militaire. À la date de cette photo, la Vénétie est encore rattachée à l’Empire d’Autriche. À cette époque, le pont enjambant le rio situé aujourd’hui dans le prolongement du quai était inexistant, le seul franchissement possible étant permis par la passerelle en bois amovible, toujours en place maintenant. Encore une vue impensable aujourd’hui….

Venise, navire devant l'arsenal, vers 1860, Collection Calvelo, CAL0078

Enfin, devant un des lions de l’Arsenal, pose encore un personnage. Essayez aujourd’hui de faire une telle photo sans touriste dans le champ de votre objectif !

Venise, vue sur un des lions de l'Arsenal, 1855-1870 , Collection Wiedemann, WIE338

Christian Bernadat

L'image du mois

L’image du mois #25 | Mars

Le mois dernier, nous avons intégré à la Stéréothèque la collection de Quentin Bidault, historien consultant, qui propose des visites stéréoscopiques de Paris.

Voir la page sur le Stéréopôle

Cette collection (ouverte à l’indexation collaborative !) est composée essentiellement de vues stéréoscopiques publiées autour de la décennie 1900. Le fonds est constitué de scènes parisiennes et contient aussi quelques scènes du monde ainsi qu’un lot de paysages d’Allemagne, Suisse et Autriche.

Au sein de ce lot, quelques images sortent de l’ordinaire, comme cette étonnante… voiture à autruche !

 

Voiture à autruche, autour de 1900, collection Bidault, QBT039

 

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L’Exposition internationale de Bordeaux de 1895

Exposition internationale de Bordeaux, façade sur le fleuve, 1895, fonds Société archéologique de Bordeaux, SAB 384

Le « concept » d’Exposition Internationale Universelle voit le jour au milieu du XIXe siècle, comme une célébration de la foi dans le progrès, en rassemblant tout ce que la science et l’industrie savait produire ou inventer de neuf. La première Exposition Internationale Universelle a lieu sous le Second Empire à Paris en 1849, vite suivie par celle de Londres en 1851. Les grandes nations y expriment leur compétition dans une succession effrénée de manifestations.

Les grandes villes européennes n’entendent pas rester à l’écart de ce mouvement. C’est ainsi qu’en France, Bordeaux se lança, comme Lyon et Rouen notamment, dans une telle aventure, conçue comme une grande campagne promotionnelle pour les activités de sa région et de son port. La capitale girondine organisa ainsi cinq grandes expositions internationales en ce XIXe siècle, succédant à 8 expositions à vocation seulement régionale ou nationale : 1850, 1855, 1859, 1865 et 1895. Il s’agissait de mettre l’accent non seulement ur «l’économie coloniale», mais aussi sur l’agriculture, la production de vins et spiritueux, les beaux-arts et l’industrie.

Organisée sur la place des Quinconces par la Société Philomathique de Bordeaux, (première association créée en 1807 en France pour promouvoir « l’éducation populaire » par la formation hors d’un parcours scolaire), l’exposition s’étend sur 10 ha et accueille 10 054 exposants.

 

Plaquette de la Société Philomatique, Couverture

C’est l’architecte Joseph Albert Tournaire, celui qui a conçu l’Exposition Universelle de 1889 à Paris, qui est choisi pour la construction des palais et des pavillons de Bordeaux. La Stéréothèque  comporte, au sein de la Collection de la Société archéologique de Bordeaux, une série remarquable de 25 vues sur cet évènement.

 

Plaquette de la Société Philomatique, page 43

Façade latérale côté sud (le long des Allées d’Orléans), 1895, fonds Société archéologique de Bordeaux, SA280

Les colonnes rostrales et la vue sur la rade de Bordeaux, depuis la façade de l’Exposition sur le fleuve, 1895, fonds Société archéologique de Bordeaux, SAB410

Chaussez vos lunettes bicolores pour voir le relief !

L’exposition se tient du 1er mai au 1er novembre 1895. Tout au long de cette durée, selon un concept déjà très moderne, des expositions temporaires thématiques sont organisées, comme une présentation de chrysanthèmes annoncée par un panneau au-dessus de l’entrée principale sur la vue suivante. Il s’agit ici de floralies présentées dans le pavillon d’horticulture, les variétés de cette plante n’étant pas encore utilisées pour le fleurissement des tombes.

Entrée principale de l’Exposition, 1895, fonds Société archéologique de Bordeaux, SAB318

La colonne des Girondins, monument emblématique à l’ouest de la place des Quinconces, est incluse dans le périmètre de l’Exposition :

Vue générale du Palais de l’Électricité autour de la colonne des Girondins, 1895, fonds Société archéologique de Bordeaux, SAB327

La limite ouest de la place, formant un arc de cercle, est bordée de bâtiments d’exposition épousant la courbure de la place autour de la colonne des Girondins.

Sur un côté, on trouve la façade intérieure du pavillon principal. Sa porte centrale, monumentale, est surmontée d’un globe terrestre, lui-même dominé par une allégorie de la Fortune, symbole très en vogue en cette fin de XIXe siècle pour célébrer sa foi en la prospérité à travers le commerce, symbole qui n’est pas sans rappeler l’ensemble sculpté qui surmonte le bâtiment de la Douane de Mer à Venise.

Façade intérieure du palais principal, 1895, fonds Société archéologique de Bordeaux, SAB309

En vis-à-vis de ce dernier pavillon, donc sur un emplacement d’honneur, on trouve le « Palais de l’Electricité », grande nouveauté technologique de cette fin de siècle, en lequel on fonde de grands espoirs. A l’intérieur, on y fait notamment des démonstrations de télégraphie, rendue possible par cette nouvelle énergie. Elle est produite par une éolienne établie, non loin de là, au sommet d’une tour métallique.

Porte principale du Palais de l’Électricité, 1895, fonds Société archéologique de Bordeaux, SAB315

Intérieur du Palais des Vins, 1895, fonds Société archéologique de Bordeaux, SAB281

Et, déjà en cette fin de XIXe siècle, la promotion de la cité balnéaire d’Arcachon est incontournable, avec ce pavillon du Bassin d’Arcachon, agrémenté de proues de pinasse (dans l’esprit des colonnes rostrales) et de rames décorées, qui cherche à attirer un public le plus large possible de toute la France, et même de l’étranger. Dans le même esprit, on trouve un pavillon de Soulac et un pavillon de Royan.

 

Christian Bernadat

 

Sources :

Ce fabuleux XIXe siècle, Pierre Sipriot, Ed. Belfond 1990

Christelle Lozère, Bordeaux colonial de 1850 à 1940 (Revue en ligne).

Plaquette photographique de la Société Philomathique

L'image du mois

L’image du mois #24 | Février

Le 13 février, c’est la journée mondiale de la radio !

L’occasion pour nous de vous présenter ce poste de commandement dans la Somme en 1916.

La vue provient de la série Première Guerre mondiale de l’éditeur Brentano.

Le cliché montre le poste de commandement radio d’un bataillon. 4 soldats sont présents. L’un d’eux a son casque sur les oreilles et un combiné dans sa main gauche. Le militaire au premier plan porte sur le col de son uniforme le numéro 53 et semble avoir le grade de caporal chef.
Le poste est installé dans un bâtiment soutenu par des poutres en bois et la table sur laquelle est le matériel radio est faite avec les moyens du bord

Un poste de commandement dans la Somme, 1916, collection Dezarnaulds

(suite…)

L'énigme du mois

L’énigme du mois #11 | Janvier 2020

Mise à jour

Merci à Brigitte Tarrats, Line Bernadat et Jean-Claude Huguet pour leurs recherches !

La statue au premier plan pourrait être Faune et Bacchante de Pierre Robinet, groupe mentionné au catalogue de l’exposition universelle de 1867.

Au 2e plan, il s’agit du modèle en plâtre du Semeur de Henri Chapu. La statue finale en bronze se trouvait au parc Monceau à Paris (8e) et a été fondue sous le régime de Vichy, en 1942.

Maintenant, il reste les autres images des Archives nationales à découvrir et décrire !

Le Semeur, Henri Chapu

Pour la première énigme de l’année, la vue choisie est tirée de la collection des Archives nationales, récemment déposée au sein de la Stéréothèque.

Ce fonds réunit des vues de l’Exposition universelle de 1867 (entre le 1er avril et le 3 novembre 1867).

Photographiées par Moïse Léon et Isaac Georges Lévy, éditées par Léon & Lévy, ces photographies montrent de nombreuses vues des différents pavillons présentés par les pays participants.

Seulement, parfois, nous manquons de détails ! En particulier pour cette vue stéréoscopique où nous aimerions pouvoir identifier les statues !

C’est là que nous faisons appel à vous !

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Le premier meeting aérien de Périgueux

Chamiers, premier meeting aérien de Périgueux, avril 1911, collection D’Halluin. Voir la notice de l’image

La collection d’Halluin comprend un reportage de 27 vues qui nous racontent cet évènement.

Autour des années 1910, les meetings aériens se multiplient dans tout le pays, la population se passionnant pour ce miracle des inventions « modernes », l’aptitude nouvelle qu’a trouvée l’homme de faire voler le « plus lourd que l’air ».

Les 22, 23 et 24 avril 1911 se déroule à Chamiers, près de Périgueux, le premier meeting aérien de Dordogne, un des premiers en Aquitaine.

Couverture du programme du meeting (Source : www.meetingsaerienshistoriques.com)

Les préparatifs sont à la hauteur de l’engouement populaire du moment pour ce qui est pris par la population comme une manifestation spectaculaire du progrès technique triomphant : un train spécial a été prévu (ligne Périgueux-Ribérac), un service médical est assuré par les dames de la Croix-Rouge, le service d’ordre par une compagnie du 50ème RI et trois hangars ont été spécialement construits pour abriter les aéroplanes.

Chamiers, premier meeting aérien de Périgueux, avril 1911, collection D’Halluin. Voir la notice de l’image

L’animation du meeting est assurée par quatre pilotes : Jacques Labouchère, Jules Fischer, Marthe Niel et Monsieur Mallard.

Comme attendu, une importante foule de curieux s’est pressée sur le terrain dès le premier jour.

Chamiers, premier meeting aérien de Périgueux, avril 1911, collection D’Halluin. Voir la notice de l’image

L’aviateur Mallard fut le moins chanceux des quatre. Le premier jour, à cause du brouillard, il ne put pas arriver par la voie des airs. Il arriva seulement le second jour, le 23 avril, son avion, un monoplan Nieuport II, N, D ou G,  tiré par une automobile… ce qui provoqua des commentaires acides des journalistes ( !). Ceux-ci en profitaient en outre pour railler son monoplan qu’ils trouvaient bas et écrasé, « comme un insecte massif à courtes pattes » ! Il prit l’air péniblement, gêné par une forte brise. Mais, son élan le porta vers un pylône électrique dans lequel il alla se ficher.

L’aviateur Mallard, Chamiers, premier meeting aérien de Périgueux, avril 1911, collection D’Halluin. Voir la notice de l’image

Heureusement, le courant électrique avait été coupé le temps du meeting. Il attendit assis en équilibre instable dans sa machine qu’on vienne le délivrer, sain et sauf… mais ridiculisé !

L’aviateur Jules Fischer utilise une machine construite par Henri Farman, sans doute son biplan du modèle n°III. Il exécute un vol parfait, survolant le quartier Saint-Martin, et se pose « avec une légèreté surprenante » « exactement devant la porte de son hangar », à la grande surprise des spectateurs.

L’aviateur Fischer, Chamiers, premier meeting aérien de Périgueux, avril 1911, collection D’Halluin. Voir la notice de l’image

Jacques Labouchère, quant à lui, utilise un biplan construit par Zodiac, ici stationné devant le hangar marqué à son nom. Il inaugure ici une machine « flambant neuve ». Il décollera très facilement et atterrira « avec une aisance remarquable » devant cinq mille spectateurs. Il effectuera même un vol avec un passager.

L’aviateur Labouchère, Chamiers, premier meeting aérien de Périgueux, avril 1911, collection D’Halluin. Voir la notice de l’image

Enfin, Marthe Niel, de son vrai nom Marie Ange Denieul, seconde femme française à avoir obtenu son brevet de pilote de l’Aéro-Club de France, était surnommée « la femme oiseau ». Elle réalise ses exhibitions avec un monoplan Pivot-Koechlin, qualifié de « gracieux » par les journalistes. A Périgueux, elle va captiver son public et devenir la véritable héroïne de la manifestation.

Marthe Niel lors à l’issue du passage de son brevet de pilotage le 29 août 1910 (source : Une passion jusqu’au ciel, Marthe Niel et Paul Koechlin)

Vue de dos sur la photo présentée en Une, elle laissa d’abord son jeune mécanicien Joseph Franz faire une première démonstration. Elle effectua ensuite sa propre prestation, en frôlant la cime des arbres bordant la route de Bordeaux. Piquant du nez à l’atterrissage, elle causa de légers dommages à l’hélice et cassant la béquille correspondant aux roues des patins. Il n’y eut, heureusement plus de peur que de mal et fit ainsi frémir d’émoi les spectateurs.

Christian Bernadat

 

Bibliographie :

 

https://aeroclubperigueux.com/aeroclub/historique-laviation-a-perigueux/

https://www.meetingsaerienshistoriques.com/photos/perigueux-avril-1911-20-pages?page=20

Philippe Busch, Une passion jusqu’au ciel, Marthe Niel et Paul Koechlin, Les Editions de l’Officine, Brive, 2e T 2016

Cartes postales anciennes Périgord Dordogne

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L’image du mois #23 | Janvier 2020

L’année 2019 a été riche de projets pour le CLEM, avec de nouveaux partenariats autour de la stéréoscopie !

Nous vous avions promis d’en parler bientôt : des institutions, et non des moindres, nous ont rejoint, à l’image des Archives nationales qui nous ont confié leur collection de vues concernant l’Exposition universelle de 1867 :

 

 

Cette collection est ouverte à l’indexation collaborative, par ici ! Le présent article est notamment rédigé par l’un de nos principaux contributeurs, Christian Bernadat.

Pavillon d’exposition de l’Exposition universelle, 1867, fonds Archives nationales, AN092

Le « concept » d’Exposition Internationale Universelle voit le jour au milieu du XIXe siècle, comme une célébration de la foi dans le progrès, en rassemblant tout ce que la science et l’industrie savaient produire ou inventer de neuf.
La première Exposition Internationale Universelle a lieu sous le Second Empire à Paris en 1849, vite suivie par celle de Londres en 1851. Les grandes nations y expriment leur compétition dans une succession effrénée de manifestations : 1855, puis 1867 où, pour la première fois, l’évènement a lieu sur le Champ-de-Mars.

Elle y est intitulée « Exposition Universelle d’Art et d’Industrie ». 41 pays y sont représentés. Gustave Eiffel s’y voit confier la construction de la Galerie des Machines. Nous sommes à l’apogée du Second Empire ; on y célèbre le libéralisme triomphant dans la lignée des thèses de Saint-Simon.

Cette vue nous présente la « Section autrichienne » de la « Galerie du Travail » selon la légende de la photo. Nous dirions aujourd’hui plutôt « Pavillon de l’Industrie ». Compte tenu de la structure métallique qui supporte la coupole, il pourrait bien s’agir ici du pavillon construit par Gustave Eiffel. Contrairement aux pavillons par pays bâtis sur le reste de l’Exposition, la « Galerie du Travail » rassemblait tous les pays présents sur l’Exposition, chacun présentant les productions industrielles qu’il souhaitait mettre en avant.

Au premier plan, nous avons une machine bien identifiable, avec sa cheminée « en cornet ». Ces locomotives, dont la série est désignée SB 23, étaient affectées à la traction des trains de marchandises de l’Österreichische Südbahn (Chemins de fer Autrichiens du Sud) qui desservaient la ligne Vienne-Trieste (alors partie intégrante de l’Empire autrichien).
Elles étaient construites dans une usine des environs de Vienne (la Wiener Neustädter Lokomotivfabrik). Celle présentée porte le numéro 68.

Christian Bernadat