Vacances en Suisse à la fin du XIXe siècle

Genève, vue du bord du lac en 1863, collection Magendie, MAG3517

Pour nous, aujourd’hui, l’été est la saison des vacances par excellence. Mais qu’en était-il dans la deuxième moitié du XIXe siècle ? L’imagine-t-on ? Eh bien, il en était déjà de même, au moins dans la bonne société et la bourgeoisie !

Grâce, notamment, au mouvement romantique, la Suisse devient très vite une destination privilégiée de villégiature estivale (avant d’être aussi une destination d’hiver à la mode). Ce sont les Britanniques qui sont à l’origine de la vogue pour cette destination : le développement du tourisme en Suisse débute en 1858, car « l’agence de voyages » (locution apparue en 1840) Thomas Cook lance cette année-là les premiers voyages de vacances à forfait avec un guide (ce que l’on nommera plus tard des « voyages organisés ») ! Dans la foulée, les Alpes connaissent un grand engouement ; les Britanniques sont même à l’origine du Club alpin helvétique !

Il faut préciser que de nombreuses routes sillonnent désormais les cols alpins, routes que l’on peut parcourir en voiture à cheval depuis un lieu de villégiature. Mais, c’est le chemin de fer qui ouvre les Alpes au tourisme de masse. De surcroît, avec l’invention de la crémaillère, même les pentes les plus hardies peuvent être franchies par le rail : un progrès technique dont les constructeurs de voies ferrées suisses vont faire un usage généreux…

Extrait d’une affiche publicitaire vantant le tourisme en Suisse
Affiche publicitaire du PLM faisant la promotion du séjour à Genève (à partir de 1858)

Bien que réalisée sans coordination fédérale, la construction des lignes de chemin de fer, d’abord en retard par rapport au reste de l’Europe, progresse très vite en Suisse à partir de 1852, notamment grâce à l’implication d’investisseurs britanniques ou français, qui lancent de nombreuses liaisons avec les voisins européens de la Confédération. Ainsi, à partir de 1875, le réseau de chemins de fer helvétique est très complet et dessert la plupart des villes de villégiatures, au prix d’incroyables prouesses en matière de construction de viaducs et de percement de tunnels.

Viaduc de chemin de fer sur la ligne du St-Gothard, aux environs de Wassen, ouverte en janvier 1882 : elle permet de franchir les Alpes du sud vers le nord. Cette ligne est un chef-d’œuvre d’ingénierie ferroviaire. L’ascension se fait selon un cheminement hélicoïdal jalonné de nombreux tunnels (eux-mêmes en courbe) et de viaducs. La pente est telle (2,8 %) qu’il faut à ses débuts rien moins que 5 locomotives pour tracter un train ! Collection Magendie, MAG3496

Alors, mettons-nous « dans la peau » d’une famille aisée des années postérieures à la guerre de 1870 : si nous choisissions la Suisse comme destination de villégiature estivale ? Nous consulterions les premières brochures de l’agence Thomas Cook. Par quel lieu de séjour allons-nous nous laisser tenter ?

La Stéréothèque, riche de plus de 375 vues de ce pays, au sein des collections Bidault, CLEM, Coulon, Magendie, SAB, Wiedemann, nous permet d’envisager de nombreuses propositions que l’on aurait pu, sans aucun doute, retrouver dans le catalogue de l’agence.

Chercherons-nous le calme et le charme romantique des bords de lacs ? La Suisse, avec ses très nombreuses villes hôtelières réparties le long de sa dizaine de grands lacs, nous offre d’innombrables possibilités de séjour !

Si nous sommes francophones, le lac Léman vient tout de suite à l’esprit, avec, en premier lieu, la brillante Genève, ville intellectuelle et quelque peu aristocratique, lovée autour du fond du lac qui donne naissance au Rhône :

Genève, le jardin anglais en bordure du Lac, avec, au second plan, l’embarcadère des vapeurs (1873-1878), Collection Magendie, MAG3520

De ce lieu de séjour, il sera possible d’envisager de très nombreuses excursions sur les déjà célèbres vapeurs à roues qui permettent soit des tours du lac, soit des excursions d’une journée entière, comme par exemple Vevey, ou Montreux, localité à proximité de laquelle Jean-Jacques Rousseau séjourna plusieurs fois :

Vue d’un quartier de Montreux depuis la jetée du port (1855-1899), Collection SAB, SAB028

C’est d’ailleurs dans cette même région, à la pointe est du lac, que se dresse le château de Chillon sur un promontoire qui forme une presqu’île ; le pittoresque de ce site est particulièrement apprécié depuis que Lord Byron en célébra le charme au début de ce XIXe siècle en faisant de ce lieu le décor d’un de ses romans :

Vue du Château de Chillon depuis la rive sud du lac (1868), Collection SAB, SAB181

En partant de Montreux, on peut aussi (à partir de 1888) emprunter un tramway électrique jusqu’à Chillon, puis se faire conduire en voiture (hippomobile) à Vernayaz, enfin jusqu’à la cascade de Pissevache… :

Cascade de Pissevache (1855-1883), dans les environs de Vernayaz, Collection CLEM, CLEM017

On pourra aussi demander à être accompagné pour une excursion dans les impressionnantes gorges de la Trient, les plus profondes d’Europe, qui permettent une belle excursion sur une passerelle aménagée entre des parois escarpées :

Gorges de la Trient (aménagées à partir de 1868), environs de Vernayaz, Collection Magendie, MAG3535

Mais on peut aussi se décider pour un séjour germanique, plus dépaysant, et porter son dévolu sur Interlaken, dotée d’un très grand nombre d’hôtels ; le lieu de villégiature est déjà des plus renommé, situé sur l’isthme entre le lac de Thoune et le lac de Brienz, avec une vue imprenable sur le sommet de la Jungfraujoch. De là, les excursions seront nombreuses.

A proximité, on peut aller facilement avec le service d’un cocher jusqu’aux thermes de Matten où l’on prendra des rafraîchissements en admirant les 4 158 mètres de la « Jeune femme » (la traduction littérale de Jungfrau) :

Panorama de la Jungfrau depuis la buvette des thermes de Matten près d’Interlaken (1863-1888), Collection Magendie, MAG3556

Il est également possible de prendre le chemin de fer jusqu’à Grindelwald, à 1 057 mètres. Là, on vous recommande de prendre un guide pour vous laisser conduire jusqu’à la grotte creusée sous le glacier de l’Eiger (3 970 mètres) : une expérience rafraîchissante en plein été !

La grotte sous le glacier de l’Eiger, aux environs de Grindelwald (1858-1865), Collection Wiedemann, WIE208

Les plus téméraires préfèreront louer les services d’un guide de montagne pour entreprendre une excursion sur la mer de glace !

Excursion sur la mer de glace au pied de l’Eiger (1857-1860), Collection Magendie, MAG6165

On peut aussi, au départ d’Interlaken ou de Brienz, prendre le vapeur jusqu’au débarcadère du funiculaire qui permet de monter jusqu’à la cascade de Giessbach face à laquelle une buvette a opportunément été aménagée :

Buvette en surplomb des chutes du Giessbach (1861-1888), Collection Magendie, MAG3557

Enfin, en empruntant le chemin de fer de Brienz à Meiringen, on peut aussi se faire conduire à la station de funiculaire qui permet d’accéder, depuis un belvédère, au panorama sur les chutes de Reichenbach :

Chutes de Reichenbach aux environs de Meiringen (1865-1870), Collection SAB, SAB194

Le touriste disposé à s’aventurer encore plus à l’est peut aussi choisir un séjour sur les bords du lac des Quatre-Cantons, aux contours plus tourmentés. On emprunte ici aussi le vapeur à roues pour sillonner les différentes extrémités du lac ressemblant à autant de « fjords » aux paysages sans cesse renouvelés, les flancs de montagne plongeant de manière abrupte dans le lac, tandis que d’innombrables petits villages alpins s’accrochent sur leurs flancs.

Alpnach, sur les bords du Lac des Quatre-Cantons (1855-1883), Collection CLEM, CLEM020

On séjournera de préférence à Lucerne, magnifique station touristique de grande renommée blottie à l’extrémité ouest du lac.

Panorama sur Lucerne et le mont Rigi (1901), Collection Bidault, QBT146

La ville ancienne y est pleine de charme, et l’on ne manquera pas de traverser le « Kapellbrücke », étonnante passerelle de bois couverte, qui franchit la Reuss, rivière qui sert d’exutoire au lac, et qui relie en zigzag les deux rives de la ville depuis le XIVe siècle.

Le Kapellbrücke de Lucerne (1890-1904), Collection Wiedemann, WIE467

Durant le séjour, on ne manquera pas d’entreprendre une excursion au mont Rigi en chemin de fer à crémaillère depuis le village de Weggis. Pour ceux qui auront le courage de faire l’ascension depuis la veille (hôtel au sommet), le spectacle du lever de soleil est considéré, depuis les romantiques (dont Victor Hugo lui-même), comme l’apothéose d’un voyage en Suisse !

Le mont Rigi, vu du village de Weggis sur une rive du lac des Quatre-Canton (1894-1921), Collection Bidault, QBT154

Ces destinations ne sont qu’un modeste aperçu de ce qu’un organisateur de voyages peut vous proposer comme séjour estival : ne manquez pas de vous renseigner auprès du bureau le plus proche de chez vous représentant la maison de voyages Thomas Cook !

Christian Bernadat

Bibliographie :

« L’histoire du tourisme », swissinfo.ch, consulté le 27 juillet 2020

Histoire du tourisme en Suisse au XIXe siècle par Laurent Tissot, Ed. Alphil

« Histoire du transport ferroviaire en Suisse« , Wikipédia, consulté le 27 juillet 2020

« Histoire des Chemins de fer en Suisse« , Suisse-Romande.com, consulté le 27 juillet 2020

 

La commune de Paris – Mars à Mai 1871

Paris incendié – Nuit du 24 au 25 mai 1871 (Gravure de Michel Charles Fichot retouchée par Numa, Musée d’Art et d’Histoire de Saint-Denis, Cliché I. Andréani)

Le 18 mars 1871, les Parisiens des quartiers populaires, ouvriers, artisans et petites professions libérales se soulèvent contre le gouvernement d’Adolphe Thiers, à peine installé depuis le 17 février, à la suite de l’élection d’une Assemblée nationale le 8 février précédent. Ces évènements faisaient suite à la capitulation de Napoléon III le 4 septembre 1870 devant l’armée prussienne et à l’armistice signé consécutivement par le Gouvernement de Défense nationale le 28 janvier 1871.

Adolphe Thiers, photographié par Nadar

Les Parisiens avaient manifesté avec fougue leur volonté de déclarer la guerre à la Prusse en juillet 1870. Aussi se sentent-ils profondément humiliés par la capitulation et la signature de l’armistice et en tiennent rigueur au nouveau gouvernement. La population de Paris souffrait d’une grande pauvreté malgré les réussites économiques du Second Empire dont elle n’avait pas profité. Durant l’hiver qui venait de s’écouler, elle fut fortement éprouvée par le siège de Paris imposé par les Prussiens, alors qu’elle avait été marginalisée par les grands travaux d’urbanisme menés par le baron Haussmann. Dans ces conditions, elle ne se reconnait pas dans la nouvelle Assemblée issue des urnes, qui, reflète tout le pays, majoritairement rural, bourgeois et religieux, et qu’elle soupçonne de vouloir rétablir la Monarchie.

1860-1870 – Le Mont de Piété (auquel les parisiens ont fortement recours), Tableau d’Heilbuth – Musée des Beaux-Arts de Dijon, Photo Lauros-Giraudon

Au mois de mars, le nouveau gouvernement de Thiers prend plusieurs décisions maladroites qui embrasent aussitôt les esprits des Parisiens : suppression du moratoire jusque-là en vigueur sur les loyers (risquant de mettre à la rue de nombreux parisiens incapables de payer leurs loyers) et sur les effets de commerce (acculant de nombreux petits artisans et commerçants à la faillite), et suppression de la solde quotidienne qui était versée aux gardes « nationaux » (en fait composés de parisiens modestes). Le 18 mars 1871, ils apprennent que le gouvernement a envoyé la troupe dans la nuit pour reprendre les canons de la garde nationale, que les parisiens eux-mêmes ont contribué à financer par souscription.

Les canons de la Garde nationale remisés sur la butte Montmartre, Collection Viollet

C’en était trop ; dans les heures qui suivirent, les faubourgs s’embrasent, les gardes nationaux s’opposent à la reprise des canons. D’ailleurs, la troupe régulière fraternise avec la foule qui s’est mobilisée spontanément ; mais, cette dernière fait prisonnier les généraux qui commandent l’armée de la République et les exécute sommairement. Ainsi, l’armée officielle est en échec, et le gouvernement doit se réfugier à Versailles, d’où le nom de « Versaillais » qui sera désormais donné aux troupes républicaines sous la présidence de Thiers.

18 mars 1871 –Défense du parc de canons de la butte Montmartre – DUP0181

Ce 18 mars, l’insurrection s’étend rapidement à l’ensemble de la capitale ; le Luxembourg et l’Hôtel de ville sont aussitôt occupés et quelques barricades commencent à être érigées. Outre les 227 canons de la garde nationale, les parisiens disposent de 500 000 fusils. La dimension de revanche contre les transformations du baron Haussmann, qui ont fortement marginalisé les petites gens et contraint beaucoup d’entre eux à aller chercher un logement dans l’est de la ville, pèse aussi lourd dans l’embrasement du Paris populaire.

18 mars 1871 – Barricade de la chaussée Ménilmontant, première barricade érigée le jour même du début de l’insurrection

Les photographes, qui d’ailleurs faisaient souvent partie des petits métiers sensibles à la cause des Communards, sont très nombreux à Paris. Ils sont donc « aux premières loges » pour immortaliser ce soulèvement populaire : nous avons-là des manifestations précoces de « photojournalisme », même si peu de vues ont vraisemblablement été prises sur le vif : la plupart paraissent postérieures aux destructions qu’ils fixent sur leurs plaques sensibles (les ruines ne fument jamais : les incendies sont éteints quand ils viennent prendre leurs vues) : certaines postérieures de quelques jours, d’autres de quelques mois, ou de quelques années.

La Stéréothèque conserve ainsi une petite quarantaine de vues prises pendant ces deux mois dans Paris et sa proche banlieue : c’est un témoignage très complet des évènements marquants de la période (lots Dupin – DUP0026 à 0034, 0082, 0198 – ; Lot Coulon – CC046- ; et Lot Magendie – MAG9455 à 9457, 9460, 9463 à 9471, 9473 à 9476, 9478 à 9485).

Du 26 au 28 mars, les Parisiens des quartiers populaires élisent un Conseil de la Commune. À partir du 12 avril, les Communards édifient de nombreuses barricades pour ralentir la progression des troupes gouvernementales, que l’on sait bien devoir survenir à un moment ou à un autre, en bloquant les communications entre les différents points stratégiques.

Le 1er mai, la commission exécutive du Comité s’érige en Comité de Salut public qui va diriger l’ensemble du mouvement. Le 10 mai, ce Comité décide la démolition de la maison d’Adolphe Thiers, place Saint-Georges, en tant qu’« acte de justice » à l’égard de celui qu’ils nomment le « Foutriquet » et qu’ils voient comme le représentant des « capitulards et des bourgeois », désormais ennemi absolu de leur cause. On lui reproche aussi une affiche qu’il était parvenu à faire placarder dans toute la ville, pourtant occupée par les insurgés, prétendant que le gouvernement ne pilonnait pas la ville, alors que la population eut à déplorer de nombreuses victimes suite à ces tirs. La destruction commencera deux jours plus tard.

Maison d’Adolphe Thiers, 27 place Saint-Georges, détruite à partir du 12 mai 1871 sur ordre du Comité de Salut public - MAG9480

Dans la foulée, la destruction de la colonne Vendôme, considérée comme le symbole du despotisme impérial (elle porte la statue de Napoléon 1er à son sommet) est décidée par le Comité de Salut public. Quelques années auparavant, le peintre Gustave Courbet s’était fait un chantre de cette démolition.

La colonne de la place Vendôme abattue le 16 mai 1871 – DUP0026

Le 21 mai, Adolphe Thiers décide de lancer une offensive sur Paris. Les évènements vont alors se dérouler au rythme de l’avancée de la troupe des « Versaillais ». Ce sera la « semaine sanglante ». Les forces gouvernementales progressent très vite : les Communards, indisciplinés et mal organisés, ne faisaient en effet pas le poids devant l’armée régulière. Cette dernière, venant par l’ouest, franchit l’enceinte de la ville (voulue par Adolphe Thiers en 1840) par la rive droite de la Seine le 21 mai.

Le 22, les forces gouvernementales prennent l’avenue de la Grande Armée, la place de l’Etoile, parviennent au milieu des Champs-Elysées et, traversant la Seine, atteignent sur l’autre rive le Champ-de-Mars jusqu’à Montparnasse. Mais, depuis le 12 avril, une des 18 barricades de Paris y est édifiée, défendue par des canons, commandée par Napoléon Gaillard (cordonnier, président de la Commission des barricades) et Louis Rossel. De multiples destructions furent provoquées sur l’avenue par des tirs de canons des Versaillais depuis le mont Valérien, alors que les Prussiens y avaient déjà infligé de nombreux dégâts avant la capitulation du 28 janvier.

Destructions le long de l’avenue de la Grande Armée entre janvier 1871 et le 22 mai, certainement dues aux tirs des troupes prussiennes puis gouvernementales – MAG9465

Le 23 mai, les « Versaillais » progressent moins vite. Les Communards ont édifié de nombreuses barricades pour ralentir la progression des troupes, bloquant les communications entre les différents points stratégiques. Ainsi, la barricade de la rue de Castiglione est supposée verrouiller la communication entre la rue de Rivoli et la place Vendôme, et la barricade de la rue de la Paix bloque la liaison entre la place de l’Opéra et la place Vendôme.

Les Versaillais avancent à coup de canons, provoquant de nombreux incendies sur les immeubles riverains, comme ici rue Royale.

L’immeuble de la rue Royale dont l’incendie vient d’être éteint par les Sapeurs-Pompiers (qui sont toujours intervenus pendant l’insurrection) – MAG9474

Les barricades des insurgés cèdent le 23 mai devant l’avancée des troupes gouvernementales qui prennent le faubourg Montmartre.

Barricade de la rue de la Paix qui cèdera le 23 mai – MAG9456

Les Versaillais sont alors aux portes du palais des Tuileries.

Le palais des Tuileries suite à l’incendie provoqué dans la nuit du 23 au 24 mai – MAG9485

La bibliothèque impériale du Louvre, avec ses 200 000 livres et manuscrits, est incendiée.

Dans la journée du 24 mai, les Versaillais franchissent les Tuileries (symbole du pouvoir impérial) et le Palais Royal, tous deux en ruines. Ils ont été incendiés durant la nuit précédente par les Communards. Sur la rive gauche, les troupes de la République prennent le quartier latin et le palais du Luxembourg. Ils sont aux portes de l’Hôtel de Ville.

Ce même jour, l’Hôtel de Ville est incendié, par deux inconnus, quelques heures après son abandon par les Communards, alors que ces derniers n’auraient, semble-t-il, pas donné un tel ordre. La bibliothèque de la ville, la totalité des archives de la commune et les archives de l’Etat civil sont anéanties. La Préfecture de police et le Palais de justice sont également incendiés.

L’Hôtel de Ville de Paris après son incendie du 24 mai – MAG9469

Le 25 mai, les troupes gouvernementales ont repris toute la rive gauche de la Seine (en particulier la Butte aux Cailles et la montagne Sainte-Geneviève avec le Panthéon, fortement défendues par les insurgés) ; et, rive droite, elles passent l’Hôtel de Ville, parviennent en vue de la place de la Bastille, de la place du Château d’eau (aujourd’hui place de la République) et du bassin de la Villette.

Ce jour-là, une grande partie des monuments de Paris est en flammes ou continue à se consumer, comme illustré sur la gravure présentée en « Une ». De nombreux incendies ont été allumés par les Communards, mais les attaques à boulets rouges des troupes versaillaises ont aussi fortement contribué à propager les incendies, de sorte qu’il ne fut pas toujours évident de déterminer à quel camp imputer les destructions.

Le 26 mai, les Versaillais prennent le faubourg Saint-Antoine, la place de la Bastille, le canal Saint-Martin et remontent jusqu’à la Villette, encerclant la « zone rouge », le cœur des quartiers insurgés. Ce jour-là, le pavillon de l’Arsenal est incendié avant d’être cédé aux troupes régulières.

Le pavillon de l’Arsenal après son incendie du 26 mai – MAG9460

La zone rouge, correspondant approximativement au 20ème arrondissement, résiste de manière acharnée aux assauts des Versaillais qui mettent presque deux journées, les 27 et 28 mai, pour venir à bout des insurgés.

Le 27 mai, les Versaillais prennent les Buttes-Chaumont puis parviennent au Cimetière du Père Lachaise où se déroule l’épisode très connu des combats à l’issue desquels 147 communards sont fusillés au « mur des Fédérés ».

Les combats au cimetière du Père Lachaise le 27 mai, par Henri Félix Emmanuel Philippoteaux (Musée des Beaux-arts de Bordeaux)

Le 28 mai, les combats se poursuivent dans le quartier Belleville où les derniers combats ont lieu à la jonction des rues de la Ferme-de-Savy et Jouye-Rove, devant une des entrées du parc de Belleville. Un bas-relief conserve la mémoire de ce moment marquant.

Bas-relief commémorant les derniers combats entre les Communards et les troupes gouvernementales le 28 mai 1871, sur une des entrées du parc de Belleville. (Wikipedia - Photo Mbzt — CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=47039951)

Ils poursuivirent ensuite au-delà de l’enceinte de Paris sur Vincennes le 29.

La répression du pouvoir républicain est terrible : si les troupes gouvernementales ont officiellement perdu 877 hommes, les chiffres des victimes des communards sont incertains. On considère qu’ils perdirent au moins 17 000 insurgés, peut-être 20 000.

Il y eut en outre 43 500 arrestations qui aboutirent à plus de 30 000 condamnations ; parmi celles-ci, autour de 20 000 personnes furent transférés sur les pontons des ports de Brest, Lorient, Cherbourg et Rochefort, 7 500 furent déportées en Nouvelle-Calédonie (comme Louise Michel) ou au bagne de Cayenne ; elles seront amnistiées en 1880.

Parmi les condamnations pénales ou civiles, on trouve de nombreuses personnalités qui ont animé le mouvement ou dirigé la Commune : par exemple Louise Michel, Jules Vallès ou le peintre Gustave Courbet, accusé d’avoir été l’instigateur de la destruction de la colonne Vendôme, qui fut condamné à payer le relèvement de la colonne à ses frais. Exilé en Suisse, il mourût avant l’amnistie générale.

Les destructions furent immenses : non seulement les grands monuments officiels (dont l’Hôtel de Ville avec toute sa bibliothèque et les Archives de l’Etat Civil des Parisiens, les Gobelins où 80 tapisseries furent détruites, plusieurs églises et plusieurs théâtres) mais aussi de très nombreux bâtiments moins renommés, comme la maison de Prosper Mérimée qui brûla avec tous ses livres.

En revanche, la cathédrale Notre-Dame et les Archives nationales échappèrent aux destructions grâce à l’intervention de certains responsables de la Commune, tandis que le Louvre et ses inestimables collections ont été sauvés grâce au commandant d’un bataillon des Versaillais qui fit intervenir ses soldats pour empêcher que le feu ne se propage du palais des Tuileries au musée.

Il faudra attendre 1880-1882 pour que la plupart des monuments détruits soient reconstruits (hormis les Tuileries et le pavillon de l’Arsenal) et que Paris retrouve son apparence d’avant ces événements : on mesure donc sans doute mal l’incroyable effort financier que mobilisa la 3ème République pour parvenir à un tel résultat en une dizaine d’années !

Christian Bernadat

Bibliographie :

La Commune de Paris (Wikipédia)

La Semaine sanglante (Wikipédia)

Avenue de la Grande Armée (Wikipédia)

Bertrand Tillier, « Paris enflammé par la Commune », L’Histoire par l’image, mars 2016

Bernard Vassor, « La chute de la ‘maison Thiers' », Terres d’écrivains, 2006

Dictionnaire d’Histoire de France, sous la direction d’Alain Decaux et d’André Castelot, Librairie Perrin, 1986, Articles Commune de Paris, Défense nationale (gouvernement), Guerre de 1870, Thiers (Adolphe).

Atlas de l’histoire de France, Librairie Académique Perrin, 1996

Nouvelle Histoire de France de Jacques Marseille, Tome 15, Ed. Le Robert, 1998

La Commune de Paris par Jean-François Miniac, Revue Les Grandes Affaires de l’Histoire n°45 (Janvier-Février-Mars 2020).

Visite des usines automobiles de Dion Bouton de Puteaux en 1906

Cet article comprend des vues stéréoscopiques en anaglyphe. Pour en apprécier le relief, chaussez des lunettes bicolores ! Et pour voir les stéréos originales ou les autres vues en anaglyphe, cliquez sur l’image qui vous mènera à la Stéréothèque.

Sortie des usines de Dion Bouton à Puteaux, DB016

La Stéréothèque héberge un lot bien particulier : un reportage, directement conçu par l’entreprise De Dion-Bouton pour assurer la promotion de la marque et de ses productions : rien moins que 49 vues regroupées au sein du « Lot De Dion Bouton ». Nous ne sommes qu’en 1906 : apprécions le caractère particulièrement précurseur de cette « communication d’entreprise » voulue par ce patron industriel !

Visionneuse des vues stéréoscopiques du lot De Dion Bouton

Faire parler de son entreprise par d’autres moyens que la simple « réclame » : voilà l’objet de ce reportage photographique. Il s’agit de diffuser ces vues selon toutes sortes de moyens : peut-être en organisant des séances de visionnage dans l’entreprise elle-même lors de l’accueil de personnalités, ou dans les salons et expositions, puisque la visionneuse est marquée à l’enseigne de la société ; tous les grands de ce monde, en effet, et notamment les souverains de toute l’Europe, se sont intéressés à ses productions, jusqu’à venir visiter les usines.

Portrait du Marquis Albert de Dion vers 1907 par Chartran Théobald

 

 

Le marquis Albert de Dion s’est associé dès 1883 aux mécaniciens Georges Bouton et Charles Trépardoux pour fonder une entreprise dont l’objectif est d’abord de construire une petite voiture à vapeur. Mais, Trépardoux quittera la société 11 ans plus tard.



A partir d’octobre 1884, ils s’installent dans une nouvelle usine à Puteaux. Rapidement, ils développent leurs propres moteurs à explosion et commencent par fabriquer des tricycles à moteur qui connurent tout de suite un très grand succès, appuyés par une publicité basée sur l’humour, souvent en mettant les femmes à l’honneur, au guidon ou au volant : dès le début de la motorisation, en effet, la conduite automobile fut un axe de libération de la femme… bien accepté par la bourgeoisie !

Arlequin et Colombine échappent à la maréchaussée (c’est Colombine qui conduit !)… en tricycle De Dion Bouton, bien sûr !

En 1895, ils deviennent les premiers constructeurs au monde de petits moteurs (1 et 2 cylindres), très utilisés, notamment, dans le monde agricole.

Moteurs de Dion Bouton 1 et 2 cylindres vus en coupe, DB022

Albert de Dion a tout de suite l’intelligence de son époque : il lance ses véhicules dans les courses automobiles. Ainsi ces voiturettes 8 chevaux (« 8 HP ») posent en configuration « course ». En 1896, le marquis de Dion fait partie des fondateurs de l’Automobile Club de France qui encourage les compétitions automobiles.

8 HP De Dion Bouton prêtes pour une « coupe de voiturettes ", DB001

Certaines photos de cette série sont très connues, comme celles de la sortie des ouvriers de l’usine présentée en « Une » ou la vue suivante.

La sortie des ateliers de Dion Bouton à Puteaux, DB014

Vers 1906, l’usine occupe à Puteaux 22 000 m2 et emploie autour de 1 300 personnes. En 1900, De Dion est le plus important constructeur d’automobiles et de moteurs du monde ; ses usines sont alors les plus grandes du monde. Qui s’en souvient en dehors du petit cercle des amateurs d’automobiles anciennes ?

Les usines de Dion-Bouton à Puteaux en 1910

Mais la société perdra progressivement cette prééminence dans les années précédant la Première Guerre mondiale.

Laissons-nous maintenant guider pour une visite des ateliers : en plein essor de cette « révolution industrielle », fabriquer des automobiles mobilise des centaines de salariés.

Grand atelier de tournage, DB009
Atelier de fraisage, DB017

Une telle usine nécessite aussi une quantité impressionnante de pièces détachées : on est loin du travail à flux tendu contemporain !

Le magasin des pièces détachées, DB007

Comme la plupart des grandes industries de l’époque, De Dion-Bouton est une « entreprise intégrée » : on y fabrique à peu près tout ce qui est nécessaire au véhicule (à part les pneumatiques) :

Atelier de bobinage des dynamos, DB006
Atelier d’assemblage des accumulateurs, DB027
Atelier d’assemblage des bougies : un travail minutieux, alors effectué par une main-d'oeuvre féminine, DB028

Mais l’on insiste aussi sur l’ensemble des laboratoires de recherches dont était dotée l’usine : le marquis de Dion en était très fier, à juste titre :

Laboratoire de chimie avec ici très certainement l’ingénieur Léon Guillet qui en était responsable, DB030
L’atelier « des expériences » où l’on teste des dispositifs expérimentaux sur des moteurs avant de généraliser les innovations testées avec succès, DB031
Le banc d’essai des moteurs : aucun moteur n’était monté sur un véhicule avant d’être longuement essayé !, DB024

Il est temps, maintenant, de passer aux phases de fabrication proprement dite et d’assemblage des véhicules :

Atelier de menuiserie : n’oublions pas qu’une grande partie de la carrosserie était en bois !, DB036
Le montage des moteurs, ici des 4 cylindres, DB018
L’atelier de montage (« finition ») des châssis, DB034

Nous sommes aux débuts de l’industrie automobile : il n’y a pas de chaînes de fabrication ; ce sont les ouvriers qui se déplacent autour des châssis en cours d’assemblage.

Ici, la Voiturette 8 HP, sans doute au Bois de Boulogne, lieu favori de démonstration de la maison. D’ailleurs, chaque client venant prendre livraison de son véhicule à l’usine avait droit à un tour d’essai (ou de prise en main pour les novices !) sur les routes du Bois, DB039

Ce reportage se termine par une mise en situation des différents modèles de la marque :

Double phaéton 15 HP, voiture de milieu de gamme, DB048
Enfin, le haut de gamme de la marque, la limousine coupé chauffeur 24 HP, devant laquelle se tiennent debout Albert de Dion (à gauche) et Georges Bouton (à droite), DB043

Quelques exemplaires de ce modèle équiperont la Brigade du Tigre de la Police judiciaire.

Cette entreprise si innovante est encore très productive durant la Première Guerre mondiale, participant fortement à l’effort d’équipement militaire. Mais, dans les années d’après-guerre, le marquis de Dion fait de mauvais choix, concentrant l’essentiel de sa production sur des modèles de luxe et de haut de gamme, alors que l’automobile se démocratise et que le coût de la main-d’œuvre augmente fortement. L’entreprise doit déposer son bilan en 1927.

Christian Bernadat

Bibliographie :

La Vie de l’Auto (hebdomadaire), « La fabuleuse histoire d’Albert de Dion et Georges Bouton » par Alexis, janvier à octobre 1991.

Encyclopédie de l’Automobile, Éditions Gründ, Paris 1992, article « De Dion Bouton ».

De Dion-Bouton une aventure industrielle, Musée national de la voiture et du Tourisme, Château de Compiègne, mai 1993 (source des trois vues non stéréoscopiques),

Au cœur des voitures françaises, Hachette Collections, Paris 2003, article « De Dion-Bouton ».

La grande époque des De Dion-Bouton, René Ville et l’Amicale De Dion-Bouton, septembre 2004

Cheminement en rade de Bordeaux entre 1860 et 1920 : choses connues et scènes plus inattendues

Bordeaux, vue générale en direction du port, 1869-1900, collection Magendie, MAG1156

La Stéréothèque conserve plusieurs dizaines de vues sur Bordeaux et son port au cours de la deuxième moitié du XIXe et du premier quart du XXe siècle (en particulier dans les collections Duclot, Gaye, SAB, Magendie, Mathivet et Calvelo).

Beaucoup d’entre elles nous montrent une rade conforme aux vues les plus connues, avec des dizaines de voiliers amarrés partout sur la « rivière », comme l’on disait alors à Bordeaux. Ainsi, la vue générale présentée en « Une », prise depuis le clocher de l’église Saint-Michel, avec toutes ces goélettes de pêche ou de transport à deux ou trois mâts mouillant au-delà du Pont de Pierre, et, le long du quai, des gabarres amarrées sur la rive en pente.

La vue du quai Richelieu ci-dessous nous montre à peu près le même spectacle, mais vu de plus près.

Bordeaux, vue sur l'actuel quai Richelieu, 1869-1900, collection Magendie, MAG1155

Elle est prise en aval du Pont de Pierre. Les quais sont pavés et équipés de rails. Il y règne une intense activité portuaire. Sur la rive pavée toujours en pente, les gabarres étaient bien sûr souvent employées au transport du vin en tonneaux ; mais un grand nombre d’entre elles étaient aussi utilisées comme allèges portuaires, pour décharger à même le fleuve les plus gros navires qui ne pouvaient pas aborder la rive, en l’absence de quais verticaux, et, en retour, assurer leur approvisionnement. En haut à gauche, au milieu du fleuve, mouille une série de morutiers à voile, tandis qu’à droite de la vue, un beau trois-mâts de transport au long cours est à l’ancre, proue tournée vers l’aval, face à la marée montante.

La vue suivante montre encore une scène à peu près identique, mais observée en face depuis le quai de Queyries en rive droite :

Bordeaux, gabares et voiliers de charge dans la rade, vers 1870, collection Calvelo, CAL0018

Les gros voiliers de charge, au second plan, sont toujours amarrés proue vers l’aval, tandis qu’au premier plan, les gabares, le long de la berge en pente, ont pour la plupart simplement replié leur voile le long du mât, signe d’un nouveau départ envisagé dans la journée. Elles ont déchargé les habituels futs de vin, et, plus inattendu, des bottes d’osier (pour le « marché aux vîmes » qui se tenait une fois par semaine quai des Salinières) ou le foin pour les chevaux de trait ; quant aux charrettes, toutes attelées, elles attendent sagement leur chargement.

Intéressons-nous maintenant à l’activité des quais, en parcourant ceux-ci de l’amont vers l’aval. Au détour des collections, nous rencontrons quelques documents de tout premier plan, illustrant des scènes plus inattendues, témoignages rares ou uniques d’une période révolue. C’est le cas de l’image suivante, une des plus anciennes de la Stéréothèque (autour de 1860).

Elle semble prise du parapet qui descend du Pont de Pierre vers le quai Richelieu (d’abord appelé quai de Bourgogne). Son intérêt repose sur les embarcations du premier plan ; nous y trouvons de gauche à droite :

  • en premier, troisième, quatrième et sixième position, des allèges de différentes tailles, une petite, chargée de sacs ou de pierres, la troisième très imposante et vide ;
  • en seconde et cinquième position, de grandes sapines (de 25 m environ) dites « de type tarnais » : leur proue est fortement relevée, et leur pont recouvert d’un « pontil » qui supporte une grue en bois à double volée ; en arrière une cabine construite comme une cabane sert d’habitation pour le marin ainsi que de bureau pour qu’il enregistre les marchandises qu’il prend en charge ou qu’il décharge. Ces embarcations ne sont pas équipées de mât : il s’agit de bateaux hâlés, en général par des chevaux, mais parfois pris en remorque par des navires de charge à voile, qui sont alors manœuvrés dans les ports par de grandes perches. Leurs dimensions étaient calibrées à la taille des écluses du canal latéral à la Garonne.

Dans l’histoire de la marine fluviale, cette photo est un document rare : elle serait l’unique représentation aussi précise de ces grosses sapines tarnaises qui assuraient le transport des marchandises le long de la Garonne et de ses affluents. Elles vont être rapidement condamnées par le développement des chemins de fer qui, au cours de la décennie suivante, accapareront tout le transport des marchandises.

Bordeaux, les quais, vers 1860, collection Duclot, plaque 003

À peu près au même endroit, ci-dessous, amusons-nous de ce pêcheur sur sa barque qui prépare son matériel, indifférent à l’activité environnante : en arrière, des portefaix déchargent un ponton, en équilibre sur une planche servant de passerelle, le quai vertical n’ayant été érigé ici qu’en 1926.

Bordeaux : pêcheur sur sa barque en aval du Pont de Pierre, 1895-1910, collection Société archéologique de Bordeaux, SAB121

Ci-dessous, en nous retournant vers le fleuve, un marin sur sa barque accroche à la gaffe le bordé d’un petit vapeur, peut-être un remorqueur de gabarres, tandis qu’entre les gabarres, en second plan, émerge la silhouette de deux cargos à vapeur. La vue semble prise du quai Richelieu en direction de la Bastide dont les maisons sont visibles en arrière-plan.

Bordeaux : gabarres à couple dans le port, 1910-1920, collection SAB109

Avançons jusqu’au quai de la Bourse, devant la place des Quinconces. Là était le « quai d’honneur » du port, que l’on réservait plutôt aux navires à passagers, du fait de son quai vertical, le plus ancien du port, construit en 1855. Ici apparaît un témoignage caractéristique de l’époque : nous sommes aux environs de 1870, et une grue à mâter y est toujours implantée, pour permettre les interventions d’urgence que pouvaient nécessiter les très nombreux navires à voiles fréquentant encore le port. Mais sur cette vue, c’est un beau vapeur mixte qui est à quai, toujours équipé de deux gréements pour se passer des machines lorsque le vent le permettait. Disposant de peu de superstructures, on a sans doute à faire à un cargo de cabotage ou un navire-poste, qui accueillaient aussi quelques passagers.

Bordeaux, vue de la rade, autour de 1870, collection Calvelo, CAL0019

Écartons-nous maintenant du bord : la vue suivante est prise depuis les quais de la rive gauche, peut-être en face de la place de la Bourse, en direction des usines de la Bastide et du quai de Queyries dont on aperçoit les cheminées fumantes dans le lointain. Elle nous montre un vapeur mixte de type goélette à l’ancre, sous grand pavois : il est décoré pour marquer un évènement important, fête locale, ou, pourquoi pas, la venue du président de la République Emile Loubet à Bordeaux les 25 et 26 avril 1905, à moins que ce ne soit lors de l’Exposition Maritime internationale qui se déroula ici d’avril à novembre 1907 ?

Bordeaux, goélette mixte sous grand pavois dans la rade, 1900-1910, collection SAB, SAB112

Justement, voici le président Emile Loubet qui vient à Bordeaux les 25 et 26 avril 1905 pour inaugurer le monument à Gambetta (érigé sur les allées de Tourny) : il arrive de Libourne et traverse la rade à bord de ce gros vapeur fluvial à roue, le « France », (à deux cheminées et deux chaudières) de la Compagnie Maritime Bordeaux-Océan, spécialisée dans la liaison Bordeaux-Royan.

Bateau présidentiel entre Bordeaux et Libourne, 25-26 avril 1905, collection Mathivet, MAT002

Avançons ensuite ci-après jusqu’au quai de Bacalan, en amont des bassins à flot : sur la période la plus tardive de notre sélection, portons notre attention sur cette petite grue cylindrique, devant laquelle est amarré un joli yacht à vapeur, scène qui peut paraître anodine au premier regard : l’engin serait-il une grue à vapeur, modèle le plus courant dans les ports avant la Première Guerre mondiale ? Il n’en est rien ! Nous sommes en présence d’une grue au mécanisme original, animé par un mouvement hydraulique (au sens propre du terme) : la cabine abritait au-dessus d’elle (et peut-être aussi en-dessous pour équilibrer les masses) une citerne d’eau, d’où sa forme cylindrique. La grue les remplissait aux bouches à eau réparties régulièrement le long du quai, l’eau étant mise en pression dans ce réseau par une pompe refoulante mue à la vapeur, installée dans un bâtiment du port. La force motrice était obtenue par la pression due à la simple gravité, comme dans un château d’eau. Ce dispositif rendait ces grues beaucoup plus autonomes que celles équipées d’une machine à vapeur, qui, embarquée dans la cabine, nécessitait qu’un chauffeur alimente le foyer en charbon, et recharge régulièrement son stock au prix de nombreux arrêts. Elle fait partie des équipements installés lors de l’extension du port de 1910. Le « pontonnier » (le grutier) se tenait dans la cabine cylindrique, surveillant son travail de montée ou de descente des charges, à travers des vitres bien visibles ici. Ces machines resteront en service jusqu’à leur remplacement par des grues électriques vers 1928.

Yacht à vapeur et grue hydraulique dans le port de Bordeaux, 1910-1928, collection SAB, SAB249

Faisons ci-après un crochet par les bassins à flot : la grande forme de radoub de 225 m vient d’y être creusée en 1910. Ce cuirassé, bien typique de la flotte du début du XXe siècle, est donc peut-être un des premiers navires à y être réparé. Les travaux d’entretien et de radoub y étaient effectués par des équipes sélectionnées par appel d’offre à chaque nouveau chantier auprès des différents chantiers navals de Bordeaux,

Port de Bordeaux : cuirassé dans la forme de radoub des bassins à flot, 1910-1920, collection SAB, SAB118

À peine plus loin, au-delà des écluses commandant l’entrée des bassins, un beau quatre-mâts barque est amarré devant les chantiers navals Dyle et Bacalan, certainement pour entretien ou réparation.

Bordeaux : quatre-mâts barque devant les chantiers Dyle et Bacalan, 1910-1920, collection sAB, SAB159

Quittons maintenant Bordeaux pour traverser vers Lormont sur la rive droite (ici à droite sur la photo), en compagnie de ces messieurs en tenue printanière, un jour calme, à bord de cette  vedette fluviale à vapeur (sans doute de la compagnie des Hirondelles) qui faisait plusieurs fois par jour la traversée. De nombreux ouvriers des usines de Bacalan logeaient en effet sur la rive droite, d’habitat réputé « populaire », et faisaient quotidiennement la traversée, ce qui leur évitait le long détour qui aurait nécessité de prendre plusieurs tramways, s’il avait fallu traverser le fleuve par le seul pont existant, celui de Pierre, situé à plus d’un kilomètre en amont de Lormont comme de Bacalan.

Bordeaux : A bord d'une vedette fluviale au pied des collines de Lormont, 1910-1920, collection SAB, SAB114

Inévitablement, notre vedette passe au pied des collines de Lormont, le long desquelles est implantée cette drôle d’installation ci-dessous : la cale inclinée des chantiers Labat et Limousin qui permettait de remonter, en parallèle à la rive, des navires tout gréés d’un poids pouvant aller jusqu’à 3 000 tonnes, comme ici en 1868 le paquebot transatlantique La Navarre (un vapeur à roues) des Messageries Maritimes, de 100 mètres de long et 2 000 tonnes. Ces installations, qui avaient valu à leur inventeur une médaille d’or aux Expositions Universelles de Londres en 1862 et à Paris en 1867, équipait moins d’une dizaine de ports dans le monde, et donnait à Bordeaux un avantage de choix sur l’ensemble des ports de la façade atlantique, en matière de capacité de réparation. Elles demeureront en service jusqu’au milieu de l’entre-deux-guerres.

Lormont, le paquebot La Navarre sur la cale inclinée des Chantiers Labat en 1868, collection Magendie, Mag1503

Christian Bernadat

Bibliographie :

  • Sur Bordeaux au XIXe siècle et la construction navale :

Robert Chevet, Marins de Bordeaux, Editions Confluences 2001

Hubert BONIN, Les patrons du second Empire, Bordeaux et la Gironde, Ed Picard/Cénomane, Le Mans 1999

Roger et Christian Bernadat, Quand Bordeaux construisait des navires, Ed. de l’Entre-deux-Mers, 2ème édition, Décembre 2016

  • Sur les embarcations fluviales anciennes :

Les bateaux garonnais (II), François Beaudouin, Les Cahiers du Musée de la Batellerie n°45, décembre 2001

  • Sur le vapeur fluvial « France » de la Compagnie Maritime Bordeaux Océan :

https://www.gauriac.fr/index.php/decouverte/memoire-du-village/l-estuaire/191-au-temps-des-bateaux-a-roues.html,

Guy Mouchet, Ports et Gabares de Gironde, Ed. Alan Sutton

  • Sur les grues hydrauliques :

Avec l’expertise de Jacques Tanguy du Musée Maritime et Fluvial de Rouen pour la grue hydraulique.

  • Sur les chantiers Labat et le Paquebot La Navarre :

Wikipedia (https://fr.wikipedia.org/wiki/Théophile_Labat),

http://www.messageries-maritimes.org/rio-grande.html

À Venise au cours de la seconde moitié du XIXe siècle

Venise, vue depuis le Campanile sur le débouché du Grand Canal, 1855-1899, Collection Coulon, vue CC039

     Aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, Venise est une étape incontournable du « Grand Tour », ce voyage à but culturel et artistique qu’accomplissaient les jeunes européens des familles fortunées. Au XIXe siècle, cette tradition perdure mais s’ouvre progressivement à un public plus large, notamment grâce aux progrès du chemin de fer, qui arrive à Mestre en 1846, puis à Venise même dès l’achèvement du pont ferroviaire sur la lagune en 1858.

Avec l’apparition de la photographie, cette période devient propice aux premiers reportages. La photographie stéréoscopique n’échappe pas à cette tendance ; la Stéréothèque présente une remarquable collection de vues témoignant de la cité vénitienne de cette seconde moitié du XIXe siècle (au moins une trentaine de vues dans les collections Coulon, Calvelo, Magendie et Wiedeman, sur la période 1855-1899).

1858 – Arrivée des premiers trains dans la cité de Venise (Gravure de Marco Moro)

Pour ceux qui connaissent la cité des Doges, à travers ces vues, Venise a quelque chose de tout à fait particulier : au premier examen, la ville semble inchangée ; pourtant, en observant ces vues avec plus d’attention, nous avons là de nombreux témoignages d’un temps désormais révolu, alors que le décor est resté presque intangible.

Précisons que, depuis 1866, la cité fait partie intégrante du Royaume d’Italie, grâce à Napoléon III qui a détaché la Vénétie de l’Autriche à l’issue de la bataille de Sadova.

Sur la vue présentée en Une (CC019) le décor connu est parfaitement en place : depuis le sommet du Campanile, notre regard franchit les toitures de la bibliothèque Marciana, on aperçoit les jardins Reali, puis, sur l’autre rive, la pointe de la Douane, la basilique Santa Maria de la Salute et même, au loin, sur l’île de la Giudecca, l’église du Redentore. Pourtant, le Grand Canal est incroyablement vide et calme. À contrario, amarrés à couple le long de la Douane de Mer sur le canal de la Giudecca, une multitude de navires marchands relâchent, pour y accomplir leurs formalités douanières comme cela se passe ici depuis plusieurs siècles : en cette fin du XIXe siècle, le commerce maritime est encore l’activité principale de la cité des Doges, bien avant le tourisme naissant…

Venise, vaisseaux au mouillage dans la rade, 1855-1870, Collection Wiedemann, WIE346
Venise, vaisseaux sur le canal de Saint-Marc, vers 1860, Collection Calvelo, CAL0132.

Le tourisme commence certes à se développer, mais nous sommes loin des foules que l’on rencontre aujourd’hui : sur le quai dit « Riva degli Schiavoni » et sur la piazzetta, un public clairsemé de vénitiens et de touristes de la bonne société déambule sagement.

Venise, le Môle et la Piazzetta,1868, Collection Calvelo, vue CAL0156

Sur le Grand Canal, nous constatons le même calme et même vide qu’à la pointe de la Douane. Au pied du pont du Rialto, des gondoles et des bateaux de livraison sont à quai, en un lieu où l’on décharge toujours les marchandises. Mais, grande différence avec aujourd’hui, aucune station de vaporetto n’y est amarré, aucun vaporetto ne circule : c’est en effet seulement à partir de 1881 que le Grand Canal sera sillonné de ces vapeurs de transport public…

Venise, vue sur le pont du Rialto,1855 – 1870, Collection Wiedemann, WIE339

Plus loin, la place Saint-Marc est presque immuable : au fond d’une place au vide impressionnant, trône la Basilique Saint-Marc, tandis qu’un personnage pose ostensiblement devant l’objectif. Le campanile aussi paraît intangible dans son décor.

Pourtant, cette photo est un témoignage plus important qu’il n’y paraît : en 1902, cet édifice s’effondrera comme un château de cartes, avant d’être reconstruit en 1912, tellement à l’identique (« dove’era, com’era », là où il était, comme il était) que le touriste d’aujourd’hui peut croire qu’il a traversé les siècles sans une égratignure…

Venise, la basilique Saint-Marc et le campanile, 1857-1864, Collection Magendie, MAG6169

Tout au fond, à droite du Campanile, on aperçoit le palais des Doges. Sa porte principale, la porte « della Carta », fait la liaison architecturale avec la basilique. Portons notre attention sur la vue suivante : son linteau est vierge de toute sculpture. En effet, jusqu’à la prise de la cité par Napoléon en 1797, trônait ici une représentation du Doge Foscari faisant face au lion de Saint-Marc. Ce groupe sculpté a seulement été rétabli, par une copie néogothique, en 1885. À nouveau, nous avons ici l’image d’un temps révolu.

Venise, la porte della Carta, entrée principale du Palais des Doges,1855-1859, Collection Magendie, MAG2303

Dans la cour intérieure du palais, une Vénitienne pose sur les escaliers d’un des deux puits Renaissance en bronze de la cour, avec ses seaux : scène de vie quotidienne prise sur le vif ou habitante en habit traditionnel posant pour le photographe contre rétribution ? On ne sait. Cette vue rappelle en tout cas que la cour intérieure du palais est restée longtemps accessible librement à la population de la cité pour y puiser de l’eau, scène semble-t-il encore possible au milieu de ce XIXe siècle.

Venise, un des deux puits du palais des Doges, 1855-1859, Collection Magendie, MAG2308

Si l’on chemine sur le quai de la « Riva degli Schiavoni », on parvient en quelques minutes devant l’Arsenal de la cité ducale. Vision incroyable pour un touriste contemporain, sur le canal d’entrée (le « rio dell’Arsenale ») mouille un gros vaisseau à trois mâts, sans doute militaire. À la date de cette photo, la Vénétie est encore rattachée à l’Empire d’Autriche. À cette époque, le pont enjambant le rio situé aujourd’hui dans le prolongement du quai était inexistant, le seul franchissement possible étant permis par la passerelle en bois amovible, toujours en place maintenant. Encore une vue impensable aujourd’hui….

Venise, navire devant l'arsenal, vers 1860, Collection Calvelo, CAL0078

Enfin, devant un des lions de l’Arsenal, pose encore un personnage. Essayez aujourd’hui de faire une telle photo sans touriste dans le champ de votre objectif !

Venise, vue sur un des lions de l'Arsenal, 1855-1870 , Collection Wiedemann, WIE338

Christian Bernadat

L’Exposition internationale de Bordeaux de 1895

Exposition internationale de Bordeaux, façade sur le fleuve, 1895, fonds Société archéologique de Bordeaux, SAB 384

Le « concept » d’Exposition Internationale Universelle voit le jour au milieu du XIXe siècle, comme une célébration de la foi dans le progrès, en rassemblant tout ce que la science et l’industrie savait produire ou inventer de neuf. La première Exposition Internationale Universelle a lieu sous le Second Empire à Paris en 1849, vite suivie par celle de Londres en 1851. Les grandes nations y expriment leur compétition dans une succession effrénée de manifestations.

Les grandes villes européennes n’entendent pas rester à l’écart de ce mouvement. C’est ainsi qu’en France, Bordeaux se lança, comme Lyon et Rouen notamment, dans une telle aventure, conçue comme une grande campagne promotionnelle pour les activités de sa région et de son port. La capitale girondine organisa ainsi cinq grandes expositions internationales en ce XIXe siècle, succédant à 8 expositions à vocation seulement régionale ou nationale : 1850, 1855, 1859, 1865 et 1895. Il s’agissait de mettre l’accent non seulement ur «l’économie coloniale», mais aussi sur l’agriculture, la production de vins et spiritueux, les beaux-arts et l’industrie.

Organisée sur la place des Quinconces par la Société Philomathique de Bordeaux, (première association créée en 1807 en France pour promouvoir « l’éducation populaire » par la formation hors d’un parcours scolaire), l’exposition s’étend sur 10 ha et accueille 10 054 exposants.

 

Plaquette de la Société Philomatique, Couverture

C’est l’architecte Joseph Albert Tournaire, celui qui a conçu l’Exposition Universelle de 1889 à Paris, qui est choisi pour la construction des palais et des pavillons de Bordeaux. La Stéréothèque  comporte, au sein de la Collection de la Société archéologique de Bordeaux, une série remarquable de 25 vues sur cet évènement.

 

Plaquette de la Société Philomatique, page 43

Façade latérale côté sud (le long des Allées d’Orléans), 1895, fonds Société archéologique de Bordeaux, SA280

Les colonnes rostrales et la vue sur la rade de Bordeaux, depuis la façade de l’Exposition sur le fleuve, 1895, fonds Société archéologique de Bordeaux, SAB410

Chaussez vos lunettes bicolores pour voir le relief !

L’exposition se tient du 1er mai au 1er novembre 1895. Tout au long de cette durée, selon un concept déjà très moderne, des expositions temporaires thématiques sont organisées, comme une présentation de chrysanthèmes annoncée par un panneau au-dessus de l’entrée principale sur la vue suivante. Il s’agit ici de floralies présentées dans le pavillon d’horticulture, les variétés de cette plante n’étant pas encore utilisées pour le fleurissement des tombes.

Entrée principale de l’Exposition, 1895, fonds Société archéologique de Bordeaux, SAB318

La colonne des Girondins, monument emblématique à l’ouest de la place des Quinconces, est incluse dans le périmètre de l’Exposition :

Vue générale du Palais de l’Électricité autour de la colonne des Girondins, 1895, fonds Société archéologique de Bordeaux, SAB327

La limite ouest de la place, formant un arc de cercle, est bordée de bâtiments d’exposition épousant la courbure de la place autour de la colonne des Girondins.

Sur un côté, on trouve la façade intérieure du pavillon principal. Sa porte centrale, monumentale, est surmontée d’un globe terrestre, lui-même dominé par une allégorie de la Fortune, symbole très en vogue en cette fin de XIXe siècle pour célébrer sa foi en la prospérité à travers le commerce, symbole qui n’est pas sans rappeler l’ensemble sculpté qui surmonte le bâtiment de la Douane de Mer à Venise.

Façade intérieure du palais principal, 1895, fonds Société archéologique de Bordeaux, SAB309

En vis-à-vis de ce dernier pavillon, donc sur un emplacement d’honneur, on trouve le « Palais de l’Electricité », grande nouveauté technologique de cette fin de siècle, en lequel on fonde de grands espoirs. A l’intérieur, on y fait notamment des démonstrations de télégraphie, rendue possible par cette nouvelle énergie. Elle est produite par une éolienne établie, non loin de là, au sommet d’une tour métallique.

Porte principale du Palais de l’Électricité, 1895, fonds Société archéologique de Bordeaux, SAB315

Intérieur du Palais des Vins, 1895, fonds Société archéologique de Bordeaux, SAB281

Et, déjà en cette fin de XIXe siècle, la promotion de la cité balnéaire d’Arcachon est incontournable, avec ce pavillon du Bassin d’Arcachon, agrémenté de proues de pinasse (dans l’esprit des colonnes rostrales) et de rames décorées, qui cherche à attirer un public le plus large possible de toute la France, et même de l’étranger. Dans le même esprit, on trouve un pavillon de Soulac et un pavillon de Royan.

 

Christian Bernadat

 

Sources :

Ce fabuleux XIXe siècle, Pierre Sipriot, Ed. Belfond 1990

Christelle Lozère, Bordeaux colonial de 1850 à 1940 (Revue en ligne).

Plaquette photographique de la Société Philomathique

Le premier meeting aérien de Périgueux

Chamiers, premier meeting aérien de Périgueux, avril 1911, collection D’Halluin. Voir la notice de l’image

La collection d’Halluin comprend un reportage de 27 vues qui nous racontent cet évènement.

Autour des années 1910, les meetings aériens se multiplient dans tout le pays, la population se passionnant pour ce miracle des inventions « modernes », l’aptitude nouvelle qu’a trouvée l’homme de faire voler le « plus lourd que l’air ».

Les 22, 23 et 24 avril 1911 se déroule à Chamiers, près de Périgueux, le premier meeting aérien de Dordogne, un des premiers en Aquitaine.

Couverture du programme du meeting (Source : www.meetingsaerienshistoriques.com)

Les préparatifs sont à la hauteur de l’engouement populaire du moment pour ce qui est pris par la population comme une manifestation spectaculaire du progrès technique triomphant : un train spécial a été prévu (ligne Périgueux-Ribérac), un service médical est assuré par les dames de la Croix-Rouge, le service d’ordre par une compagnie du 50ème RI et trois hangars ont été spécialement construits pour abriter les aéroplanes.

Chamiers, premier meeting aérien de Périgueux, avril 1911, collection D’Halluin. Voir la notice de l’image

L’animation du meeting est assurée par quatre pilotes : Jacques Labouchère, Jules Fischer, Marthe Niel et Monsieur Mallard.

Comme attendu, une importante foule de curieux s’est pressée sur le terrain dès le premier jour.

Chamiers, premier meeting aérien de Périgueux, avril 1911, collection D’Halluin. Voir la notice de l’image

L’aviateur Mallard fut le moins chanceux des quatre. Le premier jour, à cause du brouillard, il ne put pas arriver par la voie des airs. Il arriva seulement le second jour, le 23 avril, son avion, un monoplan Nieuport II, N, D ou G,  tiré par une automobile… ce qui provoqua des commentaires acides des journalistes ( !). Ceux-ci en profitaient en outre pour railler son monoplan qu’ils trouvaient bas et écrasé, « comme un insecte massif à courtes pattes » ! Il prit l’air péniblement, gêné par une forte brise. Mais, son élan le porta vers un pylône électrique dans lequel il alla se ficher.

L’aviateur Mallard, Chamiers, premier meeting aérien de Périgueux, avril 1911, collection D’Halluin. Voir la notice de l’image

Heureusement, le courant électrique avait été coupé le temps du meeting. Il attendit assis en équilibre instable dans sa machine qu’on vienne le délivrer, sain et sauf… mais ridiculisé !

L’aviateur Jules Fischer utilise une machine construite par Henri Farman, sans doute son biplan du modèle n°III. Il exécute un vol parfait, survolant le quartier Saint-Martin, et se pose « avec une légèreté surprenante » « exactement devant la porte de son hangar », à la grande surprise des spectateurs.

L’aviateur Fischer, Chamiers, premier meeting aérien de Périgueux, avril 1911, collection D’Halluin. Voir la notice de l’image

Jacques Labouchère, quant à lui, utilise un biplan construit par Zodiac, ici stationné devant le hangar marqué à son nom. Il inaugure ici une machine « flambant neuve ». Il décollera très facilement et atterrira « avec une aisance remarquable » devant cinq mille spectateurs. Il effectuera même un vol avec un passager.

L’aviateur Labouchère, Chamiers, premier meeting aérien de Périgueux, avril 1911, collection D’Halluin. Voir la notice de l’image

Enfin, Marthe Niel, de son vrai nom Marie Ange Denieul, seconde femme française à avoir obtenu son brevet de pilote de l’Aéro-Club de France, était surnommée « la femme oiseau ». Elle réalise ses exhibitions avec un monoplan Pivot-Koechlin, qualifié de « gracieux » par les journalistes. A Périgueux, elle va captiver son public et devenir la véritable héroïne de la manifestation.

Marthe Niel lors à l’issue du passage de son brevet de pilotage le 29 août 1910 (source : Une passion jusqu’au ciel, Marthe Niel et Paul Koechlin)

Vue de dos sur la photo présentée en Une, elle laissa d’abord son jeune mécanicien Joseph Franz faire une première démonstration. Elle effectua ensuite sa propre prestation, en frôlant la cime des arbres bordant la route de Bordeaux. Piquant du nez à l’atterrissage, elle causa de légers dommages à l’hélice et cassant la béquille correspondant aux roues des patins. Il n’y eut, heureusement plus de peur que de mal et fit ainsi frémir d’émoi les spectateurs.

Christian Bernadat

 

Bibliographie :

 

https://aeroclubperigueux.com/aeroclub/historique-laviation-a-perigueux/

https://www.meetingsaerienshistoriques.com/photos/perigueux-avril-1911-20-pages?page=20

Philippe Busch, Une passion jusqu’au ciel, Marthe Niel et Paul Koechlin, Les Editions de l’Officine, Brive, 2e T 2016

Cartes postales anciennes Périgord Dordogne

Chaussez vos lunettes bicolores pour voir cette image en relief !

Novembre 2019 : il y a 150 ans était inauguré le Canal de Suez

 

Commencés en août 1859 sous la responsabilité de Ferdinand de Lesseps, les travaux de creusement du Canal de Suez s’achèvent exactement dix ans plus tard, en août 1869, et l’ouvrage est inauguré en grande pompe le 17 novembre de la même année, en présence de l’impératrice Eugénie (l’épouse de Napoléon III), venue sur le yacht impérial L’Aigle, ainsi que l’empereur d’Autriche François-Joseph.

L’anniversaire de cette inauguration vient d’être commémoré au cours de ce mois de novembre 2019.

Au sein de la collection de la Société Archéologique de Bordeaux (SAB), la Stéréothèque comporte un véritable reportage de dix clichés stéréoscopiques sur cet évènement (SAB063, SAB064, SAB065, SAB066, SAB067, SAB068, SAB072, SAB456, SAB457, SAB458).

Carte itinéraire du canal de l’isthme de Suez (L’illustration du 21 août 1869)

Ferdinand de Lesseps, caricature de Carjat (Source : BnF)

Ferdinand de Lesseps séjourna une première fois en Égypte avec son père, nommé commissaire général en Égypte en 1802. Ferdinand lui-même y occupa ensuite le poste de consul de France de 1832 à 1837. De ces séjours, il avait conservé une solide amitié avec le vice-roi d’Égypte ; il enseigna même l’équitation à son fils, Saïd Pacha. A son accession au pouvoir en 1854, ce dernier, nouveau khédive, octroya à Ferdinand de Lesseps, alors en retraite, la concession du terrain nécessaire à la construction du canal.

Avec des investisseurs français et le khédive, une Compagnie universelle du canal maritime de Suez est constituée en 1858, sous concession de 99 ans. Le creusement démarra en 1859 à la pelle et à la pioche par des milliers de fellahs réquisitionnés. A la suite d’une campagne de protestation contre ce travail forcé, le chantier se poursuivra en 1863 avec des travailleurs salariés et du matériel moderne.

Source : L'Illustration

L’inauguration a lieu le 17 novembre 1869. Pour cette occasion, de nombreux princes et chefs d’état européens sont venus à bord de leurs navires (hormis les souverains de Grande Bretagne qui boudent le canal !), dont l’empereur d’Autriche François-Joseph et l’impératrice Eugénie, son époux Napoléon III, malade, n’ayant pas pu être présent.

Inauguration du canal de Suez par Edouard Riou (Source : herodote.net)

Le yacht impérial, l’Aigle, est bien identifiable sur cette photo, une corvette à vapeur à roues à aube dotée de trois mâts. Ce bâtiment sera le premier à pénétrer dans le canal pour la « croisière inaugurale ». 77 navires forment le convoi officiel, dont 54 sous pavillon français. Les festivités dureront jusqu’au 20 novembre.

Le canal, long de 161 km à niveau (c’est-à-dire sans écluses) permet alors aux navires de l’époque de passer de la Méditerranée à la Mer Rouge en 14 heures de navigation auxquelles il faut ajouter environ deux heures pour l’enregistrement et les formalités. En évitant le contournement de l’Afrique, il raccourcit, par exemple, la route maritime de Londres à Bombay de 8 000 km. On y circule dès le départ en convois en sens unique alterné, avec croisement dans les lacs situés à proximité des deux extrémités : El Ballah et Amer. Les navires, en général des vapeurs mixtes, y circulent avec leur propre mode de propulsion, sous la conduite d’un pilote. Les voiliers sans autre propulsion, doivent être remorqués par un autre navire du convoi (au début, aucun remorquage n’a été prévu).

Between Kantara and El-Ferdane - The First Vessels through the Canal (source : Wikipedia)

Malheureusement, l’Égypte, en difficulté financière, vendit en 1875 ses actions à la Grande-Bretagne dont les navires en étaient devenus de suite les premiers utilisateurs. À la suite de troubles, les Britanniques occuperont militairement la zone du canal à partir de 1882, et en conserveront de fait le contrôle jusqu’à sa nationalisation en 1956.

Sources de la documentation :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Canal_de_Suez

http://www.herodote.net/17_novembre_1869-evenement-18691117.php

Histoire de la Marine, Ed l’Illustration, Paris 1942, pages 514 et 515, à partir d’articles parus dans l’Illustration des 21 août et 18 septembre 1869.

Le Marin, hebdomadaire du 14 novembre 2019.

 

Christian Bernadat

Les villas royannaises

Dans la nuit du 5 janvier 1945, la ville de Royan est bombardée par les Alliés, dans le but de libérer la cité balnéaire. Les troupes allemandes occupaient le lieu depuis 1940, point stratégique devenu une des « poches » de résistance sur le littoral atlantique.

Les 1500 tonnes de bombes entrainent la mort de 500 personnes et laissent environ 400 blessés.

La ville, elle, est défigurée, détruite à près de 95%. Un autre bombardement, en avril, parachève cet état et entraine la reddition des occupants quelques jours plus tard.

Du centre-ville et du front de mer, il ne reste que peu de murs encore debout. Sur le boulevard Frédéric Garnier, longeant la plage de la Grande Conche, de nombreuses villas typiques de l’architecture balnéaire gisent au sol. Ces résidences, dans un éclectisme tout XIXe siècle, s’étaient multipliées pour accueillir une population venue profiter de l’essor du tourisme balnéaire.

Collection Besson, BL219
Collection Société archéologique de Bordeaux, SAB085

L’architecture des stations balnéaires relève d’inspirations diverses issues notamment des revues spécialisées qui diffusent alors modèles et idées. Comme de nombreuses habitations bourgeoises des bords de mer, on joue sur les formes, mélangeant baroque et classicisme.

Elles peuvent être classées selon des « types » comme les  chalet, cottage ou encore castel auquel appartient la villa ci-dessous :

Collection Société archéologique de Bordeaux, SAB080

Le style se définit par au moins un emprunt à l’architecture castrale ; ici ses deux tourelles.

Construite vers 1890, son architecte et son entrepreneur demeurent inconnus. Ses proportions et son organisation interne en font une demeure plus qu’inhabituelle. 

Les petites tours à dômes couverts d’ardoises traitées comme des belvédères font penser à des campaniles, donnant leur nom à la villa. La partie basse, elle, est plus classique avec ses colonnes et ses vastes ouvertures symétriques. Cette façade est inspirée de celle du second casino de Foncillon, bâti entre 1882 et 1885 sur les plans de l’architecte bordelais Cyprien Alfred Duprat.

Elle fut acquise vers 1905-1910 par Louis Lehmann, fils de l’homme d’affaire Léon Lehmann, fondateur des Nouvelles Galeries de Cognac. Ses frères possédaient d’autres villas de Royan : Espérance et Aigue Marine, respectivement aux numéros 42 et 100 du boulevard Garnier.

La villa qui dépasse sur la partie gauche a été détruite lors du bombardement. Elle est visible sur une autre vue stéréoscopique :

Une famille (une femme, une jeune fille et deux garçons) pose devant la villa. On discerne derrière elle la ligne de l’ancien tramway.

Un homme est en train de prendre une photographie ou de régler son appareil.
On discerne à ses pieds la ligne de l’ancien tramway, active entre 1890 et 1945.

Derrière lui à droite, deux villas se dressent, aujourd’hui disparues, comme près de 5000 habitations.

Plus loin, on aperçoit la tourelle et les épis de faitage d’Aigue Marine, l’une des villas les plus prestigieuses de Royan, encore debout. Nommée par les Royannais « Chambord-sur-Mer », ce château miniature est bâti au début du XXe siècle pour Léon Lehmann, fils d’un entrepreneur. Ses frères possèdent deux autres villas sur le boulevard, Espérance au numéro 42 et Les Campaniles au numéro 68.

Nous pouvons estimer notre point de vue aux numéros 110-112 du boulevard.

Le Café des Bains, construit vers le milieu du XIXe siècle, a également été détruit lors du bombardement. Il est remplacé en 1955 par l’actuel café construit sur les plans de l’architecte Louis Simon.

L’établissement a été immortalisé en 1940 par Picasso dans son tableau Café à Royan.

Element quasi identitaire du tourisme balnéaire, le casino municipal de Royan a été détruit en 1945, en même temps que le premier casino de la plage de Foncillon.

Construit en  1895 par Gaston Redon dans un style néo-rococo, il resta le plus grand casino de France jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. De grands noms l’ont fréquenté : Sarah Bernhardt, Cléo de Mérode,…

La Reconstruction de Royan, encadrée par l’architecte Claude Ferret, débute dans les années 1950 autour d’un programme architectural  moderniste. La ville devient un lieu d’expérimentations novatrices qui contribuent aujourd’hui à sa renommée, avec de nombreuses villas pour l’illustrer.

Bibliographie

Frédéric Chasseboeuf, Guide architectural Royan 1900, Vaux-sur-Mer, Bonne Anse, 2013

Yannis Suire, « Royan bombardé », Inventaire Poitou-Charentes, 2014

Yannis Suire, Inventaire de Royan, Inventaire Poitou-Charentes

Royan bombardée, Site de la Ville

Désirée Pochonet (1828-1860)

Vous rappelez-vous de cette actrice ? Elle était le sujet de notre énigme du mois de septembre !

Collection Magendie, Mag3326
  • nous nous situons entre 1874 et 1876
  • le photographe et éditeur est Anatole Pougnet
  • il s’agit d’une image tirée d’une série de portraits d’actrices parisiennes

Vous avez été plusieurs à proposer des noms : Adèle Blanchart dite Berthe Legrand, Marie Muller, Hortense Schneider, Marie Raphaël, Louise Vaissière dite Lise Tautin,…  Les similarités entre ces actrices populaires ont souligné les canons de beauté de l’époque.

Finalement, nous avons envoyé une demande auprès du Département des Estampes et de la photographie de la Bibliothèque nationale de France pour quatre actrices non identifiées dans nos vues numérisées. Dans les importantes collections stéréoscopiques de la BnF (près de 20 000 vues), une seule correspondait à notre recherche : il s’agissait justement de notre énigme !

Une mention au verso indique « Désirée » sur la vue de la BnF, rien d’autre.
En cherchant un peu plus, nous avons finalement trouvé une correspondance en la personne de Marie Désirée Pochonet (ou Pochonnet), dite Mlle Désirée, chanteuse et comédienne au Gymnase autour de 1850.

Désirée, Gaston & Mathieu, Paris, Musée Carnavalet

Il existe relativement peu d’informations sur elle, mis à part quelques mentions dans des revues, cartes de visite du Musée Carnavalet, images de costumes et autographes. Habituée des rôles d’ingénues, elle est reconnue pour sa grâce et sa gentillesse.

Désirée, Reutlinger, Paris, Musée Carnavalet
Désirée, Carjat & Cie, Paris, Musée Carnavalet

On trouve également une allusion chez Théophile Gautier : « elle n’a pas trop mal répété sa leçon » dans un feuilleton du 5 janvier 1846.

Pierre Laubriet (dir.), Claudine Lacoste-Veysseyre (éd.), Théophile Gautier : Correspondance générale : 1846-1848, Genève-Paris : Droz, 1988, p. 47

Nous savons cependant, par le biais d’un procès dont elle fut le sujet, qu’elle est entrée au théâtre du Gymnase en 1844, à l’âge de 14 ans.
Le théâtre du Gymnase, ou Gymnase-Dramatique ou encore simplement Gymnase, est un théâtre parisien fondé en 1820. Il est aujourd’hui nommé théâtre du Gymnase Marie-Bell et inscrit à la liste des Monuments historiques. L’époque de Désirée correspond à un changement dans le répertoire de l’établissement : on abandonne peu à peu les pièces morales pour passer à un registre plus sentimental issu de Balzac, George Sand, Alexandre Dumas père et fils, Emile Augier,…

Le procès, ayant eu lieu en 1845, oppose sa mère contre le directeur du théâtre, afin d’annuler l’engagement professionnel de sa fille pris pour quatre ans alors qu’elle était encore mineure.

Désirée, Franck, Parus, Musée Carnavalet

« Voilà ce que dit le directeur, et il a raison. Malheur, malheur aux mères qui confient leurs filles au théâtre ! »


Gaston Lèbre, Emile de Saint-Auban (éd.), Revue des grands procès contemporains, Paris, 1893, p. 251-254 [En ligne]  consulté le 22 mars 2019

Le déroulé du procès a été retranscrit dans plusieurs journaux de l’époque. Le Journal des débats politiques et littéraires du 18 août 1845 est plus virulent ; on comprend que l’objet de l’affaire concerne plutôt la chute morale d’une jeune fille qu’on devine « coupable », perdue au milieu des frivolités et mauvaises fréquentations du théâtre…

Journal des débats politiques et littéraires, 14 août 1845 [En ligne]

Gazette des tribunaux, jeudi 21 août 1845, 20e année, n° 5655.

La demande de nullité d’engagement est cependant perdue et Désirée continue manifestement de se produire au Gymnase, comme en atteste cette gravure de 1846 où elle est représentée.

Eustache Lorsay, Les acteurs du théâtre du Gymnase, L’Illustration, volume 1846-1847

Elle a ensuite été mariée deux fois et de sa seconde union avec l’acteur Pierre Frédéric Achard naît Frédéric Alexis Pochonet dit Achard (1848-1913), qui fait également carrière au Gymnase.

Enfin, pour terminer sur notre énigme : nous vous avions donné une datation entre 1874 et 1876, or cette comédienne est décédée en… 1860. Cela nous donne une information supplémentaire sur l’utilisation de photographies, éditées plus tard par Anatole Pougnet et confrères.

Désirée, Gaston & Mathieu, Paris, Musée Carnavalet Cette photographie et la deuxième présentée dans cet article ont sans doute été prises au même moment que notre vue stéréoscopique.

Plus d’informations sur les cartes de visite : http://parismuseescollections.paris.fr/fr

Mlle Désirée (Collection personnelle d’Arnaud Rykner)

Voici une autre photographie stéréoscopique de Mlle Désirée éditée par le même Anatole Pougnet. Cette version provient de la collection personnelle d’Arnaud Rykner qui l’a gentiment partagée afin qu’elle vienne enrichir notre article.

Pour plus d’informations sur la photographie d’acteur : Revue Registres

et pour plus d’informations sur la photographie de scène : Revue d’histoire du théâtre